Au pied du cône une rangée
de cabanes de branchages qui ne contiennent que des cadres et des
hamacs sert de dortoirs aux pêcheurs. C'est plus que modeste,
c'est très misérable, et on conçoit mal comment
dans un pareil climat, sous un ciel toujours pluvieux ou brumeux
et dont l'humidité est souvent glaciale, on peut se contenter
sans inconvénient pour la santé d'une genre d'abri
aussi sommaire. Il paraît cependant prouvé par l'expérience
qu'il n'en résulte aucun dommage, et que les équipages
de pêche jouissent de la plus florissante santé. Toujours
à l'air, toujours activement occupés, les hommes n'ont
pas le temps de prendre de l'ennui, leur sang circule activement,
et ils ne sont pas sujet aux rhumes dont l'apparition, contrairement
à ce qu'on devrait supposer, est fort rare dans ces parages.
On est toujours plus ou moins mouillé, et on ne s'en trouve
pas plus mal. Il est des grâces d'état.
La grève était couverte, de
manière à flatter aussi peu la vue que l'odorat, d'une
couche de débris sanglants de morue; têtes et entrailles
chargeaient le galet aussi abondantes que le sont ailleurs les plantes
marines rejetées par la vague. À quelques pas s'élevait
la paroi presque droite du cône. L'établissement proprement
dit est au sommet. On a construit en planches un escalier roide
comme une échelle, accosté à droite et à
gauche par des rails en bois sur lesquels montent et descendent
avec l'aide d'un cabestan placé au sommet du mont, tous les
fardeaux qu'on veut faire circuler.
Après avoir escaladé un bon
nombre de marches, nous nous trouvâmes au milieu des magasins,
tous construits en planches, de l'habitation du gérant, de
celle du docteur, enfin dans le centre d'une exploitation intelligente
et bien réussie. L'établissement de l'île Rouge
est un de ceux qui, sur la côte occidentale, donne le plus
constamment les meilleurs produits et mérite le plus d'intérêt.
Nous nous trouvions là au milieu d'une variété
nouvelle de la gent pêcheur dont la nature et les conditions
d'existence sont toutes différentes de celles que nous avions
pu observer jusqu'alors, soit pêcheurs sédentaires
de Saint-Pierre et Miquelon, soit pêcheurs des bancs, soit
pêcheurs anglais indûment établis chez nous.
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