Lois et règlements : l'essentiel
Directive du Cabinet sur l’activité législative
Aperçu
La Directive du Cabinet sur l’activité législative est la pierre
angulaire de L’essentiel. Elle expose les attentes des ministres au
sujet du processus d’élaboration des lois et règlements fédéraux et
oriente de façon générale les activités des fonctionnaires à cet égard.
Destinataires
Les fonctionnaires qui participent au processus législatif ou
réglementaire.
Messages
clés
Les fonctionnaires qui prennent part à l’élaboration des textes
législatifs doivent absolument comprendre les principes qui sous-tendent l’activité
législative du gouvernement. Ils doivent également en connaître les
composantes et apprécier l’importance que revêt leur planification.
1.
Introduction
L’élaboration des règles de droit est vraisemblablement l’activité
la plus importante du gouvernement et doit s’exercer dans le cadre et
selon les principes définis dans la présente directive. Il est de la
première importance que le ministère qui met en branle le processus d’élaboration
d’une mesure législative planifie et gère celle-ci en conformité
avec cette directive et les documents complémentaires établis par le
greffier du Conseil privé.
La présente directive remplace celle intitulée La filière
législative, qui a été approuvée par le Cabinet le 16 avril
1981. Ses principaux objectifs sont les suivants :
- veiller à ce que le Cabinet dispose de l’information et de toute
autre forme de soutien dont il a besoin pour prendre des décisions
éclairées sur les mesures législatives proposées;
- donner un aperçu des rapports qui existent entre l’élaboration
de la législation et celle de la réglementation, et veiller à ce
que les deux soient considérées comme constituant un seul et même
processus continu;
- veiller à ce que les textes législatifs soient rédigés selon les
règles de l’art dans le respect des deux langues officielles et des
deux systèmes de droit qui coexistent au Canada : le droit civil et
la common law;
- montrer que l’élaboration d’une mesure législative est une
activité souvent complexe qui exige une planification et une gestion
adéquates;
- veiller à ce que les fonctionnaires intervenant dans l’activité
législative comprennent bien leur rôle et possèdent les
connaissances et compétences nécessaires pour l’exercer
efficacement.
La présente directive donne des instructions générales sur la
façon d’atteindre ces objectifs et énonce les principes à
respecter.
2. L’activité
législative du gouvernement : principes fondamentaux
Points d’ordre constitutionnel
La Loi constitutionnelle de 1867 répartit les compétences
législatives entre le Parlement et les législatures des provinces
(partie VI, articles 91 à 95). Dans les territoires, les pouvoirs
qu’exercent les législatures leur sont délégués par le Parlement.
Le régime politique canadien, dit de « gouvernement responsable », se
fonde sur le principe de la primauté du droit. Cela signifie que les
règles du droit canadien doivent s’élaborer en conformité avec la
Constitution. Sa Majesté ne dispose de nos jours que de très peu de
pouvoirs législatifs qui ne soient pas assujettis au processus
parlementaire : les règlements régissant la délivrance des
passeports, la remise de médailles et l’octroi de distinctions
honorifiques, qui sont pris en vertu de la prérogative royale, en
constituent de rares exemples.
Le Parlement peut déléguer des pouvoirs législatifs au Cabinet (le
gouverneur en conseil), à une personne (tel un ministre) ou à un organisme
(la Commission de contrôle de l’énergie atomique, par exemple). L’exercice
de ces pouvoirs reste assujetti à l’autorité du Parlement, d’où l’emploi
des termes « législation déléguée » et « législation
subordonnée » pour désigner les règlements qui en résultent.
L’élaboration de la législation canadienne obéit à un certain
nombre de contraintes, la première étant évidemment le partage
constitutionnel des pouvoirs entre le Parlement et les législatures
provinciales. À celle-ci s’ajoutent les dispositions de la Charte
canadienne des droits et libertés, les droits des peuples autochtones
reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de
1982, ainsi que les droits et obligations constitutionnels qui s’appliquent
en matière linguistique au Québec et au Manitoba.
Les lois au sens strict du terme sont adoptées par le Parlement, qui est
composé de Sa Majesté la reine, du Sénat et de la Chambre des communes.
Un projet de loi ne devient loi que s’il reçoit l’agrément de chacun d’eux.
