Lois et règlements : l’essentiel
Chapitre 1.2 - Cadre
juridique de l'activité législative
Aperçu
Ce chapitre complète la section 2 de la Directive du Cabinet sur l’activité
législative.
Les lois et les règlements fédéraux sont l'élément majeur du droit
fédéral. Ensemble, ils constituent un système. Pour assurer avec un
minimum de succès la mise en œuvre d’un texte législatif, il importe
que ce texte s’insère parfaitement dans ce système. Il est donc très
important de bien le connaître. Ce chapitre se veut une introduction à
ses quatre composantes principales :
- la Constitution;
- les lois à valeur quasi constitutionnelle;
- les lois supplétives;
- les principes de droit commun.
L’importance relative de ces lois et principes varie. La
Constitution est la loi fondamentale. Toute loi qui la contredit est
inopérante. Les lois à valeur quasi constitutionnelle sont ainsi
désignées parce qu’elles expriment, elles aussi, des valeurs que
la société canadienne tient pour fondamentales. Elles ont
préséance sur toute autre loi fédérale, mais ne sont toutefois pas
assujetties aux mêmes formalités d’amendement que la
Constitution : on peut les modifier par une simple loi. Les lois
supplétives et les principes de droit commun, quant à eux, s’appliquent
de façon générale, à moins qu’on y déroge expressément dans
une loi.
Sommaire
- La Constitution
- Les lois à valeur quasi constitutionnelle
- Les lois supplétives
- Les principes de droit commun
Destinataires
Les fonctionnaires qui participent au processus législatif ou
réglementaire et toutes autres personnes qui s’y intéressent.
Messages
clés
Les fonctionnaires qui prennent part à l’activité législative
doivent bien comprendre le contexte juridique de l’intervention
législative.
La Constitution
Le Canada est régi par une constitution qui s’inspire de la
tradition britannique et comporte plusieurs textes. Parmi les textes
organiques principaux, on retrouve la Loi constitutionnelle de 1867
et la Charte canadienne des droits et libertés.
C'est la Loi constitutionnelle de 1867 qui nous permet de
répondre à la question « Sur quoi une loi fédérale peut-elle
porter? ». Elle établit en effet les deux ordres législatifs du
Canada : le fédéral et le provincial. Chacun dispose du plein
pouvoir de légiférer dans les domaines de compétence qui lui sont
impartis. Le droit constitutionnel, qui s'appuie non seulement sur le
texte constitutionnel, mais aussi sur l'interprétation qu'en ont
donnée les tribunaux, nous indique donc l'étendue et les limites de
notre cadre législatif.
La Constitution nous fournit également un certain nombre de règles
— on pensera notamment au bilinguisme et à l'organisation des
assemblées — qui définissent le cadre législatif.
La Charte canadienne des droits et libertés nous permet,
quant à elle, de répondre à la question « Comment une loi fédérale
peut-elle régir son objet? ». La Charte circonscrit le cadre
législatif non pas par rapport au domaine de compétence, mais par
rapport à la façon dont le Parlement peut légiférer. Elle lui impose
en effet certaines prescriptions et restrictions en matière de droits
et libertés fondamentaux.
La Charte fait partie de la Constitution du Canada : tout texte
législatif ou réglementaire incompatible avec celle-ci est donc
inopérant dans la mesure de l'incompatibilité. Le Parlement, même
s'il ne l'a pas fait jusqu'ici, peut toutefois limiter expressément
certains droits et libertés qu'elle protège. On peut se douter des
effets politiques qu'aurait pour le gouvernement le recours à une telle
limitation.
La partie II de la Loi constitutionnelle de 1982, enfin,
prévoit la reconnaissance et la confirmation des droits existants —
ancestraux ou issus de traités — des autochtones.
