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Vie au Lac La Biche 2

Lettres de W. E. Traill, 1874-1881 – Partie 2

Tout le monde tue des poissons pour en manger pendant l'hiver. La plupart des familles en mangent entre deux et trois mille selon le nombre de personnes et de chiens qu'elles possèdent. En effet, elles gardent toutes un traîneau de chiens et comme chaque chien mange du poisson il en faut donc une bonne réserve.

[Le 17 ou 18 octobre] j'amènerai mes pêcheurs à la pêche d'automne. [En automne nous allons aux] endroits où les poissons pondent leurs œufs à environ 10 ou 12 milles de [la maison]. L'hiver nous transportons les poissons sur les traîneaux de chiens. J'espère pêcher entre 10 000 et 15 000 poissons blancs. Si j'en ai 10 000, cela sera suffisant pour tout l'hiver.

Lorsque mes pêcheurs n'étaient pas dans les zones de pêche, je devais travailler pour la société , couper et transporter le bois, etc. J'aimais pêcher quand il ne faisait pas trop froid mais ce n'était pas amusant de réparer un filet quand la glace flottait sur l'eau, bien que ces hommes le fassent en plein hiver même s'il fait froid et qu'ils aient les mains nues.

Transportation 3Harriet est très fière de ses succès en tant que sportive. Depuis quelque temps, elle s'initie au tir; au grand chagrin des poulets de prairie [et elle regarde les pièges de lapin qu'elle a faits]. Elle dit vouloir apprendre comment déposer un filet mais je crains qu'un certain temps ne s'écoule avant qu'elle n'ait plus peur de l'eau. Elle ne se sent pas à la maison dans un canoë. Mais la chasse n'est pas son seul succès. Elle sait cuisiner et faire mes vêtements aussi bien que n'importe quelle autre épouse que je pourrais trouver dans un pays civilisé. Et surtout, elle est une épouse affectueuse et vraie. Ne suis-je pas un homme chanceux ?

[En octobre nous] avons reçu nos deux caisses de marchandises d'Orkney d'une valeur d'environ £30 dans laquelle Mme et M. McKay avaient ajouté plusieurs beaux cadeaux. Le cadeau qu'a offert M. McKay à Harriet était une robe de tweed très propre pour marcher. Mme McKay lui a envoyé plusieurs choses pour les enfants et leur tante Kate quelques livres de bonbons pour les plus petits. Nous avons eu la visite d'un missionnaire [le 14 octobre]... et l'avons excessivement appréciée. Il s'appelait Steinhaur. Un vrai Indien du lac Simcoe. Il a été élevé et instruit à Alnwick par le vieux père Chase. Il connaît le lac Rice et habitait au village indien. Il est arrivé ici en 1855 juste après que le pont du lac Rice ait été construit. Il est posté à environ 50 milles d'ici et nous rendra visite une fois par mois.


Hiver 1874-1875

L'hiver est arrivé assez vite, le 1e [novembre]. Le lac n'était pas gelé avant le 15. [Le 22 novembre], le thermomètre était déjà à 25. La pêche vient juste de se terminer; ainsi toutes les personne sont sur leurs terrains de chasse. Je suis chanceux car j'ai le meilleur pêcheur et fabricant de filet du nord mais je l'ai presque perdu. Il réparait ses filets dans un orage, s'est renversé et a failli se noyer. Une fois sauvé par les autres, il ne pouvait pas se tenir debout. Il a été quelques heures dans l'eau glacée. Il s'est presque noyé une deuxième fois en essayant de traverser la glace avant qu'elle ne soit assez solide. Si possible, j'essayerai une drège l'automne prochain. Nous en pêchons assez maintenant mais cela prend un peu trop longtemps à mon goût. Nous avons à peu près 10 000 poissons blancs, 20 sacs de pemmican. J'ai tué 2 bœufs et tuerai plusieurs porcs. Nous ne sommes pas inquiets pour cet hiver ayant de quoi manger; ce qui est très important. Cependant, le commerce n'est pas très bon car il y a pénurie d'animaux à fourrure. Je crains plutôt que nous n'ayons pas un bon hiver supplémentaire pour des fourrures; néanmoins il est difficile de juger ici comme plusieurs de nos chasseurs vont en chercher sur l'Athabasca et d'autres vers le lac Lesser Slave où les fourrures sont plus abondantes.