La sanction royale constitue dans tous les cas l’ultime étape du
processus législatif.
Suivant la Loi constitutionnelle de 1867, tout projet de loi
portant affectation de crédits doit prendre naissance à la Chambre des
communes :
53. Tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion
quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts,
devra originer dans la Chambre des communes.
De plus, un tel projet de loi ne peut être déposé que par un ministre.
Les autres projets de loi peuvent indifféremment être déposés au Sénat
ou à la Chambre des communes.
Le Cabinet, constitué du premier ministre et des autres ministres de Sa
Majesté, joue aussi un rôle important dans l’activité législative du
Parlement. Les membres du Cabinet donnent collectivement leur assentiment au
dépôt des projets de loi du gouvernement devant le Parlement. Sur le plan
individuel, ils parrainent les projets de loi relevant de leur portefeuille
et assurent leur cheminement tout au long du processus parlementaire avec l’aide
des fonctionnaires de leur ministère.
Opportunité de l’action législative
Le gouvernement dispose de plusieurs outils pour atteindre ses objectifs.
Certes, il peut soumettre un projet de loi à l’assentiment du Parlement
ou prendre lui-même un règlement. Mais il peut aussi procéder par la
conclusion d’accords, l’émission de directives ou la mise sur pied de
programmes en vue d’offrir des services, des prestations ou de l’information.
Par ailleurs, un texte législatif peut comporter un large éventail de
dispositions allant de la simple prohibition aux mécanismes de régulation
les plus complexes, comme la délivrance de permis et les contrôles de
conformité. La voie législative devrait être strictement réservée aux
cas où elle constitue la meilleure solution possible. Il appartient au
ministre responsable de démontrer au Cabinet que ce principe a été
respecté et qu’il y va de la réalisation des objectifs du gouvernement.
La décision de procéder par projet de loi ou de règlement revient au
Cabinet, sur la foi de l’information que les fonctionnaires du ministère
intéressé mettent à sa disposition. Cette information doit être exacte,
à jour et complète. Pour bien s’acquitter de cette obligation, les
fonctionnaires responsables doivent, au nom de leur ministre :
- analyser la question et considérer les solutions de rechange;
- consulter toutes les parties intéressées, y compris les autres
ministères qui peuvent être touchés par la solution proposée;
- analyser les effets de cette solution;
- déterminer les ressources nécessaires à celle-ci, notamment pour
sa mise en oeuvre et le contrôle de son application.
Dans le cas d’un projet de loi, le principal moyen de communiquer
cette information est le mémoire au Cabinet, dans lequel le ministre
demande au Cabinet l’autorisation de faire rédiger le projet de loi
par la Section de la législation du ministère de la Justice.
Il importe de veiller, dans toute la mesure du possible compte tenu
des principes de rédaction législative, à ce que toutes les mesures
législatives apparentées soient regroupées en un seul projet de
loi. La multiplication des projets de loi sur des questions connexes
constitue en effet une perte de temps pour les parlementaires, tant
lors des débats que lors de l’étude en comité.
Enfin, il y a lieu de faire preuve de circonspection au moment d’ajouter
au projet une clause de cessation d’effet (temporarisation) ou de
prévoir l’examen d’un texte dans un délai précis ou par un
comité donné. On ne devrait recourir à de tels mécanismes qu’en
dernier ressort, lorsque les solutions de rechange ont été
soigneusement examinées.
Rapports entre la loi et le règlement
Bien que les lois et les règlements soient soumis à des processus
distincts, ils sont liés à plusieurs égards :
- Le Parlement édicte les lois et par leur truchement autorise la
prise des règlements.
- Le règlement doit respecter fidèlement le cadre juridique fixé
par sa loi habilitante.
- Comme la plupart des plans législatifs sont mis en oeuvre au moyen
de règlements, il convient d’élaborer la loi et les règlements
parallèlement afin d’assurer leur cohérence et leur concordance.
Au moment d’élaborer une proposition législative autorisant la
prise de règlements, le ministère doit porter une attention
particulière :
- au choix du titulaire du pouvoir réglementaire;
- aux questions à traiter dans le projet de loi lui-même;
- aux points qui seront réglés par les règlements.