Le ministre de la Justice est chargé, au titre de la Loi sur le
ministère de la Justice, de veiller au respect de la loi dans
l'administration des affaires publiques. Il lui incombe donc de
vérifier si les mesures législatives d'origine gouvernementale sont
bien compatibles avec la Constitution. Deux mécanismes principaux
l'aident à remplir cette mission :
- le système d'appui au Cabinet (voir Questions d’ordre
constitutionnel et système d’appui au Cabinet au
chapitre 2.2);
- l’attestation de conformité des projets de loi d'origine
gouvernementale (voir Attestation de conformité des projets de loi
au chapitre 2.4).
Rappelons que depuis l'Acte de Québec de 1774, deux
systèmes juridiques coexistent au Canada. Ainsi, en gros, la common
law de tradition anglo-saxonne régit le droit fédéral et le droit
des provinces autres que le Québec, tandis que le droit de cette
province obéit aux règles d'inspiration romano-germanique formant le
« droit civil ». Étant donné cette dualité juridique, qui
constitue l'une des spécificités du Canada, l'application d'une loi
fédérale pourra avoir des répercussions différentes selon que l'on
vise un territoire régi par la common law ou bien par le droit civil.
Les
lois à valeur quasi constitutionnelle
Outre la Charte, il existe un certain nombre de textes qui imposent
un cadre assez strict quand il s'agit d'arrêter des orientations
législatives. Ces textes incarnent des valeurs fondamentales pour le
Canada, notamment en ce qui a trait à la protection des minorités.
Toute dérogation doit être clairement exprimée.
Ils sont incontournables, la dérogation n'étant possible que si
elle est explicite et revêtue de la sanction du Parlement. Il est
juridiquement possible d’y déroger, mais cela se fait très rarement.
Quiconque participe à l’élaboration des lois et règlements peut
donc présumer de leur application.
L'obligation de recourir à une dérogation expresse revient, somme
toute, à donner aux valeurs exprimées par ces lois un statut quasi
constitutionnel. Par conséquent, quiconque y aura recours devra se
justifier auprès de l'opinion publique.
Les principales lois à valeur quasi constitutionnelle sont :
- la Déclaration canadienne des droits;
- la Loi canadienne sur les droits de la personne;
- la Loi sur les langues officielles.
Déclaration
canadienne des droits
Le premier de ces textes est la Déclaration canadienne des droits.
Précurseur de la Charte, elle reconnaît et proclame toute une gamme de
droits et libertés. Les obligations du ministre de la Justice au titre de
cette loi sont semblables à celles qui lui sont imposées par la Charte.
La Déclaration l'emporte, selon ses propres termes, sur toutes les
autres lois fédérales, sauf dérogation expresse. La seule dérogation à
la Déclaration a été prise pendant la crise d'octobre 1970. Elle a été
insérée dans la Loi de 1970 sur l’ordre public (mesures provisoires),
qui a remplacé les règlements pris en 1970 au titre de la Loi sur les
mesures de guerre.
Loi
canadienne sur les droits de la personne
La Loi canadienne sur les droits de la personne constitue un
important volet de nos mesures de protection nationale en matière de droits
de la personne. La législation sur les droits de la personne établit bon
nombre des valeurs fondamentales de notre société. La Loi elle-même
interdit tout acte de discrimination dans les domaines de l’emploi, des
services, des contrats et du logement.
Alors que la Charte canadienne des droits et libertés prévoit
surtout des mesures de protection des particuliers contre les actes des
gouvernements, la Loi canadienne sur les droits de la personne
prévoit des mesures de protection contre tous les actes discriminatoires du
gouvernement, des entreprises et des particuliers, dans les domaines de
compétence fédérale. La Loi s’applique aux domaines tels que les
télécommunications, les banques et le transport interprovincial, et elle a
été conçue pour établir un mécanisme simple, rapide et économique de
règlement des plaintes concernant la violation des droits de la personne.
