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Instruments économiques pour la protection et la conservation de l'environnement : Leçons pour le Canada

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5 Principes directeurs concernant l'utilisation et la création d'instruments économiques

La présente section regroupe les leçons tirées à l'étranger et par l'expérience du Canada en matière d'utilisation d'instruments économiques et d'écologisation de la fiscalité, et identifie différents principes directeurs permettant de promouvoir l'utilisation accrue d'instruments économiques au pays. Elle offre tout particulièrement un guide permettant aux décideurs de s'assurer qu'ils ou elles : a) choisissent des instruments économiques qui conviennent à des circonstances particulières; et b) les élaborent minutieusement, notamment à l'aide de processus permettant de soutenir la nouvelle mesure.

5.1 L'opportunité d'utiliser des instruments économiques

En général, les instruments économiques conviennent davantage aux problèmes environnementaux caractérisés par les paramètres suivants :

  • une modification fondamentale et à long terme d'un comportement est souhaitée, laquelle peut être réalisée à l'aide de signaux du marché afin de modifier l'information qui fonde les décisions;
  • une certaine souplesse quant à la réponse des différents intervenants est acceptable;
  • un aboutissement est difficile à définir, mais l'orientation générale est connue;
  • le coût de la réduction de la pollution varie grandement selon les sources.

En général, des instruments économiques sont moins souhaitables comme mécanisme unique de gestion de risques pour lesquels une réponse prévisible et uniforme est nécessaire étant donné qu'ils émettent des signaux d'orientation et accordent une souplesse de réponse assez marquée. On peut cependant intégrer des objectifs précis à certains types d'instruments économiques (par exemple les programmes de limitation des polluants atmosphériques « cap and trade ») ou combiner un instrument économique avec un ensemble de règlements.

Dans le contexte d'une politique à plus grande échelle, les instruments économiques constituent rarement des mécanismes autonomes. Ils doivent en principe faire partie d'un ensemble de mesures constituées d'approches et de mécanismes de décisions. Comme tels, les instruments économiques peuvent être très utiles lorsqu'ils sont :

  • Combinés à une réglementation. Par exemple, le programme des permis de charges polluantes « load based licensing » de la Nouvelle Galles du Sud impose des redevances distinctes pour le danger potentiel que représentent une variété de polluants (y compris plusieurs substances qui sont gérées en fonction de leur toxicité au Canada). Le programme fonctionne conjointement à un seuil d'émission réglementé dans chaque secteur d'activités et pour chaque polluant, seuil qui est déterminé dans la mesure du possible par les outils de la technologie moderne. Les redevances imposées aux détenteurs de permis de charges polluantes sont doublées aux installations qui dépassent un seuil prédéterminé. Chaque détenteur de permis doit également respecter une charge annuelle limite pour chaque type de polluant émis par ses installations. L'État peut poursuivre les contrevenants qui dépassent les seuils fixés.19
  • Combinés à des mesures non régies par règlements. L'Association for European Automakers a récemment signé une entente avec l'Union européenne comprenant des engagements destinés à réduire la consommation d'essence des nouveaux véhicules. Les répercussions de l'entente sont amplifiées par le fait que bon nombre de pays européens imposent des taxes d'accise inférieures pour l'utilisation du diesel que pour le pétrole. Cette mesure incitera les consommateurs à acheter des véhicules diesel dont la consommation d'essence est plus faible. Également, quelques États américains offrent des incitations économiques comme la réduction des coûts de permis pour encourager la participation à des programmes non régis par règlements axés sur des « objectifs de prévention de pollution hors observation de mesures réglementaires ».
  • Combinés à des programmes de sensibilisation. Les programmes de sensibilisation publique et les instruments économiques peuvent être grandement complémentaires puisque les deux cherchent à remédier aux distorsions du marché. Des mécanismes de divulgation – tels les programmes qui sensibilisent le public aux performances environnementales, ceux de l'éco-étiquetage, ainsi que les exigences en matière de rapports rendus publics – fonctionnent sur le principe qu'une plus grande sensibilisation améliorera l'efficacité par laquelle le marché récompense ou pénalise la performance environnementale. Dans la même veine, les instruments économiques aident à améliorer l'efficacité du marché en corrigeant l'incapacité des prix du marché à refléter les facteurs environnementaux externes et servent en soi comme mesure de sensibilisation auprès des consommateurs.

Lorsqu'on souhaite évaluer le bien-fondé potentiel de l'utilisation d'un instrument économique, il est particulièrement important de comparer ses impacts à ceux d'autres mesures qui pourraient atteindre le même but en ce qui concerne l'environnement ou la santé. Un instrument économique peut en définitive imposer des coûts à certaines industries ou à certains consommateurs; néanmoins la question pertinente est de savoir s'il constitue la méthode la moins coûteuse d'atteindre les objectifs voulus. La figure 1 présente des critères à titre de guide permettant d'en évaluer l'utilisation.

Figure 1: Critères de sélection de l'instrument

Efficacité en matière de protection de l'environnement

  • L'utilisation de l'instrument permettra-t-il d'atteindre les objectifs environnementaux fixés?
  • Combien de temps sera-t-il nécessaire pour atteindre l'objectif? (court terme? long terme?)
  • L'instrument neutralisera-t-il des initiatives complémentaires?
  • Des coavantages se présenteront-ils à la suite de l'utilisation de l'instrument? (par exemple une plus grande sensibilisation aux problèmes environnementaux, des améliorations environnementales ou sociales indirectes)
  • Peut-on faire observer le mécanisme ou suivre de près l'observation de celui-ci?