C’est habituellement au gouverneur en conseil qu’est attribué
le pouvoir de prendre les règlements d’application d’un texte de
loi; toute dérogation à cet usage devrait être motivée dans le
mémoire au Cabinet. Par ailleurs, les éléments fondamentaux de la
mesure doivent figurer dans le projet de loi, afin que les
parlementaires puissent en prendre connaissance et en débattre. Le
projet de loi doit fixer le cadre juridique du pouvoir réglementaire,
lequel se limite aux matières qu’il est préférable de laisser aux
délégataires et aux processus de législation déléguée. À cet
égard, les principes suivants doivent être respectés :
- Il faut veiller à ne pas exprimer en termes trop larges la
disposition législative qui donne le pouvoir de prendre des
règlements.
- Dans certains domaines, l’autorisation d’insérer dans un projet
de loi une disposition conférant un pouvoir réglementaire doit être
demandée expressément dans le mémoire au Cabinet, avec motifs à l’appui.
Il s’agit notamment des pouvoirs qui :
- ont des effets sensibles sur les droits et libertés civiques;
- mettent en jeu d’importantes questions de principe ou d’orientation;
- autorisent la modification de la loi habilitante ou d’autres lois
par voie de règlement;
- écartent la compétence normale des tribunaux;
- autorisent la prise de règlements à effet rétroactif;
- subdélèguent un pouvoir réglementaire;
- imposent à l’État ou à la population des charges financières
autres que les droits payables pour la prestation de services;
- fixent les peines sanctionnant les infractions graves.
Les lois et les règlements sont interdépendants et leur
élaboration devrait être coordonnée. Les règlements peuvent être
rédigés en même temps que le projet de loi ou par la suite, selon
le cas. Toutefois, lorsque les règlements constituent une composante
majeure d’une nouvelle mesure législative, il peut être avantageux
d’en amorcer dès que possible l’élaboration, afin d’assurer
leur concordance par rapport au cadre juridique fixé par la loi.
Lorsque les règlements sont élaborés sous le régime d’une loi
existante, il faut bien s’assurer qu’ils ne débordent pas les
limites juridiques prévues par celle-ci.
Importance de la rédaction bilingue et bijuridique
Aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867, les lois
fédérales doivent être adoptées dans les deux langues officielles, les
deux versions faisant également foi. Il est donc de la plus haute
importance que les projets de loi et de règlement soient préparés dans
les deux langues officielles. L’une des versions ne saurait donc être une
simple traduction de l’autre. Pour cette raison, les administrations –
ministères et organismes – qui les
parrainent doivent s’assurer qu’elles sont en mesure d’élaborer les
orientations et objectifs, de consulter et de donner des instructions aux
légistes dans les deux langues officielles. Les deux versions doivent avoir
le même sens, celui qu’on entend leur donner, exprimé en termes clairs
et précis.
Il est tout aussi important que les projets de loi et de règlement
respectent les deux traditions juridiques canadiennes – le droit
civil et la common law –, puisque les lois fédérales s’appliquent
en principe à l’ensemble du pays. Les notions propres à chaque système
juridique doivent être exprimées dans les deux langues d’une façon qui
tienne compte des deux réalités.
Planification et gestion de l’activité législative
Il y a trois niveaux de planification et de gestion de l’activité
législative gouvernementale :
- niveau central (gouvernement);
- niveau ministériel;
- niveau individuel (projet).
Pour ce qui est du premier de ces niveaux, il existe, à l’échelle
du gouvernement, un processus de coordination et d’établissement de
l’ordre de priorité des diverses propositions législatives
émanant des ministères. C’est le leader du gouvernement à la
Chambre des communes — qui est aussi ministre d’État — qui est
responsable du programme législatif du gouvernement. Il est appuyé
dans cette tâche par le Bureau du Conseil privé. Par ailleurs, un
comité du Cabinet, le Comité spécial du Conseil, et, ensuite, le
Cabinet en séance plénière se penchent sur les questions qui
requièrent une décision du Cabinet plénier. Il en est ainsi, par
exemple, lorsque le leader du gouvernement à la Chambre des communes
demande que lui soit délégué le pouvoir de prendre les dispositions
nécessaires en vue du dépôt d’un projet de loi.