Les tribunaux ont instauré un principe donnant aux lois protégeant les
droits de la personne la préséance sur toutes les autres. C’est donc le
cas de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Loi
sur les langues officielles
L’objet de la Loi sur les langues officielles est d'assurer
le respect du français et de l'anglais à titre de langues officielles du
Canada, leur égalité de statut et l'égalité des droits et privilèges
quant à leur usage dans les institutions fédérales. Elle voit
particulièrement à l’usage des deux langues en ce qui touche les débats
et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l'administration
de la justice, les communications avec le public et la prestation de
services, ainsi que la mise en œuvre des objectifs de ces institutions.
Elle appuie le développement des minorités francophones et anglophones et,
d'une façon générale, vise à favoriser, au sein de la société
canadienne, la progression vers l'égalité de statut et d'usage du
français et de l'anglais.
L’article 82 de la loi prévoit que ses parties I à V l'emportent sur
les dispositions incompatibles de toute autre loi, à l’exception de la Loi
canadienne sur les droits de la personne.
Les
lois supplétives
Outre la Constitution et les textes à valeur quasi
constitutionnelle, plusieurs autres lois entrent en jeu quand il s'agit
d'arrêter des orientations législatives. Ces lois s'appliquent de
façon générale sauf quand une autre loi vient restreindre leur champ
d'application. Elles diffèrent des textes à valeur quasi
constitutionnelle en ce qu'elles expriment des valeurs moins
fondamentales pour notre société. Il est donc plus facile d'y
déroger. Cela dit, en rédaction législative, ces lois jouissent d'une
double présomption.
En premier lieu, les tribunaux présumeront de leur application en
l'absence de disposition contraire, de sorte que la dérogation doit
être explicite.
En second lieu, sauf indication contraire dans le compte rendu de la
décision du Cabinet, les légistes tiendront pour acquis que les
responsables politiques ont manifesté la volonté de ne pas y déroger.
Les fonctionnaires ministériels doivent donc faire en sorte que leurs
responsables politiques s'accordent sur la nécessité de prévoir, puis
d'autoriser, la dérogation dans le mémoire au Cabinet. Cette décision
devra, par la suite, être justifiée devant le Parlement et l'opinion
publique.
À l'instar de la Constitution et des textes à valeur quasi
constitutionnelle, les lois supplétives témoignent de valeurs chères
à la société canadienne. Les fonctionnaires ministériels pourront se
fier aux solutions qu'elles apportent et profiter des conseils de leurs
conseillers juridiques ou des légistes de la Section de la législation
du ministère de la justice.
L'obligation de spécifier toute dérogation à ces lois dans les
comptes rendus de décision du Cabinet et dans les textes législatifs a
ainsi pour effet :
- de protéger ces valeurs;
- de pousser les ministres, puis les parlementaires, à choisir parmi
ces valeurs celles auxquelles ils donneront priorité;
- d'éviter que les fonctionnaires suscitent involontairement des
controverses dommageables sur le plan politique.
Il revient à ceux qui préparent une mesure législative ayant
pour effet de déroger à ces lois supplétives de veiller à leur
efficacité.
Enfin, l'inclusion dans un texte législatif ou réglementaire
d'une règle générale existante constitue le plus souvent une
« fausse bonne idée ». L'interprète se demandera alors
s'il s'agit d'une simple réitération ou encore, le législateur
étant réputé ne pas vouloir légiférer inutilement, s'il y a lieu
de chercher à lui donner quelque interprétation spécifique ou
inhabituelle.
Les principales lois supplétives sont :
- la Loi sur l’accès à l’information;
- le Code criminel;
- la Loi sur la gestion des finances publiques;
- la Loi d’interprétation;
- la Loi sur la protection des renseignements personnels;
- la Loi sur les textes réglementaires.
Loi
sur l’accès à l’information
La Loi sur l’accès à l’information confère un droit
d'accès à l’information qui se trouve dans les documents de
l'administration fédérale. Ce droit est assujetti à quelques
restrictions; ne sont pas visés, entre autres :
- les renseignements confidentiels émanant d'autres administrations
publiques;
- les renseignements personnels;
- les renseignements confidentiels — financiers, commerciaux,
scientifiques ou techniques et secrets industriels — fournis par
des tiers;
- les renseignements dont la communication est limitée par
application d'autres lois fédérales, dont la Loi de l'impôt
sur le revenu.