Nous avons passé un temps morne à [Noël et au nouvel an]... Nous étions tout à fait seuls à Noël et le jour de la nouvelle année nous avons eu bien plus de visiteurs que nous n'en voulions. Nous avons dû régaler chacun de nos voisins ainsi que les personnes de l'établissement.

Elles sont entrées tôt et nous nous sommes seulement débarrassées du dernier peu avant d'aller se coucher. Les gens avec qui je dois avoir affaire me fatigue. Parfois, j'aimerais avoir un autre métier que celui de commercer des fourrures car il ne correspond pas du tout à mes goûts. C'est le métier le plus misérable parce qu'on est constamment maltraité par chaque vieil Indien qui vient. Si je le pouvais, je quitterais ce service. Cependant, je ne vais travailler que pendant deux ans et demi même si j'obtiens plus d'encouragements qu'actuellement.

Je ne sais pas quand mon tour viendra mais une chose est certaine, c'est que lorsque j'aurai un congé je saurai en profiter. Si mon commerce cette année avait réussi, j'aurais peut être eu une chance mais comme ce n'est pas le cas, même si ce n'est pas de ma faute, mes chances de partir sont très faibles. C'était une réelle escroquerie de me faire croire au début que j'aurais une chance d'aller à la maison dans sept ans; tel n'est jamais le cas – non, même après dix ans, peu de personnes obtiennent un congé sauf pour mauvaise santé. Naturellement, la situation pour les commissions d'officiers est différente. Dans le service de HBC, plus on monte en grade, moins on a de choses à faire et plus le salaire est élevé; qu'est ce que j'aimerai avoir mon pied sur le premier barreau de l'échelle. Tôt ou tard, je commencerai à cultiver la terre. Le temps file très rapidement. Je n'arrive pas à me rendre compte que cela fait presque 11 ans que je suis dans le service. Je ne sais pas quand je sortirai dans le monde civilisé à nouveau. Il y a une possibilité que la compagnie fasse une route au travers ce pays en partant de la Saskatchewan au-dessus du fort Pitt jusqu'à Athabasca. Ainsi, cet endroit prendrait de l'importance. J'espère que tel sera le cas puisque nous sommes tout à fait fermés au monde civilisé.

Harriet se sent malade... La pauvre fille s'inquiète trop. Elle trouve cet endroit si isolé... Nous n'avons aucun ami. Il y a une famille [anglaise] très respectable qui habite à environ deux milles et les personnes de la mission qui sont tous français mais parlent un anglais correct. Les soeurs sont très aimables. L'une d'entre elles est une vieille amie de Mme McKay et est très aimable envers Harriet et les enfants. Je pensais qu'elle s'était résignée à la triste perte de notre chéri mais quand elle se sent malade elle s'inquiète beaucoup. La pauvre Harriet est excessivement peinée. Elle ne peut pas se réconcilier avec cet endroit et cela n'est pas surprenant : notre chérie nous a été prise un jour après notre arrivée. Chère enfant, elle s'est épargnée beaucoup de douleur et apprécie maintenant le repos éternel tandis que nous, ses parents indignes, souffrons et pleurons.

Transportation 4Je suis heureux de dire que malgré le fait que les enfants toussent parfois, ils sont en bonne santé et s'amusent. Ils ne peuvent pas parler de leur petite sœur. Ils se rappellent qu'elle a été mise dans la terre et ne peuvent supporter ces pensées. Ils ne peuvent pas supporter voir leur mère pleurer. Chers enfants, que Dieu les bénisse et les garde. Ils ont passé un long et difficile moment pendant la coqueluche. Walter grandit rapidement mais Katie est toujours très petite. Elle sera toujours une petite chose. Harriet leur enseignait une grâce prise du Petit livre de la mère pour enfants, « donnez nous des cœurs reconnaissants ». Il s'est arrêté et a dit, « quel genre de cœurs? Des cœurs de lapin, je suppose ». Pauvre garçon, il aimait bien les cœurs de lapin et, même si c'était une grâce, il pensait à son plat favori. Il connaît toutes les lettres de l'alphabet et Katie connaît la plupart d'entre elles. Walter est un très bon garçon et est très accommodant. Katie était plus difficile mais s'améliore.