Dans le cas des règlements, les ministères et organismes dotés
de pouvoirs réglementaires doivent planifier leurs activités à cet
égard pour les années à venir et rendre compte de leur
planification et de l’ordre de priorité fixé. À l’automne, il
leur faut aussi rédiger des rapports de rendement. Ceux-ci sont
déposés à la Chambre des communes en annexe du Budget des
dépenses, puis remis aux comités compétents de la chambre.
Au second niveau, il incombe à chaque ministère de gérer les
propositions législatives qui relèvent de son champ de compétence.
Il doit veiller à affecter les crédits nécessaires à toutes les
étapes du processus législatif – notamment les
consultations – et s’assurer qu’il est à même d’établir
les orientations et objectifs et fournir les instructions aux
légistes dans les deux langues officielles. Enfin, il lui faut
planifier la mise en application de la loi après son adoption et
prévoir les ressources requises à cette fin.
Au troisième niveau, celui du projet, le ministère doit planifier
ses activités en fonction des différentes mesures législatives et
réglementaires. Il doit gérer celles-ci comme s’il s’agissait d’autant
de projets distincts, chacun exigeant la détermination des besoins
sur le plan des ressources, la définition des tâches à accomplir et
l’établissement d’un échéancier.
3. Élaboration
du programme législatif du gouvernement
Planification
La planification du programme législatif global du gouvernement peut
commencer plus d’un an avant le début de la session du Parlement au cours
de laquelle est prévu le dépôt des divers projets de loi. L’expérience
démontre qu'il vaut mieux étaler le processus de planification et de
préparation sur l'année qui précède l'ouverture de la session plutôt
que d’attendre à la veille de celle-ci. Ce délai se justifie, d’une
part, par la nécessité d’une planification à long terme de l’activité
législative d’ensemble et, d’autre part, par les trois grandes étapes
du processus menant à l’approbation du projet avant son dépôt, à
savoir :
- présentation des orientations et de l’objectif au Cabinet pour
approbation;
- le cas échéant, rédaction du projet, phase souvent longue et
difficile;
- présentation du projet au ministre d’État et leader du
gouvernement à la Chambre des communes pour approbation, en vue de
son dépôt.
Dans le cadre des modifications apportées au processus
décisionnel du Cabinet par le premier ministre en juin 1997, le
Comité spécial du Conseil (comité du Cabinet) s’est vu confier,
à titre d’organe collégial de niveau ministériel, de nouvelles
attributions relativement à la planification législative d’ensemble
et à la résolution de questions d’ordre législatif exigeant l’intervention
du Cabinet.
C’est par ailleurs au ministre d’État et leader du
gouvernement à la Chambre des communes qu’incombe la
responsabilité du programme législatif du gouvernement aux Communes,
notamment de l’examen approfondi de tous les avant-projets de loi.
Les administrations dont le ministre doit présenter des
propositions législatives sont donc fortement encouragées à rester
en rapport étroit avec le Secrétariat de la législation et de la
planification parlementaire/Conseiller du Bureau du Conseil privé,
qui a pour mission d’appuyer tant ce comité que le leader du
gouvernement à la Chambre des communes. Plus particulièrement, il
est très important qu’elles l’informent de toute modification
importante apportée à l’échéancier du ministre pour le dépôt
du projet de loi.
Appel de propositions législatives
Dès que le discours du Trône a été prononcé au début de la session
parlementaire, le secrétaire adjoint du Cabinet (Législation et
planification parlementaire/Conseiller) demande par écrit à tous les
sous-ministres et aux premiers dirigeants de certains organismes de lui
présenter la liste des propositions législatives que leur ministre compte
soumettre au Cabinet en vue du dépôt de projets de loi au cours de la
session suivante. Par la suite, « la lettre d’appel » est envoyée
deux fois au cours de l’année, en juin et en novembre, pour permettre les
ajustements qu’impose tout changement au programme ou dans l’ordre de
priorité.
La réponse est adressée au secrétaire adjoint du Cabinet dans le mois
qui suit la réception de la lettre d’appel ou dans tel autre délai qui y
est précisé.
Examen par le Cabinet
Le leader du gouvernement à la Chambre des communes établit un premier
ordre de priorité parmi les propositions législatives. Le programme
législatif de la session suivante est alors établi dans les grandes lignes
et passé en revue, avec l’ordre de priorité, par le Comité spécial du
Conseil. Normalement, le leader informe deux fois l’an le Comité spécial
du Conseil et le Cabinet en séance plénière des mises à jour du
programme législatif.
