LETTRES ÉCHANGÉES ENTRE LE PREMIER
MINISTRE ET L'HONORABLE LAWRENCE MACAULAY
Le 22 octobre 2002
Ottawa (Ontario)
Voici le texte des lettres échangées aujourd'hui entre le Premier ministre
Jean Chrétien et l'honorable Lawrence MacAulay. Voici également le texte des
lettres échangées en 1999 entre le conseiller à l'éthique Howard Wilson et
l'honorable Lawrence MacAulay.
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Service de presse du CPM : (613) 957-5555
[Traduction]
Le 22 octobre 2002
Monsieur le Premier ministre,
Depuis des semaines, je subis des attaques pour la manière dont je
m'acquitte de mes responsabilités envers les gens de l'Île-du-Prince-Édouard.
Ces attaques ont porté atteinte à mon honneur et à celui de ma famille. Je
suis profondément reconnaissant envers les gens de l'Île-du-Prince-Édouard et
envers mes collègues au sein du caucus et du Cabinet pour le soutien qu'ils
nous ont apporté au cours de cette période difficile pour nous.
Cependant, à cette époque du « politiquement correct », si je devais
rester au Cabinet, je donnerais l'impression de me battre pour mon emploi au
lieu de mon honneur. Je remets donc ma démission du Cabinet.
La controverse qui m'entoure détourne sans aucun doute l'attention de
l'important programme d'action qui a été présenté dans le discours du Trône
que nous avons tous été élus pour promouvoir. Je veux faire en sorte que
l'attention soit accordée à la réforme du régime de soins de santé, aux
mesures en faveur de la croissance de l'économie et à la réduction de la
pauvreté chez les enfants. Si mon départ du Cabinet est la meilleure façon
d'atteindre cet objectif, je le fais en sachant qu'il sera alors plus facile
pour vous et pour nos collègues du Cabinet d'accomplir ce travail.
La semaine dernière, j'ai rencontré le conseiller en éthique et j'ai
appris qu'il a conclu que j'avais enfreint certaines obligations parce que j'ai
joué un rôle dans un dossier relatif au seul collège communautaire de
l'Île-du-Prince-Édouard, un collège dont le président est mon frère, mais
qui a été nommé par un conseil indépendant désigné par le gouvernement de
la province.
Je considère que le conseiller en éthique s'est carrément trompé dans ses
avis sur toute cette affaire. En raison de l'importance de la question, je vous
exposerai mes motifs en détail.
M. Wilson a conclu qu'il n'y a aucune différence entre une institution
publique et une entreprise commerciale aux fins du Code sur les conflits
d'intérêts. Sauf le respect que je lui dois, il existe une différence énorme
entre une institution publique, en l'occurrence un collège communautaire
appartenant au gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard et une entreprise
commerciale à but lucratif.
Il est inconcevable à notre époque qu'un ministre fédéral soit empêché
de s'occuper de questions d'intérêt public liées à une importante
institution publique dans sa province pour la seule raison qu'il a un frère et
que celui-ci a été nommé par le gouvernement de la province à la direction
de cette institution provinciale.
En particulier, dans le cas d'une province comme l'Île-du-Prince-Édouard,
il n'y a aucun autre ministre fédéral à qui j'aurais pu déléguer mes
responsabilités. C'est un cas très différent de celui d'une province qui
compte plusieurs ministres au sein du Cabinet. J'aurais souhaité que le
conseiller en éthique reconnaisse la différence entre les très petites
provinces et les grandes.
M. Wilson a conclu que la proposition du Collège Holland a fait l'objet
d'une recommandation favorable du Fonds d'innovation de l'Atlantique et qu'elle
a fini par recevoir une aide financière du gouvernement de
l'Île-du-Prince-Édouard. Il s'agissait d'un projet conjoint du Collège
Sheridan de Toronto, de l'Université de Moncton et de l'Université Acadia. De
toute évidence, la proposition ne manquait pas de mérite au point que l'on
puisse en déduire que je tentais simplement d'accorder une faveur
répréhensible à mon frère. Je pourrais également souligner que mon frère
ne pouvait absolument pas profiter financièrement dans cette affaire. C'est un
fait que M. Wilson a reconnu en disant que ce n'était pas pertinent. Je trouve
au contraire que c'est très pertinent.