Le printemps 1875

[Cette lettre vous vient du fort Pitt sur le fleuve Saskatchewan.] Mes affaires ne marchent pas très bien mais M. [Lawrence] Clarke m'a écrit qu'il était satisfait malgré le fait que cette année fut difficile en ce qui touche les fourrures. Nous avons eu un hiver extrêmement long et beaucoup de neige; par conséquent les eaux des rivières ont toutes été ou sont remarquablement hautes. Nous avons connu ce printemps des inondations sans précédent de tous les fleuves des montagnes rocheuses. Le bras du nord s'est cassé avant que la glace n'ait fondu. Ce fort [Pitt], malgré le fait qu'il soit construit en hauteur, a presque été inondé et, à Canton, même s'il est construit en hauteur, la glace a bloqué les bastions du fort. Encore plus bas, à Prince Albert, les gens ont dû prendre les collines pour se sauver; et cinq Indiens et quelques bétails se sont noyés. Sur le bras du sud, la situation était plus ou moins pareille mais aucune vie n'a été perdue.

Mais l'inondation la plus spectaculaire s'est produite sur l'Athabasca au fort McMurray à l'embranchement de l'Athabasca et de la rivière Clear Water; la rivière s'est levée en une demi-heure à la hauteur incroyable de 63 pieds, emportant plusieurs bâtiments du fort et en noyant tous les bœufs de transport. M. Moberly, l'officier responsable, est venu à pied au Lac La Biche pour remplacer ceux s'étaient noyés. Je lui ai précisé le nombre de bêtes qu'il nous fallait et maintenant je n'ai plus d'animaux...

[Comme Harriet sera bientôt obligée de rester chez elle, je suis venu ici au fort Pitt pour chercher Mme McKay. ] Il sera très plaisant qu'Harriet ait sa mère avec elle pendant un court moment. J'ai fait un dur voyage plutôt jusqu'au fort Pitt. À cause de l'accident dans le nord, j'ai dû abandonner tous mes animaux pour faire face à une perte qui autrement aurait été irréparable et je suis seulement parti avec un cheval pour me rendre au fort Pitt... je marchais pendant que le cheval portait les marchandises. J'ai dû envoyer mes paquets dans des chariots à partir de la mission R.C. J'ai voyagé en compagnie des personnes de la mission R.C.; et un jour j'ai bifurqué sur le lac White Fish où j'avais des affaires à régler. Les personnes là-bas mourraient de faim donc elles ont mangé toutes mes provisions, après quoi j'ai dû marcher dans les bois de nouveau pour me rendre sur la route du fort Pitt; je ne dépendais que de mon pistolet pour manger. Chaque ruisseau était une rivière et chaque rivière une inondation. Nous avons presque noyé notre cheval dans la rivière Beaver et nous avons essayé de traverser un autre ruisseau sur un pont provisoire qui avait été en service mais qui, à ce moment-là, était submergé. Le cheval s'est enfoncé dans le pont et se serait noyé si nous n'étions pas parvenus à le transporter au-dessus sur son côté. Nous étions sur le pont presque à nos genoux dans l'eau. Bien sûr les sacoches étaient mouillées et mes papiers trempés. Nous aurions eu quelque difficulté à trouver notre chemin mais sommes tombés sur un Métis âgé qui connaissait le pays et dont j'ai loué les services pour me guider.

[Nous sommes retournés au Lac La Biche le 5. Le 25 juin 1875, Harriet] m'a présenté un bon petit fils [Willie]. Je dis petit mais il est déjà un géant, plus grand que Walter ne l'était. Il avait de grandes mains et pieds et un nez qui ferait honneur aux Traills et McKays. Je suis heureux de dire que la mère et le bébé vont bien.

J'ai économisé environ la moitié de mes salaires pour cette année et pense que dans ce travail je pourrai mettre de côté une somme égale, soit 250 $, que j'investirai. Bien sûr, des difficultés peuvent survenir et m'empêcher d'économiser une telle économie mais je pense que je réussirai. J'ai dû en dépenser un peu parce que Walter va à l'école. L'éducation de mes enfants sera mon seul but si cela plaît à Dieu de les épargner. Je ne suis pas obnubilé par l'argent pour l'argent mais plutôt car des personnes dépendent de moi. Je vis confortablement et ne veux pas que ma famille soit dans le besoin. Nous pouvons souffrir de privations, mais nous sommes libres de la majeure partie des envies et des jalousies de la vie civilisée et avons la confiance dans ce que le poète Campbell appelle « les tous en tout de la vie – Content ».


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