Discours du
Premier Ministre Jean Chrétien à
l’occasion d’un déjeuner de l’Association
canadienne des producteurs pétroliers
Le 6 avril 2001
Calgary (Alberta)
Je suis très heureux d’être de retour à
Calgary.
Certains ont dit que je devrais venir ici parler
de l’Ouest. Comme si l’Ouest était une entité homogène. Comme s’il n’y
avait aucune différence entre Saskatoon et Surrey. Entre Estevan et Edmonton.
Ou entre Weyburn et Winnipeg. Ce n’est évidemment pas le cas. L’Ouest est
une région diverse. Les opinions politiques varient dans les différentes
parties de l’Ouest canadien. La situation économique n’est pas la même
partout dans les provinces de l’Ouest.
Ce qui est vrai, par contre – ce qui est
incontestable – c’est que l’exemple et l’influence des Canadiens de l’Ouest
ont été indispensables à l’immense succès du Canada.
Songez à nos artistes et à nos auteurs, tels
W.O. Mitchell et Emily Carr. Songez à l’influence de J.S. Woodsworth, de
Winnipeg, sur l’élaboration de la politique sociale.
Songez à nos régimes d’assurance-maladie et
d’assurance-hospitalisation, dont la Saskatchewan a été l’architecte.
Mercredi, j’ai demandé à Roy Romanow de diriger une commission sur l’avenir
de l’assurance-maladie. Une commission dont le bureau central sera en
Saskatchewan.
Songez à la Colombie-Britannique, la fenêtre
du Canada sur le Pacifique. Avec sa population asiatique dynamique.
Songez aux politiques avant-gardistes de Peter
Lougheed. Constatant la nécessité de diversifier l’économie de l’Alberta,
il a créé le Fonds du patrimoine de l’Alberta, qui aide à financer des
établissements de recherche de niveau mondial, en vue de bâtir la nouvelle
économie ici même en Alberta par l’entremise du ministère de l’Innovation
et des Sciences, du Alberta Science and Research Fund, de la Heritage Foundation
for Medical Research et de la Heritage Foundation for Science, Engineering and
Research.
Notre gouvernement fait de même, à l’échelle
nationale, en mettant l’accent sur l’innovation, la recherche et le
développement. Ainsi, nous avons créé les Chaires de recherche du Canada. L’idée
venait de Martha Piper, anciennement vice-présidente de l’Université de l’Alberta
et aujourd’hui présidente de l’Université de la Colombie-Britannique. Nous
avons mis sur pied la Fondation canadienne pour l’innovation. Son président
est David Strangway de Vancouver, autrefois président de l’Université
de la Colombie-Britannique. Et nous avons créé les Instituts de recherche en
santé du Canada, à la suite d’une proposition de Henry Friesen, de Winnipeg,
ancien président du Conseil de recherches médicales du Canada.
Comme nous, mon ami et partenaire le Premier
ministre Ralph Klein investit considérablement dans la recherche en santé, en
science et en génie. Aujourd’hui, les Albertains récoltent les fruits de ces
investissements judicieux. En effet, Calgary n’est pas seulement la capitale
pétrolière du Canada. Elle se classe au deuxième rang des villes canadiennes
pour le nombre de sièges sociaux d’entreprise qui s’y trouvent. Et elle est
devenue un pôle d’attraction pour les emplois et les investissements de la
nouvelle économie, de même qu’un centre de haute technologie comme il s’en
développe de plus en plus dans toutes les régions du pays.
Je préfère parler d’avenir que des vieux
griefs. Nous reconnaissons tous que toutes les régions du Canada ont certains
griefs historiques. Je suis en politique depuis longtemps, mais même moi je n’étais
pas là pour débattre avec sir John A. Macdonald de politique douanière. Ni
pour débattre avec sir Wilfrid Laurier du contrôle des ressources naturelles
en Saskatchewan et en Alberta. Et bien que j’aie eu de nombreux emplois dans
ma vie, je n’ai jamais travaillé pour le Canadien Pacifique.
En ce qui me concerne, je laisse les historiens
et les politicologues débattre des vieux griefs. Pour ceux, en politique et en
affaires qui voudraient passer leur temps à débattre du passé, j’aimerais
citer Winston Churchill qui a dit : « Si le présent tente de juger le
passé, il perdra l’avenir. »
Je suis venu vous parler de l’avenir. Vous
parler de faire cause commune avec les Canadiens de l’Ouest. De faire du
début du 21e siècle la plus grande période de prospérité et d’essor
que notre pays ait jamais connue.
Depuis 1993, année où nous avons été élus
tous les deux pour la première fois, le Premier ministre Klein et moi avons
bien travaillé ensemble – en tant que partenaires, et non en adversaires.