4. Élaboration
des projets de loi du gouvernement
Approbation des orientations et objectifs par le Cabinet
Dès que le Cabinet a décidé d’inscrire une mesure au programme
législatif, l’administration concernée devrait présenter un mémoire au
Cabinet en vue d’en faire approuver les orientations et les objectifs, et
d’obtenir l’autorisation de faire rédiger un projet de loi par la
Section de la législation du ministère de la Justice. Le mémoire au
Cabinet est rédigé selon les modalités précisées dans les textes
complémentaires établis par le greffier du Conseil privé et est
présenté au comité d’orientation compétent du Cabinet, puis au Cabinet
lui-même. On devrait prévoir, entre la présentation du mémoire et la
date envisagée pour le dépôt du projet, un délai suffisant pour la
rédaction de celui-ci.
Le mémoire doit préciser, le cas échéant, le genre de consultations
publiques que le ministre a menées ou envisage de mener dans le cadre de la
mesure, et s’il souhaite que le projet de loi fasse lui-même l’objet de
consultations. La tradition veut que les avant-projets de loi soient tenus
pour strictement confidentiels jusqu’à leur dépôt au Parlement. Mais
étant donné l’engagement pris par le gouvernement en faveur de la
transparence et de la consultation, il est bien possible que les ministres
souhaitent solliciter l’opinion des intéressés. Il ne doit toutefois pas
en résulter d’entrave au pouvoir législatif du Parlement, ni d’avantages
économiques indus pour la partie consultée. Par conséquent, lorsque l’on
envisage de soumettre un projet de loi à des consultations avant son
dépôt, il y a lieu d’en faire mention au préalable dans le mémoire au
Cabinet, afin de permettre à celui-ci d’examiner le bien-fondé des
décisions prises à cet égard. Et si le projet de loi a pour effet de
modifier l’appareil administratif, l’autorisation de consulter devrait
être demandée au moyen d’une lettre adressée au premier ministre par le
ministre parrain.
Les instructions de rédaction devraient être annexées au mémoire au
Cabinet. Elles ne doivent cependant pas prendre la forme d’un avant-projet
de loi. Leur objet est de faciliter l’étude de la proposition
législative du point de vue des orientations et des objectifs, et d’encadrer
la rédaction du projet. Sauf dans de très rares cas, les instructions de
rédaction sous forme d’avant-projet de loi ne sont pas utiles. Il se peut
que la tâche de réunir l’information à inclure dans les instructions de
rédaction prenne beaucoup de temps. Mais le sérieux des discussions à
cette étape permettra d’en arriver à une meilleure estimation du temps
nécessaire à la rédaction du projet de loi, ce qui est essentiel à la
planification et à la gestion du programme législatif du gouvernement.
Rédaction du projet de loi
Il est essentiel que le ministère parrain informe le Secrétariat de la
législation et de la planification parlementaire/Conseiller, ainsi que le
secrétariat du comité d’orientation compétent du Cabinet, de tout
changement notable par rapport aux orientations et objectifs déjà
approuvés par le Cabinet.
Comme il a été dit précédemment, les versions française et anglaise
font également foi et doivent être à l’image de la nature bijuridique
du système de droit canadien. Elles doivent donc être établies ensemble
et l’administration responsable doit veiller à mettre en place les moyens
voulus pour être en mesure :
- de donner des instructions dans les deux langues officielles;
- de répondre aux questions substantielles des légistes dans les
deux langues officielles et relativement à chacun des systèmes
juridiques en place;
- de procéder à l’appréciation critique des deux textes.
Il n’est pas acceptable que l’un des légistes et le chargé de
projet concluent à la qualité substantielle d’une seule version
linguistique du projet de loi. Les deux versions doivent absolument
revêtir la même qualité substantielle aux yeux des spécialistes
aptes à en juger, et doivent être susceptibles d’application dans
l’ensemble du pays, quel que soit le régime de droit provincial ou
territorial applicable. Certes, cette obligation peut être
particulièrement astreignante quand la source d’inspiration d’un
projet provient d’une autre autorité législative – canadienne
ou non –, et que les textes et l’information – souvent
très techniques – utilisés n’existent que dans une seule
langue. Il faudra alors prévoir au besoin, dans les délais de
planification et de rédaction, le temps nécessaire à la recherche,
à la vérification et à la mise au point de la terminologie à
employer dans les deux versions.