La personne qui se voit refuser l'accès à un document public
peut s'adresser au commissaire à l'information qui, après avoir
fait enquête, peut faire une recommandation au responsable de
l'institution en cause, puis présenter son rapport et ses
conclusions au Parlement. Par ailleurs, une demande de contrôle
judiciaire peut être adressée à la Cour fédérale soit par la
personne intéressée, soit par le commissaire.
La Loi sur l’accès à l’information vise à résoudre
le conflit entre le droit d'accès aux documents de l'administration
et la nécessité de garantir la confidentialité de certains de
ceux-ci.
Afin d'éviter toute incohérence juridique et, surtout, de
garantir l'application efficace de cette loi qui énonce les règles
du droit commun en la matière, il faudra consulter la Section du
droit à l'information et à la protection des renseignements
personnels du ministère de la Justice avant de proposer, par voie
législative, des restrictions à l'accès aux documents.
Code criminel
Le Code criminel ne crée pas seulement les infractions
criminelles; il traite également des enquêtes et des poursuites. Par
exemple, il autorise la délivrance de mandats de perquisition et
prévoit les règles de procédure applicables aux dénonciations et à
la tenue des procès. La partie I du Code prévoit également plusieurs
principes de base du droit criminel ayant trait, notamment, à la
présomption d’innocence (art. 6), aux excuses, justifications et
moyens de défense (art. 8) et à la culpabilité découlant de la
tentative de commettre une infraction ou de la participation à sa
perpétration. La partie XXIII prévoit les principes et la procédure
applicables à la détermination de la peine.
Le paragraphe 34(2) de la Loi d’interprétation prévoit que
le Code s’applique à toutes les infractions créées par loi ou
règlement, sauf disposition contraire y figurant.
Voici quelques exemples de dispositions contenues dans le Code qu’on
aurait tout intérêt à ne pas multiplier :
- les règles étendant la culpabilité pour une infraction aux
personnes qui tentent de la commettre ou qui sont complices dans sa
perpétration;
- la possibilité, pour quiconque a des motifs raisonnables de croire
qu'une infraction a été commise, de demander un mandat de
perquisition à un juge de paix;
- la possibilité, pour quiconque est incapable de comparaître devant
un juge de paix, de demander un télémandat.
Loi
sur la gestion des finances publiques
Cette loi jette les bases juridiques de la gestion financière et de la
comptabilité des affaires du gouvernement. À cet effet, elle
prévoit :
- les contrôles qui doivent être exercés sur les fonds publics,
notamment en ce qui concerne leur dépense et la tenue des comptes
publics qui constituent le Trésor;
- le cadre juridique applicable à la garde et au contrôle de biens
publics par les fonctionnaires qui en sont responsables;
- le cadre juridique de la gestion de la dette publique;
- les dispositions générales applicables aux sociétés d’État;
Elle établit également deux ministères : le ministère des
Finances et le Conseil du Trésor. Elle confère à ce dernier de
vastes pouvoirs à l’égard de l’administration publique
fédérale, notamment en ce qui a trait à la gestion de ses
ressources humaines.
Comme elle a valeur supplétive, il importe de bien la connaître
afin de ne pas reproduire inutilement les dispositions qu’elle
prévoit. Ainsi, par exemple, on évitera d’inclure dans un projet
de loi des dispositions permettant de fixer des prix pour des services
rendus par Sa Majesté ou pour l’usage d’installations lui
appartenant (art. 19 et ss.). De même, on évitera d’inclure le
pouvoir d’imposer des intérêts sur les créances de Sa Majesté,
ce pouvoir étant déjà prévu (art. 155.1).
