Université Meiji
Le 29 novembre 1996
Tokyo (Japon)
L'honneur que vous me faites aujourd'hui n'a d'égal que
la bienveillance avec laquelle vous m'avez accueilli dans votre
grand pays.
Je l'accepte avec fierté, pour moi-même, et au nom
de tous les Canadiens.
Je l'accepte comme un symbole des relations étroites et
durables qu'entretiennent nos deux pays.
Le Canada, tout comme le Japon, est un pays du Pacifique.
Nous vivons dans un monde dans lequel la connaissance est la clé
de la fraternité et de la coexistence pacifique, dans lequel
les ressources intellectuelles des nations ouvrent la voie à
la croissance économique, à la prospérité
et au progrès social.
Nous ne saurions trouver meilleur endroit pour célébrer
ce partenariat qu'une des plus prestigieuses maisons du savoir
au Japon.
Je constate avec grand plaisir le succès que connaît
le programme d'Études canadiennes de l'Université
Meiji.
Depuis 1989, votre Centre de programmes internationaux a collaboré
étroitement avec l'ambassade canadienne afin d'inviter
d'éminents universitaires canadiens à venir prononcer
des conférences et animer des séminaires.
Les liens qui se sont tissés entre votre université
et des institutions de haut savoir canadiennes comme l'Université
de Victoria, l'Université de l'Alberta et l'Université
York sont d'une valeur inestimable tant pour les étudiants
japonais que canadiens.
Nous pourrions citer bien d'autres exemples illustrant comment
nos deux pays apprennent à mieux se connaître mutuellement.
Les scientifiques canadiens et japonais tiennent des rencontres
mutuellement profitables dans le cadre de programmes comme les
Japanese STA Fellowships et notre Fonds de coopération
scientifique et technologique avec le Japon.
Au cours des dix dernières années, plus de 3 000
jeunes Canadiens sont venus enseigner l'anglais dans les écoles
japonaises. Depuis 1987, près de 10 000 jeunes Canadiens
et 25 000 jeunes Japonais ont pris part au Programme d'emploi
d'été permettant à des jeunes d'allier apprentissage
et tourisme.
De plus, des milliers de touristes canadiens sont venus visiter
votre pays, et l'an dernier, à Toronto, plus de 500 000
Canadiens ont pu admirer la plus grande exposition d'art, de théâtre
et de danse japonais qui ait jamais été présentée
en Amérique du Nord.
D'autre part, jamais les touristes japonais n'ont visité
mon pays en aussi grand nombre. Au cours de la dernière
décennie, cinq millions de Japonais se sont rendus au Canada.
Vous constaterez que le Canada est une terre d'immigrants. Au
fil des ans, nos deux cultures fondatrices française et
anglaise ont été enrichies par des millions de gens
venus de toutes les régions du monde, y compris le Japon.
Ainsi, il y a soixante ans, un jeune homme appelé Umezuki
est parti pour le Canada. Aujourd'hui, sa petite-fille représente
le Canada à notre ambassade, ici, à Tokyo.
Il y a plus de quarante ans, un autre jeune homme, Nakamura, quittait
son pays pour le Canada. Il est devenu un maître du kendo,
et son art est reconnu au Canada et au Japon. Il vit aujourd'hui
à Tokyo et pratique le kendo avec le Premier ministre Hashimoto.
Sa fille travaille également à notre ambassade.
L'édifice même de notre ambassade a été
conçu par un éminent Canadien d'origine japonaise,
Raymond Moriyama. Son oeuvre magnifique d'Akasaka allie les traditions
architecturales japonaises et canadiennes, et il représente
à merveille l'étroite relation qui unit nos deux
pays.
Ces liens étroits touchent également aux secteurs
des affaires et du commerce. Le Japon est notre deuxième
partenaire commercial après les États-Unis.
Au cours des trois dernières années, la valeur de
nos exportations vers le Japon a augmenté de 61 p. 100.