L’opportunité d’inclure un préambule ou un énoncé d’objectifs
dans un projet de loi doit aussi être examinée soigneusement. Le
préambule expose généralement des renseignements contextuels
importants pour la compréhension du texte ou la démonstration de sa
validité constitutionnelle. Or, s’agissant d’une loi
modificative, toutefois, son préambule ne sera pas ajouté au texte
de la loi modifiée. Afin de porter ces renseignements contextuels à
la connaissance du public, on peut recourir en pareil cas à un
énoncé d’objectifs qui, faisant partie des dispositions du texte,
sera intégré à la loi modifiée. En tout état de cause, le texte
du préambule ou de l’énoncé d’objectifs est examiné
soigneusement par le ministère de la Justice quant à sa rédaction
et à son contenu.
Examen du projet de loi par le leader du gouvernement à la Chambre des
communes
Dès qu’un projet de loi a été rédigé et approuvé par le ministre
responsable, la Section de la législation du ministère de la Justice prend
les dispositions nécessaires pour son impression et l’envoi d’exemplaires
au Secrétariat de la législation et de la planification
parlementaire/Conseiller avant l’examen par le leader du gouvernement à
la Chambre des communes.
À cette étape, l’administration responsable :
- rédige la documentation destinée à expliquer le projet de loi aux
parlementaires et au grand public ou devant leur être distribuée;
- établit une version provisoire de la déclaration que fera le
ministre lors du renvoi au comité;
- présente un plan de communication révisé et actualisé si l’original
figurant dans le mémoire au Cabinet n’est plus à jour.
Le leader du gouvernement à la Chambre des communes examine alors
le texte du projet, notamment du point de vue de sa conformité avec
la décision du Cabinet. Il rend compte de ses conclusions au Cabinet
et demande à celui-ci de lui déléguer le pouvoir de prendre les
dispositions nécessaires en vue du dépôt du projet à la Chambre
des communes ou au Sénat.
Une fois que le Cabinet a donné son aval, le Secrétariat de la
législation et de la planification parlementaire/Conseiller présente
au premier ministre ou au leader du gouvernement à la Chambre des
communes pour signature le projet dans sa version définitive, assorti
de la recommandation royale s’il porte affectation de crédits. Le
secrétariat se charge des formalités afférentes à la
recommandation royale.
5. Débats
parlementaires et amendements
Dépôt et lectures
Les projets de loi du gouvernement sont habituellement déposés par un
ministre parrain. Ils subissent trois lectures au Sénat et à la Chambre
des communes, et font l’objet d’une étude en comité dans chacune des
chambres. Le détail de ces étapes est exposé dans diverses publications
telles que le Précis de procédure de la Chambre des communes, ainsi
que Le Sénat aujourd’hui et le Règlement du Sénat du Canada.
C’est soit le Cabinet, sur la recommandation du leader du gouvernement
à la Chambre des communes, soit ce dernier en vertu du pouvoir délégué
par le Cabinet, qui décide de la date et du lieu du dépôt d’un projet
de loi.
Sur instruction du leader du gouvernement à la Chambre des communes, le
secrétaire adjoint du Cabinet (Législation et planification
parlementaire/Conseiller) donne l’avis de dépôt au greffier de la
Chambre des communes. Si le dépôt doit se faire au Sénat, la
détermination de la date revient également au leader du gouvernement à la
Chambres des communes, mais après consultation du leader du gouvernement au
Sénat. Dans tous les cas, le secrétaire adjoint en informe le ministre
responsable.
À la Chambre des communes, la fixation de la date et de l’heure du
débat de deuxième lecture, de l’étape du rapport et de la troisième
lecture revient au leader du gouvernement à la Chambre des communes. Au
Sénat, le déroulement des différentes étapes est réglé par le leader
du gouvernement au Sénat.