Loi
d’interprétation
Les lois d’interprétation étaient édictées, à l’origine, pour
éviter de répéter des règles semblables dans toutes les lois. On a
plutôt regroupé ces règles dans une seule loi qui prévoit qu’elles s’appliquent
à tous les textes législatifs, à moins que ceux-ci n’y dérogent
expressément.
Les règles contenues dans la Loi d’interprétation prévoient
notamment ce qui suit :
- comment les textes législatifs entrent en vigueur (art. 6) et où
ils sont applicables (art. 8);
- la définition de termes couramment utilisés dans les textes
législatifs, comme « personne morale » ou «
année » (art. 35 à 37);
- d’autres règles d’interprétation comme, par exemple, le fait
que l’emploi du singulier d’un nom dans un texte inclut le pluriel
de ce nom (par. 33(2)) et des règles de droit transitoire applicables
lorsqu’un texte est modifié ou abrogé (art. 42 à 45);
- des règles administratives concernant, par exemple, la prise d’une
proclamation (art. 18), la prestation de serment (art. 19), les
nominations (art. 23) et l’exercice des pouvoirs, y compris leur
délégation (art. 24).
Voici quelques exemples de dispositions contenues dans la Loi d’interprétation
qu'il vaut mieux s'abstenir de reproduire :
- les fonctionnaires d'un ministère sont investis des attributions du
ministre;
- l'autorité qui prend un règlement a le pouvoir de le modifier et
de l'abroger;
- le pouvoir de nommer un fonctionnaire comporte celui de mettre fin
à ses fonctions, de le révoquer ou de le suspendre, de le nommer de
nouveau ou de le réintégrer dans ses fonctions;
- les droits acquis au titre d'une loi ou d'un règlement abrogé
doivent être protégés.
Loi
sur la protection des renseignements personnels
Cette loi a pour objet la protection des renseignements personnels que
détiennent les institutions fédérales et le droit d'accès du justiciable
aux renseignements personnels le concernant. En cas de rejet d'une demande
d'accès, l'intéressé peut s'adresser au commissaire à la protection de
la vie privée, qui peut faire une recommandation au responsable de
l'institution visée et présenter son rapport et ses conclusions au
Parlement. Par ailleurs, une demande de contrôle judiciaire peut être
adressée à la Cour fédérale soit par la personne intéressée, soit par
le commissaire.
La méconnaissance de la Loi sur la protection des renseignements
personnels soulève les mêmes difficultés que celle de la Loi sur
l'accès à l'information. Aussi faudra-t-il consulter la Section du
droit à l'information et à la protection des renseignements personnels du
ministère de la Justice avant de décider d'y déroger dans un projet de
loi.
Loi
sur les textes réglementaires
Cette loi régit l'examen, l'enregistrement, la publication et le
contrôle parlementaire des règlements. Un des principes fondamentaux du
droit canadien est que nul n'est censé ignorer la loi. Or, ce principe ne
peut s'appliquer que si le justiciable a accès aux textes qui le
concernent. C'est donc, par les mécanismes qu'elle prévoit, l'objet que
cherche à atteindre cette loi. On songe ici notamment à l'enregistrement
des textes auprès du greffier du Conseil privé et à leur publication dans
la Partie II de la Gazette du Canada (voir la partie 3 : Élaboration
des règlements).
Ce sont les lois qui, par le jeu des dispositions habilitantes,
permettent la mise en place des textes d'application qui, s'ils doivent
avoir force de loi, seront considérés comme des règlements.
Les exigences posées par la Loi sur les textes réglementaires en
matière de publication peuvent, dans certaines circonstances, paraître
excessives pour l'administration. Les légistes refuseront néanmoins d'y
déroger à moins d'être convaincus que le justiciable disposera d'un
accès commode, en français et en anglais, à la règle de droit. Il faudra
donc prévoir un mécanisme de rechange valable et, naturellement, le faire
approuver par le Cabinet. On songera en particulier aux aspects
suivants :
- le mode de publication du document qui aura force de loi à défaut
d'enregistrement ou de publication ordinaire;
- l'effet du texte;
- la communication du texte aux parlementaires.
