«Catherine Jolicoeur, celle qui
rêvait d'être missionnaire et qui se passionnera
de légendes» (suite)
Sr Julie D'Amour dira d'elle, suite à
cette maladie, « qu'elle s'est enrichie de jour en jour,
non pas de lectures, de conférences, de recherches,
mais tout simplement de mille et un gestes d'affection qu'elle
recevait des membres de sa famille, de ses amis, de ses consoeurs,
de ses infirmières, de son médecin. De grande
qu'elle était, elle est devenue petite. Ça doit
être ainsi dans le projet de Dieu. »
On la trouvera à tour de rôle
aux archives de l'Université Laval, à l'enseignement
au Centre universitaire Saint-Louis-Maillet à Edmundston.
Entre les années 1976 et 1978, Sr Jolicoeur entrera
dans ce que certains qualifient de période la plus
fructueuse de sa vie. Elle dispensera des cours de folklore
acadien; elle dirigera des ateliers pédagogiques, fera
de nombreux exposés dans les écoles du Nouveau-Brunswick,
participera à de nombreux colloques et publiera de
nombreux articles sur le sujet.
On la retrouvera même à l'Université
Southwestem à Lafayette en Louisiane. C'est pendant
son séjour là-bas qu'elle mettra en oeuvre des
archives acadiennes et créoles.
Devant le travail immense qu'elle a accompli
à la retraite de l'enseignement, il faut s'incliner
et admirer l'ardeur et la passion qu'elle aura déployées
par amour pour le folklore. Ce sont pIus de 25 000 enregistrements
qu'elle aura à son compte, dont plus de 2 500 sont
classés aux archives du Centre d'études acadiennes
de l'Université de Moncton. Les moines-copistes n'en
n'auront pas fait autant.
Quelle souffrance cela aura dû être
pour celle qui aura entrepris de se faire la mémoire
d'un peuple et se voir perdre le contrôle de la sienne!
Pénible épreuve, en effet, pour celle qui sera
allée dans l'imaginaire collectif chercher cette matière
vivante qu'est la légende!
Pour ceux qui voudront en tirer une leçon,
ils pourront se rappeler que mieux vaut vivre le temps présent,
l'avenir étant si incertain.
Quand l'histoire aura oublié son nom,
les jeunes qui auront encore l'amour et la passion de la tradition
orale pourront s'y référer et découvrir
qu'en Acadie le diable s'est toujours présenté
sous forme d'un beau danseur qui porte des gants. Et ils comprendront
d'autant plus pourquoi les salles de danse constituent un
danger pour toute fille qui les fréquente.
Dans l'homélie que Sr Julie D'Amour,
sa supérieure générale, faisait à
ses funérailles, il est dit: « Femme honnête,
femme aux valeurs profondes, femme au dévouement inlassable,
elle est universelle. Elle est comme un beau livre d'histoire.
Elle porte un nom à jamais mémorable : Sr Jolicoeur,
la soeur du coeur comme se plaisaient à l'appeler les
gens de Buttes Amirault, Nouvelle-Écosse. »
L'ancien ministre provincial, Roland Beaulieu,
dans une présentation qu'il faisait devant la Société
d'histoire du comté de Restigouche, rendait hommage
à Sr Jolicoeur en ces termes: « Enseignante dévouée,
chercheure acharnée, folkloriste émérite,
Catherine Jolicoeur a consacré sa vie à faire
revivre les légendes acadiennes. Elle a interrogé
les conteurs, noté leurs histoires, écouté
leurs chansons et consigné leurs souvenirs. Elle s'est
littéralement mise à l'écoute de l'Acadie.
Ses livres témoignent de l'histoire et de la vitalité
d'un peuple. J'oserais dire qu'elle a tracé une poétique
du peuple acadien (...) Elle a fait oeuvre de pionnière
lorsqu'il s'agit de remonter aux sources de l'histoire de
l'Acadie. »
Si le passage d'une étoile filante
est éphémère, la trace qu'a laissée
Sr Jolicoeur est d'une richesse inestimable dont tout le milieu
universitaire acadien peut se féliciter.
Le monde du folklore en Acadie ne sera plus
jamais le même parce qu'une jeune Gaspésienne
de Nouvelle aura voulu convertir les « petits Chinois
» et sera entrée au noviciat des filles de Marie-de-l'Assomption.
Sr Jolicoeur aura laissé un héritage
qu'il convient de rappeler à tous les intéressés
du monde folklorique. Si sa mort l'a immortalisée,
son oeuvre l'aura consacrée et en aura fait un personnage
important du patrimoine Iittéraire acadien.
Sr Jolicoeur est décédée
le 17 mars 1997, entourée de sa famille religieuse,
après s'être jurée que si sa maladie était
grave, elle allait lutter jusqu'à la fin.
Série Grands Éducateurs,
Grandes Éducatrices
Entre Nous, vol.14, no. 7, 1999
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