Au cours de l’étude en comité, que ce soit au Sénat ou à la Chambre
des communes, le ministre responsable ou le secrétaire parlementaire
assiste aux audiences du comité afin de faciliter les délibérations en s’assurant
que la position du gouvernement est bien exposée. Cela est
particulièrement important dans les cas où il est proposé d’apporter
des amendements au projet de loi.
Amendements
Les règles suivantes s’appliquent lorsque le ministre responsable veut
proposer ou accepter des amendements après le dépôt d’un projet de
loi :
- L’agrément du ministre suffit pour les amendements de pure forme,
le Cabinet n’ayant pas à être consulté.
- S’agissant d’amendements qui ont des répercussions sur les
orientations et objectifs approuvés par le Cabinet ou qui soulèvent
des questions d’orientation générale dont celui-ci n’a pas été
saisi, il y a lieu de reprendre les étapes suivies pour le projet de
loi original : présentation d’un mémoire au Cabinet, étude
par le comité d’orientation initialement saisi et agrément du
Cabinet.
- Les amendements importants peuvent toutefois, en cas d’urgence,
être directement soumis à l’approbation du premier ministre et du
président du comité d’orientation compétent du Cabinet, ainsi qu’à
celle des autres ministres intéressés.
Les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement doivent
être rédigés ou à tout le moins passés en revue par la Section de
la législation du ministère de la Justice.
Sanction royale
La sanction royale constitue l’ultime étape du processus d’édiction
des lois. La date de la cérémonie de sanction royale est fixée par le
leader du gouvernement à la Chambre des communes après consultation du
leader du gouvernement au Sénat.
6. Entrée
en vigueur
Sauf disposition contraire, la loi entre en vigueur à la date de sa
sanction. Le plus souvent, toutefois, le texte prévoit que ses
dispositions ou telles d’entre elles entrent en vigueur à la date ou
aux dates fixées par décret du gouverneur en conseil. Les décrets de
ce type sont rédigés par les fonctionnaires du ministère chargé de l’application
de la loi et soumis à l’examen du Comité spécial du Cabinet par le
ministre responsable. Une fois approuvé par le comité, le décret est
transmis au gouverneur général pour signature, puis publié dans la Gazette
du Canada. Le décret devrait être soumis à l’approbation du
Cabinet assez longtemps avant la date prévue pour l’entrée en
vigueur.
7. Prise
de règlements
Les principales étapes du processus réglementaire sont prévues par la Loi
sur les textes réglementaires. On y trouve notamment les exigences
suivantes :
- les projets de règlement sont examinés par le greffier du Conseil privé
après consultation du sous-ministre de la Justice;
- les règlements sont transmis au greffier du Conseil privé pour
enregistrement et publication dans la Gazette du Canada;
- le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation (Comité) est
saisi d’office de tous les règlements.
En ce qui concerne la dernière exigence, le Comité communique
régulièrement avec les ministères pour bien remplir son mandat. Ainsi :
- Chaque ministère désigne une ou des personnes pour répondre aux
demandes du Comité.
- Les demandes du Comité doivent être coordonnées au sein du ministère
par un bureau de suivi (ex. : bureau des relations parlementaires, service
de la correspondance, service des affaires législatives ou parlementaires).
Ce bureau doit mettre en place un système afin de répondre aux demandes du
Comité en temps opportun.
- Chaque ministère prévoit un laps de temps raisonnable pour répondre aux
demandes du Comité, selon la complexité de la question. Si le ministère
ne peut répondre dans la limite de temps prévue, il doit en aviser
promptement le Comité.
- Le service juridique du ministère doit être consulté lorsqu’une
demande comporte un aspect juridique.
- Le bureau de suivi doit remettre périodiquement un rapport d’étape au
sous-ministre et en faire parvenir une copie au cabinet du ministre.
S’ajoutent à ces éléments du processus réglementaire les formalités d’analyse
et de procédure que prévoit la Politique de réglementation : http://www.pco-bcp.gc.ca/raoics-srdc/default.asp?Language=F&Page=Publications.
8. Conclusion
La présente directive énonce les objectifs et les attentes du
Cabinet relativement à l’activité législative du gouvernement. Ses
dispositions, de même que celles des documents complémentaires
établis par le greffier du Conseil privé relativement à la
planification et à la gestion de cette activité, s’imposent à tous
les fonctionnaires qui prennent part à celle-ci.
Suivant
Table
des matières
|