Éducation/écoles/étudiants | Religieuses | Oblats | Rôle des communautés religieuses

Services domestiques | Soeurs de la Charité | Filles de Jésus | Lettres | Lettres 2 | Vie au Lac La Biche | Propagation | Propagation 2

 

RELIGIEUSES

Propagation 2

Suite de la lettre à la sœur Charlebois, Directrice adjointe
Hôpital Général, Montréal


Depuis le début de mars, beaucoup de familles sont réduites à la mendicité. Le généreux père Leduc nous a autorisés à donner de la nourriture à ceux qui ont faim. Heureusement que nous avons beaucoup de poissons car ces pauvres personnes affamées ne sont pas gênées de mendier de la nourriture : on penserait que les poissons leur appartiennent plutôt qu'à nous; ils boivent et mangent sans penser à nous offrir le moindre petit service. L'autre jour, quand elle a fini de servir ces pauvres personnes, sœur Saint-Michel a dit à un jeune homme qui avait environ 16 ans : « Alexis, viens ici et apporte quelques bûches de bois! ». Il l'a fait mais deux jours plus tard, quand il est revenu pour manger, il a demandé sa paie. Quand ce fut mon tour de le servir, j'ai remarqué un autre jeune homme qui était tellement mal habillé que je me suis sentais désolée pour lui, surtout qu'il faisait tellement froid. Je lui ai demandé s'il voulait travailler en échange d'une paire de pantalon dont il avait certainement grand besoin; je pensais que ma proposition le réjouirait. Pas du tout! Il est devenu songeur, a réfléchi pendant un certain temps et, en soupirant, a demandé : « qu'est ce que vous me ferez faire? ». Il pensait qu'il était déjà assez bien habillé; j'ai dû me retourner pour rire. Pauvres sauvages, ils ont plus peur du travail que de la misère! C'est le résultat d'une éducation médiocre. Comme vous le savez bien, l'éducation des enfants ici est la base d'un avenir civilisé pour le peuple mais, hélas, nos ressources sont si limitées, tellement limitées, qu'il nous faudra peut-être même abandonner le peu que nous avons déjà fait. Nous espérons tellement être sauvés par les âmes charitables et généreuses de notre Canada. Comme vous l'avez mentionné dans vos lettres déjà, certaines personnes ont fait de grands sacrifices. S'il vous plaît, laissez-moi demander votre appui pour que ces bienfaiteurs généreux se rendent compte de nos profonds sentiments de respect et de gratitude.

Je n'ai pas encore décrit la bénédiction qui est survenue pendant la période avant le Carême. Pour la première fois, nous avons eu la joie inexprimable d'avoir les 40 heures. Beaucoup de nos pauvres gens sont venues aux services. Avant, seulement les personnes de la mission pouvaient apprécier ces délicieux moments de confort et rester loyalement au côté de notre cher Seigneur Jésus. Nos chers enfants sont également venus l'un après l'autre dans la présence de sa Sainteté afin de prier pour leurs bienfaiteurs et leurs bienfaitrices parmi lesquels vous vous trouvez.

Pendant la nuit du Jeudi Saint au Vendredi Saint, nous nous sommes organisés afin d'avoir toujours deux ou trois personnes de la maison avec le Sacrement Béni. Nos enfants ont demandé et ont obtenu la permission de pouvoir faire leur tour de garde. Je frissonnais de joie lorsque je les ai vus se dépêcher pour sortir du lit et aller à l'autel. Certaines des plus petits dormaient un peu aux pieds du Maître Divin mais je suis sûre qu'il n'est pas offensé. Les orages qui nous menacent continuellement empêchent la majorité de nos personnes de venir le Samedi Saint, car à la place ils restent enfermés dans leurs maisons. Il faisait un peu meilleur le dimanche de Pâques et presque tous les catholiques sont venus à l'église; il y avait une foule. Après la messe sainte, une magnifique croix de 35 pieds a été érigée en face de notre maison sur le bord du lac. Ce monument pieux a fait une profonde impression sur nos pauvres gens. Je vous assure que nos fervents missionnaires font tout pour la promotion du règne de notre sauveur Jésus Christ.

Un mot sur notre moisson : nous n'avons que 150 boisseaux d'orge et 138 balles de mauvais foin. Depuis l'automne passé, nous avons pris presque 80 balles. Nous estimons que nous sèmerons 80 balles ce printemps et, au delà de cela, nous devrons manger des biscuits, etc. à partir de maintenant jusqu'à la prochaine récolte. Nos pommes de terre ont été bien préservées cet hiver; notre récolte du jardin n'était pas très bonne et cette année nous récolterons encore moins de produits, car nous avons moins de semences à planter. Celles que vous nous avez données, et que nous voulions recevoir à temps, arriveront trop tard, car nos hommes n'arriveront pas de Carlton avec nos choses avant début juin. Nos poulets sont encore vivants mais seulement parce que nous les avons bien soignés cet hiver et tenus loin des chiens.

Il me semble, chère mère, que vous ne seriez pas satisfaite si je finissais cette longue lettre sans dire un mot au sujet de nous toutes. Notre santé est affaiblie; cependant, nous parvenons tous à compléter nos tâches aussi bien que prévu. Le dévouement de nos chères filles mérite de nombreux éloges. Souvent, je m'encourage en pensant à la richesse qu'elles gagnent pour l'éternité; leur santé est bonne.

Bonne et compatissante mère, j'inclus avec cette lettre une liste courte d'articles dont nous avons grand besoin dans l'espoir que vous trouverez de nouveau des âmes sensibles et généreuses qui ne refuseront pas de venir nous secourir.

Veuillez excuser le manque de continuité dans cette lettre. Nous sommes tellement occupées à préparer les vêtements, les réserves, etc. des missionnaires qui vont et viennent continuellement qu'il m'est impossibles d'écrire de manière plus ordonnée.

Mes chères soeurs vous écriront.

Cette lettre ne serait pas complète si je n'écrivais pas quelque chose pour notre bienfaiteur inconnu; le fait que nous ne connaissons pas son nom n'empêche pas d'évoquer la gratitude qui nous lui devons. J'ai pris sur moi le devoir de lui exprimer nos sentiments et je suis certaine qu'il vous fera plaisir de les lui transmettre.

Cela fait deux jours maintenant qu'il fait beau; si ce beau temps continue, nous accueillerons bientôt le printemps que nous attendons impatiemment. Il y a peu de foin et nos animaux sont minces. Je m'inquiète de la mort de beaucoup d'entre eux.

Aujourd'hui, le 12 avril, nous avons entendu que la digue au moulin est cassée ce qui signifie un manque de pain. Les voyageurs prennent avec eux le petit peu de farine que nous avons laissée. À la maison, nous vivons comme nous pouvons. Au moins nous avons beaucoup de poissons.

Si jamais j'ai la chance de vous revoir, chère mère, ce jour serait l'un des plus heureux de ma vie.

Veuillez donner mes sentiments respectueux et filiaux à notre mère très honorable et sachez que vous, très chère sœur assistante, êtes considérée affectueusement et avec gratitude.

Fidèlement vôtre dans notre sauveur,


Soeur Youville
Sœur de la Charité


Page précédente


© 2003 Société culturelle Mamowapik et Société d'Histoire de Mission Lac La Biche (Tous droits réservés)

 

Histoire Visite virtuelle
Collections Information Utilitaires English
Autochtones Communautés religieuses Transport Agriculture Technologie