D'après M. Wilson, le Code sur les conflits ne permet pas à un ministre
d'accorder un traitement préférentiel dans un cas qui concerne un membre de la
famille. M. Wilson a conclu qu'il était incorrect de ma part d'avoir soulevé
la question auprès du commissaire de la GRC et du commissaire du Service
correctionnel. Je soutiens que ce n'est pas accorder un traitement «
préférentiel » que de soulever un projet recommandé par le Fonds
d'innovation de l'Atlantique et par le gouvernement de la province auprès de
fonctionnaires avec qui je traite régulièrement. Il n'y a pas là de
traitement « préférentiel ». Il y aurait eu un traitement discriminatoire si
je n'avais pas soulevé la question. Après que j'ai eu soulevé la question en
mai dernier auprès des deux commissaires, ils m'ont dit qu'ils n'avaient pas de
fonds pour ce projet et l'affaire en est restée là. J'ai accepté leur
décision. Ce serait un dangereux précédent si les ministres se voyaient
empêchés, en toute circonstance, de traiter de quelque question que ce soit
sur quelque sujet que ce soit avec des hauts fonctionnaires. Les ministres et
les fonctionnaires doivent pouvoir tenir des discussions sans entraves.
M. Wilson dit m'avoir avisé par écrit, en septembre 1999, que je ne pouvais
m'occuper en aucune façon d'une question ayant rapport au Collège Holland. En
toute déférence, l'interprétation que M. Wilson donne de sa lettre est fausse.
Je ne crois pas qu'une personne objective interpréterait cette lettre de cette
manière. Je rends publique la correspondance que j'ai échangée avec M. Wilson
afin que tous puissent constater clairement qu'il ne m'a pas interdit de
soulever une question liée au Collège Holland auprès des commissaires du
Service correctionnel et de la GRC.
Enfin, en ce qui concerne le contrat avec MacIssac Younker, Roche et Soloman,
je suis ravi que M. Wilson ait conclu que les lignes directrices du Conseil du
Trésor ont été suivies. Il a aussi conclu que d'après le Conseil du Trésor,
la méthode d'attribution de tels marchés prescrits est jugée concurrentielle.
Si toutes les exigences du Conseil du Trésor sont remplies, peu importe qui
peut avoir bénéficié du contrat, il me semble. Le processus démocratique
repose sur la participation des citoyens. Il ne doit pas empêcher les citoyens
qui participent à la politique de faire des affaires avec le gouvernement
exactement de la même façon que les citoyens qui ne participent pas au
processus politique.
Ce fut un grand honneur pour moi de servir au sein de votre Cabinet. Vous
m'avez toujours accordé votre appui entier. Ma famille et moi vous en serons
toujours reconnaissants. Vous avez accompli de grandes choses pour notre pays au
cours des neuf dernières années. Je ne voudrais pas qu'une controverse, aussi
injuste soit-elle, fasse obstacle au travail important qu'il vous reste à
accomplir d'ici février 2004.
Je discuterai avec mes avocats des recours judiciaires que je pourrais avoir
contre ceux qui m'ont publiquement diffamé.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'assurance de ma très
haute considération.
ORIGINAL SIGNÉ PAR LAWRENCE MACAULEY
Lawrence MacAulay, C.P., député
[Traduction]
Le 22 octobre 2002
Cher Lawrence,
C'est avec un très grand regret que j'accepte votre lettre de démission du
Cabinet. Vous avez fait passer les objectifs du gouvernement avant vos
intérêts personnels. Il s'agit d'un geste d'une grande générosité de votre
part pour lequel vos amis et collègues vous garderont toujours dans leur estime
et leur affection.
J'ai lu votre lettre avec beaucoup d'attention. Je suis entièrement d'accord
avec les points que vous soulevez au sujet des allégations formulées à votre
endroit.
Votre amitié et votre appui au fil des ans nous ont été précieux à Aline
et à moi. Vous avez servi votre circonscription, votre province et votre pays
avec grande distinction.
Je vous prie d'agréer, cher Lawrence, mes plus cordiales salutations.
[ORIGINAL SIGNÉ PAR LE TRÈS HONORABLE JEAN CHRÉTIEN]
[Traduction]
Le 14 septembre 1999
Cher M. Wilson,
Je vous écris dans le but d'obtenir votre opinion au moment où nous sommes
à préparer une soumission du Conseil du trésor concernant une proposition de
développement d'un programme de gestion pour le Service correctionnel du
Canada. La proposition consiste en un partenariat entre le gouvernement de
l'Ile-du-Prince-Édouard et le gouvernement du Canada visant à élaborer et à
offrir un programme de formation en matière de leadership et de gestion à
l'intention de l'équipe de gestion du Service correctionnel. Le projet aura
pour effet de créer une présence visible pour le Service dans une province où
il n'y a qu'un petit bureau responsable des libérations conditionnelles, soit
à Charlottetown. Je sollicite votre avis pour savoir si cette proposition
soulève des questions quant à une possibilité de conflit d'intérêts.