Rendement

  • L'instrument permettant d'atteindre l'objectif environnemental est-il le choix le moins coûteux?
  • Quel impact (important ou peu important) l'utilisation de l'instrument a-t-il sur la concurrence et l'innovation par rapport aux autres choix?

Effets distributifs

  • Se produira-t-il des effets distributifs contraires appréciables? Peut-on les éviter ou les atténuer?
  • Quels sont les impacts intergénérationnels généraux aptes à se produire?

Souplesse

  • L'instrument accorde-t-il aux parties concernées la souplesse leur permettant d'atteindre un niveau de rendement des plus efficaces selon les circonstances qui leur sont propres?
  • L'instrument accorde-t-il suffisamment de temps pour les ajustements?

Ralliement des politiciens

  • Est-ce que le public s'opposera à l'instrument? Pourra-t-on faire face à cette opposition?
  • Quels sont les obstacles institutionnels et politiques de l'utilisation d'un instrument? Pourra-t-on faire face à ceux-ci?
  • L'instrument s'harmonisera-t-il avec les mesures actuelles ou futures?
  • L'instrument est-il en accord avec le principe du pollueur ou utilisateur-payeur?

5.2 Principes directeurs pour la création d'instruments économiques

Chercher l'appui du public par la consultation

  • S'assurer que les intervenants concernés comprennent pourquoi on utilise un instrument économique.
  • S'assurer que les intervenants concernés comprennent pourquoi les instruments économiques représentent le meilleur choix de mesures en vue d'atteindre l'objectif.
  • Consulter les intervenants concernés et leur donner l'occasion de participer à la création de l'instrument.
  • Convaincre du bien-fondé de l'utilisation d'un instrument économique dans le cadre d'un ensemble de mesures peut s'avérer plus facile que de convaincre de son utilisation seule (par exemple, une taxe écologique peut permettre de réduire d'autres taxes ou d'investir dans des activités sociales souhaitables).

Considérations concernant la création de l'instrument

Chaque instrument doit être conçu dans une perspective pragmatique qui reflète autant les objectifs visés par son utilisation que le contexte d'une politique qui commande sa création. Voici quelques considérations pertinentes concernant la création de l'instrument :

  • Simplicité : des règles non ambiguës doivent être définies avant toutes choses.
  • Degré d'influence : le signal du marché (le taux d'imposition ou d'une redevance, le coût d'une unité échangeable, etc.) devrait refléter le degré de changement voulu et la réaction vraisemblable du marché au signal.
  • Innovation : produire des incitatifs permettant d'améliorer le rendement, d'innover et de perfectionner.
  • Bénéficiaires sans contrepartie : l'instrument ou les mesures qui lui sont associées devraient inclure des mécanismes pour empêcher les profiteurs.
  • Suivi et observation : des moyens adéquats pour suivre de près les exigences relatives à l'instrument et en assurer l'observation devraient être mis en place.
  • S'assurer d'obtenir des résultats à court terme : les instruments économiques créés pour obtenir des améliorations concrètes de l'environnement à court terme ont obtenu la faveur du public.
  • Considérer l'absence d'incidence sur les recettes :20 faire la démonstration que l'imposition d'une taxe ou d'une redevance n'est pas abusive augmentera la légitimité de celles-ci. Dans un contexte à grande échelle, on peut réaliser cela en réduisant d'autres taxes. À plus petite échelle, l'utilisation de taxation avec remises (feebates) pour redistribuer les revenus au secteur ciblé peut augmenter l'acceptabilité politique de la mesure et améliorer les impacts sur l'environnement.
  • Atténuer les effets négatifs sur l'économie :
    • Cette mesure devra sans doute faire l'objet d'introduction graduelle, d'exemption ou de tarification moins importante pour les exportateurs, ou de redistribution de revenus.
    • Introduire l'instrument au moment opportun de façon à réduire ses effets négatifs sur l'économie : il peut s'avérer plus difficile de justifier l'augmentation de taxes sur l'essence, par exemple lorsque les prix du pétrole augmentent.
    • Essayer d'atténuer les effets distributifs négatifs (par exemple, les industries de produits hautement toxiques et du carbone se concentrent normalement dans certaines régions; les PME ont également tendance à polluer davantage que les grandes entreprises).
    • S'engager à surveiller les impacts et à prendre des correctifs vis-à-vis les effets imprévus.
    • S'assurer que la logique de toute exemption est transparente pour les usagers et le public.
  • Coordination : Certains instruments économiques (notamment l'étiquetage écologique et les mécanismes d'échanges) sont le plus souvent efficaces lorsqu'ils font l'objet de coordination avec les homologues.

19 La Nouvelle Galles du Sud autorise aussi les modèles d'échange afin d'élargir les permis basés sur la charge polluante depuis des installations individuelles jusqu'à des groupes de titulaires d'autorisation. Elle a établi divers programmes d'échange, y compris un au sein des usines de traitement des eaux usées présentes dans le même bassin hydrologique.

20 L'objectif doit être la neutralité des revenus d'après la perspective gouvernementale; il est plus difficile de rendre neutre la recette fiscale à partir d'un secteur industriel ou du point de vue du consommateur.

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Mise à jour:  1/13/2004

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