Les exportations du Japon vers le Canada ont également
connu une augmentation spectaculaire. En fait, les relations commerciales
que nous entretenons avec votre pays constituent un modèle
des relations que nous voudrions établir avec nos partenaires
commerciaux de l'autre côté du Pacifique.
Nos pays aspirent à une plus grande coopération
internationale permettant la libre circulation des biens et des
services entre tous les pays.
Voilà pourquoi le Canada adhère, aux côtés
du Japon, à des organismes comme le Groupe des Sept, l'Organisation
mondiale du Commerce (OMC), l'Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation
de coopération économique Asie-Pacifique (APEC).
Nous pensons qu'une plus libre circulation des produits et services
entre les pays constitue la meilleure assurance d'un partage équitable
de la croissance économique. Nous partageons avec le Japon
l'objectif d'amener les pays du monde à adopter un système
économique commun, fondé sur des règles,
puisque cela apportera une plus grande prospérité
à tous les pays.
Le savoir combiné des entreprises canadiennes et japonaises
du secteur privé représente une présence
commerciale exceptionnelle. Les marchés asiatiques en expansion
offrent d'énormes possibilités de croissance.
Il me fait plaisir de vous annoncer qu'à la suite de ma
visite dans votre pays, nos gouvernements ont accepté de
rechercher conjointement des moyens de favoriser une plus grande
coopération entre nos entreprises du secteur privé
afin qu'elles puissent profiter des possibilités qu'offrent
les marchés asiatiques et d'autres marchés.
Nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres en partageant
nos expériences dans des domaines comme l'amélioration
de nos propres politiques financières.
Nous apprécions également la chance que nous avons
d'apprendre de vous, comment vous avez bâti une société
juste et équitable, qui valorise l'éducation et
récompense l'innovation. Et comment votre pays a réussi
à édifier une des économies les plus puissantes
au monde à partir d'exportations qui ont défini
les normes mondiales de qualité et d'innovation technique.
Je crois qu'il est important que tous les citoyens du monde comprennent
que lorsque leurs dirigeants se rencontrent au sein des divers
organismes internationaux dont j'ai parlé plus tôt,
leurs discussions vont au-delà des statistiques arides sur
le commerce et les flux de capitaux. Nous parlons des gens dans
leur vie de tous les jours.
À cet égard, je ne peux que saluer l'Initiative
for a Caring World présentée par le Premier
ministre Hashimoto au sommet du Groupe des Sept, qui s'est tenu
à Lyon en juin dernier.
Sa proposition porte sur un des plus grands défis qui attendent
les gouvernements : comment faire en sorte que nos régimes
de sécurité sociale, de santé et de pension
puissent parer au vieillissement rapide de la population?
Les Canadiens se préoccupent aussi de cette question. Nous
travaillons sur la façon de maintenir l'autosuffisance
de notre régime de pension au cours du siècle prochain
malgré le vieillissement de la population.
L'une des principales préoccupations communes à
nos deux pays est la protection de l'environnement. Depuis le
Sommet de Rio, le Japon et le Canada ont collaboré étroitement
à ce sujet.
Le Canada reconnaît que le Japon n'a pas son pareil en matière
de diplomatie environnementale. C'est sur la base de ce constat
que se développent nos relations bilatérales sur
les questions environnementales. La rencontre internationale sur
les forêts modèles, qui a eu lieu la semaine dernière
sur l'île de Shikoku, a été parrainée
conjointement par le Japon et le Canada et constitue un exemple
éloquent de cette collaboration.
Nous souhaitons également poursuivre le dialogue avec le
Japon quant à cette autre préoccupation commune
qu'est la sécurité personnelle partout dans le monde.
À l'aube du XXIe siècle, maintenir la sécurité
signifie préserver le bien-être économique
de nos citoyens. Cela signifie protéger notre environnement
mondial et faire en sorte que les laissés pour compte du
développement économique mondial aient une chance
de rattraper les autres pays.
Les Japonais peuvent être fiers de l'esprit d'initiative
dont fait preuve leur pays sur la scène internationale.