Le Service correctionnel du Canada (SCC) a déjà entamé des discussions
avec des fonctionnaires au sein du gouvernement de l'Ile-du-Prince-Édouard
quant à la possibilité d'en venir à une entente en vertu de laquelle le
gouvernement du Canada conclurait un accord avec le gouvernement de
l'Ile-du-Prince-Édouard afin d'établir un programme de leadership et de
formation en gestion à l'intention des gestionnaires du SCC.
Le SCC a identifié un besoin pour un tel programme en 1992 mais pour
diverses raisons, dont des contraintes budgétaires, le projet n'est pas allé
plus loin. Le besoin se fait maintenant sentir plus que jamais. Des évaluations
successives du programme de formation en gestion du SCC ont révélé qu'il
fallait en faire bien davantage. De plus, comme c'est le cas pour l'ensemble de
la fonction publique fédérale, 70 pour cent des gestionnaires du SCC seront
admissibles à la retraite d'ici 2006. Les activités de formation doivent
s'intensifier afin d'assurer que le SCC continuera de contribuer de façon
efficace à la sécurité publique.
Il est proposé que le gouvernement du Canada fasse une contribution en
capital de 6 millions de dollars approximativement sur 2 ans afin de rénover un
édifice qui est la propriété du gouvernement de l'Ile-du-Prince-Édouard et
contribue aussi environ 5 millions de dollars par année afin de permettre à
l'Ile-du-Prince-Édouard de gérer et offrir le programme au SCC. Étant donné
que le Collège Holland est la seule institution de la province qui possède
l'expertise et l'expérience nécessaires en matière de corrections et de
formation en gestion, notamment en matière de formation en résidence, c'est
cette organisation qu'a retenue le gouvernement de l'Ile-du-Prince-Édouard pour
administrer sa part de l'entente. Le Service correctionnel s'assurerait que les
obligations du gouvernement du Canada soient respectées.
La préoccupation quant à un possible conflit vient du fait que le
président du Collège Holland est mon frère. Je n'ai aucune intention de
participer à la négociation de l'entente ou à la gestion du programme de
formation lui-même. Tout cela sera fait directement par le gouvernement du
Canada, représenté par le SCC, et le gouvernement de l'Ile-du-Prince-Édouard,
tel que représenté par le Collège Holland. Mon frère ne tirera aucune profit
de cette entente.
La proposition requière l'aval du Conseil du trésor, étant donné les
sommes qui sont en cause. Le SCC entend trouver une part des sommes nécessaires
à même ses budgets existants. Et quant à l'étude du projet par le Conseil du
trésor, comme vous le savez, je ne peux militer en faveur du projet étant
donné qu'il émane d'une organisation qui fait partie de mon portefeuille
ministériel.
Je considère qu'il s'agit d'un projet intéressant pour les deux niveaux de
gouvernement et pour le Service correctionnel du Canada.
Si vous avez besoin de plus de détails afin de formuler votre opinion, il me
ferait plaisir de vous les transmettre. Une soumission au Conseil du trésor est
en voie d'être finalisée afin d'être soumise au Conseil le 28 septembre 1999.
Je souhaiterais donc recevoir votre avis d'ici vendredi le 17 septembre 1999.
Je vous remercie pour l'attention que vous porterez à ma demande.
Bien à vous,
ORIGINAL SIGNÉ PAR LAWRENCE MACAULEY
Lawrence MacAulay, C.P. député
[Traduction]
Le 14 septembre 1999
Monsieur le ministre,
J'ai bien reçu votre lettre datée du 14 septembre 1999 concernant la
présentation au Conseil du Trésor d'une proposition relative au
perfectionnement des gestionnaires du Service correctionnel du Canada. Si j'ai
bien compris, cette proposition vise la création d'un partenariat entre le
gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard et le gouvernement du Canada, ainsi
que l'élaboration et la prestation de cours de formation en leadership et en
gestion à l'intention de l'équipe de gestionnaires du Service correctionnel.
Vous avez mentionné que le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a
choisi le Holland College pour assurer la prestation du programme en
collaboration avec le Service correctionnel. Par contre, vous m'informez que
votre frère est le président du collège.
Bien que vous n'ayez participé d'aucune façon au choix du Holland College,
étant donné le lien familial, je recommanderais que la présentation au
Conseil du Trésor soit signée par un autre ministre.
Si vous avez des questions, n'hésitez pas à communiquer avec moi.
Veuillez agréer, Monsieur le ministre, mes salutations distinguées.
ORIGINAL SIGNÉ PAR HOWARD WILSON
Howard Wilson Conseiller en éthique
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