Les
principes de droit commun
En plus des règles prévues dans les lois supplétives, voici
quelques principes juridiques fondamentaux que les fonctionnaires
ministériels ont tout intérêt à connaître car ils sont susceptibles
d'influer sur les décisions à prendre :
- les règles de justice naturelle et d'équité procédurale voulant
que le justiciable soit dûment notifié avant la prise de toute
décision ayant une incidence sur ses droits et intérêts, et ait la
possibilité de faire valoir son point de vue devant un décideur
impartial;
- la prise en compte de la compétence ordinaire des tribunaux et
notamment, dans le cas de la Cour fédérale du Canada, de son pouvoir
de contrôle des décisions administratives;
- la non-rétroactivité des lois et des règlements, qui fait que ces
textes n'ont d'effet que pour l'avenir et ne portent pas atteinte aux
droits acquis;
- l'application territoriale des lois et règlements : leur
portée est normalement limitée à l'ensemble du territoire canadien,
y compris les eaux intérieures et la mer territoriale;
- le respect des obligations internationales découlant de traités
ou, plus globalement, du droit international;
- l'interdiction de l'expropriation sans indemnisation;
- la présence de l'élément moral de l'infraction comme préalable
à toute déclaration de culpabilité;
- l'interprétation par les tribunaux, en faveur du justiciable et
contre le ministère public, de toute disposition pénale ambiguë,
d'où la nécessité d'une rédaction claire et précise.
Même si ces règles de droit commun s'appliquent de façon
supplétive à l'ensemble de la législation fédérale, certaines
notions méritent parfois d'être précisées. Ainsi, la notification
est un élément important de la justice naturelle. À moins que le
texte ne règle la question, il incombera au tribunal de déterminer
qui devra faire l'objet de la notification et selon quelles
modalités. Or, quelques précisions suffiraient à éviter un
contentieux inutile.
Il en va de même en ce qui concerne l'élément moral de
l'infraction. On distingue en droit canadien trois sortes
d'infractions : les crimes proprement dits, dont l'élément
moral est l'intention ou la connaissance, les infractions de
responsabilité présumée (aussi appelée responsabilité «
stricte »), ne comportant pas d'élément moral, mais pour
lesquelles le justiciable dispose d'un moyen de défense fondé sur la
prise des précautions voulues, et enfin les infractions dites de
responsabilité absolue, pour lesquelles ce moyen de défense est
irrecevable. On ne traitera ici que des deux premières catégories.
En cas de silence de la loi, les tribunaux devront se prononcer sur
la nature de l'infraction : s'agit-il d'un crime proprement dit
ou d'une infraction de responsabilité présumée? On aura donc
intérêt à préciser cette distinction dans la loi pour éviter des
débats judiciaires souvent longs et coûteux, surtout si la même loi
crée des infractions des deux catégories. Par exemple, plusieurs
lois fédérales régissent un domaine d'activité et érigent les
violations en infractions de responsabilité présumée, tout en
criminalisant les entraves à l'action des agents d'application et les
déclarations fausses ou trompeuses. Or, comme ces dernières
infractions s'apparentent à celles édictées par le Code criminel,
il sera préférable d'en faire de véritables crimes par l'adjonction
de termes évoquant l'élément moral comme « sciemment » ou «
volontairement ».
Ces principes d'application générale, formulés par les lois ou
la jurisprudence, constituent non pas des obstacles mais des guides
qui permettent une meilleure définition du cadre législatif
souhaité.
Il faut toutefois se garder de confondre, dans la rédaction d'un projet de
loi, la nécessité de préciser la règle de droit et la répétition inutile
d'une règle d'application générale. Outre qu'elle allonge et risque
d'obscurcir le texte, la mention superflue est souvent risquée, car elle
suscite un doute sur l'applicabilité de la règle dans les autres lois.
Suivant
Table
des matières
|