Le Japon est le pays qui contribue le plus aux Nations unies et
qui se montre le plus généreux en ce qui concerne
l'aide extérieure. Il est devenu l'un des plus importants
promoteurs de la réforme et de l'évolution de l'ONU
et de l'amélioration des conditions de vie dans les pays
en développement.
Le Canada partage ces objectifs.
Notre pays est peut-être mieux connu au Japon et dans le
monde entier pour son rôle de gardien de la paix.
Depuis cinquante ans, plus de 100 000 militaires canadiens hommes
et femmes ont participé à des missions à
l'étranger.
Le Canada a participé à plus de 35 missions de paix
dans le monde.
Les missions de paix que nous avons menées au fil des ans
ont porté fruit. Elles ont permis de sauver des vies et
de reconstruire des pays encore fragiles.
Nous sommes heureux de partager avec d'autres pays notre expérience
du maintien de la paix. Plus tôt cette année, un
contingent de casques bleus japonais a commencé à
travailler avec un groupe logistique canadien sur le plateau du
Golan. Cette semaine, de nombreux pays assistent à un séminaire
animé par le Canada et consacré à l'avenir
des opérations de maintien de la paix et au rôle
essentiel qu'elles jouent dans le désamorçage des
conflits régionaux.
Nous sommes déterminés à inciter la communauté
internationale à accroître ses efforts en faveur
de la paix.
Devant la guerre civile et les différends ethniques qui
affligent les Balkans, l'ancienne Union soviétique et l'Afrique
depuis plusieurs années, un nombre croissant de voix s'élèvent
dans la communauté internationale pour réclamer
un effort plus grand en faveur de la prévention des conflits
et du maintien de la paix.
Nous devons passer de la parole aux actes pour relever ces défis.
Il est pressant de mettre au point des moyens qui permettent d'apporter
l'aide humanitaire aux populations dans les zones de conflit,
où les organismes d'aide humanitaire ne peuvent effectuer
leur travail en sécurité. Le besoin est encore plus
aigu là où la famine et la maladie menacent des
populations civiles prises entre des factions belligérantes.
En citoyens du monde responsables, nous avons l'obligation de
tirer des leçons de la situation dans la région
des grands lacs africains, qui est passée au cours des
dernières années, de crise prévisible en
crise prévisible, avec d'énormes pertes de vie et
une très grande souffrance humaine.
De meilleurs mécanismes de prévention des conflits
et, de la part de la communauté internationale, une plus
ferme volonté d'intervenir dans une région où
peu d'intérêts nationaux sont en cause, auraient
bien pu éviter ces désastres.
Il y a un peu moins de deux semaines, le Canada a pris l'initiative
de mettre sur pied une coalition de pays désireux de venir
en aide aux réfugiés de l'est du Zaïre. Cela
a contribué à déclencher une série
d'événements qui ont conduit une véritable
marée humaine de l'est du Zaïre jusqu'au Rwanda.
Nous demeurons engagés à travailler avec les membres
de la communauté internationale, y compris le Japon, pour
que les mesures nécessaires soient prises afin que les
organismes d'aide humanitaire puissent venir en aide aux réfugiés
de cette région de l'Afrique.
Nous devons également consacrer nos efforts à faire
en sorte qu'il ne soit plus nécessaire de recourir à
des solutions improvisées à l'avenir.
Il faut trouver de meilleurs moyens pour que les ressources militaires
de la communauté internationale puissent être mobilisées
dans le but de venir en aide aux populations civiles qui souffrent
dans les zones de conflit ou les régions instables.
Je tiens à exprimer ma gratitude à l'Université
de Meiji qui m'a donné l'occasion de lancer ce message
à un moment où les citoyens de nos deux pays sont
fortement préoccupés par les difficultés
qui affligent les populations de l'est du Zaïre.
Pour terminer, je veux vous remercier encore une fois de l'honneur
que vous me faites et de l'occasion que vous m'offrez de partager
avec vous quelques-uns des espoirs qui animent le Canada à
l'aube du XXIe siècle.
Merci beaucoup
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