Nos deux gouvernements ont équilibré leurs
budgets. Nous avons tous les deux réduit considérablement l’impôt sur le
revenu des particuliers. L’impôt sur les gains en capital au Canada est
maintenant moins élevé qu’aux États-Unis. Les sociétés seront bientôt
moins imposées chez nous qu’aux États-Unis. Et tant le gouvernement
fédéral que le gouvernement de l’Alberta ont réduit la dette publique. Par
conséquent, l’économie canadienne est en très bonne position pour affronter
l’incertitude économique que provoque le ralentissement aux États-Unis.
Le leadership et l’influence de Ralph Klein
ont été des facteurs extrêmement positifs dans les négociations
fédérales-provinciales. L’accord unanime sur le Plan d’action en matière
de santé que nous avons conclu l’automne dernier n’aurait pas été
possible sans son appui. Et son gouvernement a réalisé des travaux importants
dans l’élaboration d’indicateurs valables du rendement des services de
santé. Il a contribué ainsi à préparer le terrain pour que nous puissions
donner suite à l’engagement que tous les gouvernements ont pris dans cet
accord de mieux rendre compte de l’utilisation des fonds consacrés à la
santé.
Étant résolument déterminé à favoriser un
avenir plus prospère, notre gouvernement continuera de suivre des politiques
favorables à un secteur énergétique dynamique.
Un secteur énergétique solide est non
seulement une pierre d’assise de l’économie de l’Alberta, mais aussi un
facteur absolument essentiel pour la prospérité canadienne. En l’an 2000,
les investissements de capitaux de l’industrie ont totalisé 21 milliards
de dollars. Cette année, le montant pourrait atteindre 25 milliards. L’industrie
compte aussi pour près de la moitié de l’excédent commercial du Canada.
L’exploration de nouvelles sources d’énergie
se poursuit dans toutes les régions du pays. Des carburants classiques aux
sables bitumineux. Du pétrole lourd et de la récupération assistée en
Saskatchewan au gaz naturel en Colombie-Britannique. Du potentiel
hydroélectrique du Labrador et du Manitoba aux ressources pétrolières et
gazières de l’Atlantique et au gaz de l’Extrême-Arctique. Et à la
prochaine génération de carburants que met au point un secteur de l’énergie
innovateur.
Nous possédons un potentiel et des
possibilités inouïs.
Les États-Unis ont besoin de notre énergie. La
première fois que j’ai rencontré le Président Bush, j’ai soulevé les
grands dossiers qui préoccupent tout particulièrement l’Ouest du
Canada : l’agriculture, le bois d’oeuvre et, bien sûr, l’énergie.
Dans une conversation téléphonique ultérieure
avec le vice-président Cheney, j’ai évoqué l’immense potentiel de notre
secteur de l’énergie. Et le Président Bush a mentionné expressément la
semaine dernière que le gaz naturel de nos Territoires du Nord-Ouest
représentait une importante source d’approvisionnement pour les États-Unis.
J’ai mis sur pied un comité ministériel sur
l’énergie, présidé par John Manley, et auquel participent Ralph Goodale et
Anne McLellan, deux Canadiens de l’Ouest qui président nos deux principaux
comités du Cabinet : celui de la politique économique et celui de la
politique sociale. Le comité de l’énergie coordonnera les mesures qu’il
faudra prendre au niveau fédéral en vue de pouvoir saisir toutes les
opportunités qui s’offrent au Canada.
Nous exportons déjà plus de pétrole et de
produits pétroliers vers les États-Unis que l’Arabie saoudite. Sans parler
des sables bitumineux. Je suis fier d’avoir eu un rôle à jouer, avec
Peter Lougheed, dans l’Accord de Winnipeg de 1975 qui a permis à
Syncrude d’amorcer une période de développement phénoménal en Alberta.
Nous devons en parler davantage.
Quand j’étais à Washington il y a quelques
semaines, peu des gens que j’ai rencontrés étaient très au courant des
sables bitumineux. Ils ne savaient pas que d’ici 2005, la production des
sables bitumineux devrait dépasser celle du versant nord de l’Alaska, ni que
d’ici 2010, elle devrait dépasser la production actuelle totale du Nigéria.
Le potentiel est énorme. Et il faudra investir
massivement pour le réaliser. Or, les investissements nécessaires sont en
train de se faire, ou sont prévus. Quelque quatre milliards de dollars par
année ont été investis depuis 1996. Si le climat était propice à ces
investissements, c’est grâce aux interventions convaincantes d’Anne
McLellan et de nombreuses autres personnes ici présentes. Nous avons travaillé
avec vous à l’établissement d’un régime financier qui a permis l’annonce
d’investissements de 50 milliards de dollars au cours des dix prochaines
années. Nous allons continuer de collaborer avec vous au maintien d’un climat
d’investissement positif.
Nous possédons aussi de vastes réserves de gaz
naturel. Nous devons mettre en valeur les ressources canadiennes de gaz naturel
dans les Territoires du Nord-Ouest et le delta du Mackenzie. Et transporter ce
gaz vers le Sud sans tarder, afin de satisfaire à la demande du marché. Le
gouvernement du Canada veillera à mettre en place les régimes de
réglementation appropriés de manière à faciliter le plus rapidement possible
le transport du gaz canadien et américain vers les marchés du Sud.
Je suis persuadé que nous saurons faire
fructifier la relation canado-américaine dans le domaine de l’énergie, dans
l’intérêt des consommateurs comme des producteurs. Et que nous y arriverons
sans sacrifier pour autant les besoins en énergie du Canada ni sa
souveraineté.
Je voudrais aborder trois autres points avant de
terminer.
Premièrement, l’approche de notre
gouvernement à l’égard de tous ces projets énergétiques sera assujettie à
un engagement inébranlable envers la concurrence du marché et une
réglementation juste.
Deuxièmement, il importe de maintenir des
normes élevées en matière de protection de l’environnement et de les faire
respecter. Il ne faut absolument pas niveler par le bas. Nous devons remplir
notre engagement d’assurer le développement durable de nos ressources
naturelles. D’ailleurs, le Canada considère la préservation d’un
environnement sain non seulement comme un défi, mais aussi comme une avenue de
développement économique. Elle nous permet en effet de faire fructifier notre
savoir-faire attesté en développement énergétique, dans le domaine des
énergies renouvelables et de remplacement ainsi qu’en matière d’économie
d’énergie.
Troisièmement, à force de parler de
développement économique, de profits et d’investissements, nous avons trop
tendance à oublier ceux qui sont laissés pour compte. Dans l’ensemble, l’Ouest
du Canada, et l’Alberta en particulier, réussissent peut-être très bien sur
le plan économique. Mais pas les Autochtones. Or, ils forment une composante
grandissante de la population active de l’Ouest canadien. Je crois que le
succès de notre pays sera jugé, en partie, par la mesure dans laquelle nous
veillons tous – gouvernements et entreprises – à ce que les Autochtones
puissent participer pleinement à la vie de notre société.
La semaine dernière à Toronto, Eric Newell,
président de Syncrude, a prononcé un discours marquant sur le devoir des
milieux d’affaires, et de l’industrie de l’énergie, d’offrir de vraies
possibilités d’emploi aux Autochtones.
Je le félicite pour le leadership avec lequel
il fait une place aux Autochtones au sein de son équipe. Je vous engage, ici en
Alberta, ailleurs dans l’Ouest et en fait partout au pays, à prendre son
message et son exemple à coeur.
Mesdames et Messieurs, je tiens à remercier l’Association
canadienne des producteurs pétroliers de m’avoir donné cette occasion de
vous adresser la parole.
Vous êtes nombreux à savoir que je parle
souvent de mes nombreuses attaches familiales en Alberta. L’accueil chaleureux
et la vie agréable que des membres de ma parenté ont connus ici ont toujours
été pour moi un symbole très personnel des vastes horizons et des
possibilités infinies qu’offre cette région.
C’est pourquoi je ne suis pas venu ici aujourd’hui
pour ressasser de vieux griefs, mais pour parler de possibilités d’avenir et
de nouveaux partenariats.
En même temps, quand je songe au sort de mon
parti ici dans l’Ouest, je me rappelle que Laurier a été le dernier libéral
à remporter une majorité des sièges en Alberta. Et qu’il y a plus d’un
demi-siècle depuis que notre parti a remporté la majorité des sièges dans l’Ouest
du Canada.
Je comprends la tradition populiste qui consiste
à voter pour des partis comme les Fermiers unis, les progressistes, la CCF, le
Crédit social et le Parti réformiste. Je sais que ces partis sont au coeur de
la culture politique des quatre provinces de l’Ouest. Le défi est donc
considérable pour mon parti.
D’après mon expérience, devant un grand
défi, un plan directeur ne saurait remplacer des efforts acharnés. Toutes les
belles paroles au monde ne sauraient remplacer des mesures concrètes. Je
considère que notre gouvernement a pris des mesures concrètes depuis 1993.
Mais nous pouvons en faire davantage. Et nous allons en faire davantage.
Ce sont des efforts acharnés et des mesures
concrètes, dans un esprit de respect, d’écoute, de dialogue honnête et de
partenariat, qu’à titre de Premier ministre du Canada, j’offre aux
Albertains et à tous les Canadiens de l’Ouest, pour les années à venir.
Retroussons-nous les manches, et mettons-nous au
travail ensemble.
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