Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 18, 1971

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L'ancienne chapelle des Récollets de Trois-Rivières

par John R. Porter et Léopold Désy

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Au mois d'août de l'année suivante, le voyageur Isaac Weld est de passage à Trois-Rivières. Dans ses chroniques, il nous renseigne sur l'état des bâtiments des Récollets à cette date:

« La ville des Trois-Rivières, écrit-il, a deux églises, l'une pour les Anglais épiscopaux et l'autre pour les catholiques romains. Celle-ci était autrefois desservie par les Récollets ou frères Franciscains, mais leur ordre est éteint. Leur monastère, qui est un grand bâtiment en pierre, est entièrement abandonné, ainsi que les maisons qui l'avoisinent, ce qui répand sur tout le quartier un air de tristesse et d'ennui. » (24)

En 1807, les protestants continuaient de ne disposer que de la moitié de l'église pour leurs offices. Peu après, de nouvelles modifications apportées au couvent permirent à la cour de justice d'y siéger et aux protestants d'occuper toute la chapelle. En 1820, à cause de la construction d'un nouveau palais de justice, le couvent se trouva inoccupé. Dans ces conditions, les protestants de Trois-Rivières se groupèrent en paroisse le 30 mai 1822 et essayèrent de se faire adjuger l'entière propriété des bâtiments conventuels. Le 15 août 1823, leurs démarches étaient couronnées de succès. En effet, à cette date, des lettres patentes du roi Georges IV attribuaient à la paroisse anglicane la chapelle comme temple et le couvent comme résidence du recteur, et ce en toute propriété. (25)

Entretemps, les anglicans n'étaient pas demeurés inactifs. Insatisfaits des transformations qu'on avait fait subir à la chapelle depuis 1776, ils songèrent dès 1822 à la remplacer par une nouvelle. Heureusement, le projet n'aboutit pas et l'on se mit d'accord pour réparer la vieille chapelle. Ces réparations furent menées très rondement de sorte que, dès le 26 octobre 1823, les travaux étaient terminés. (26)

C'est le 28 mai de la même année que le contrat de rénovation (27) avait été passé entre l'honorable L. Gugy, Hugh Fraser, Henry Francis Hugues et James Hastings Kerr, représentants de la congrégation, et Joseph Clark et Terrel Appleton, architectes de Montréal. 

On peut dégager de ce contrat les principaux changements que l'on fait subir à la chapelle. À l'intérieur, on effectue des transformations majeures concernant non seulement les subdivisions mais aussi le plafond, le mobilier et le décor. À l'extérieur, les murs de l'édifice ne sont pas touchés si l'on excepte le mortier foncé que l'on y applique. Toutefois, le toit et le clocher subissent des changements radicaux.

On remplace le toit de 1754 en suivant les explications du « plan no I », plan demeuré introuvable jusqu'à ce jour. Toutefois, le passage « Take off the present roof as far as is laid down in Plan No. I » montre clairement que l'on a convenu de réduire l'inclinaison du toit et de le rendre plus obtus. On décide également de couvrir celui-ci de bardeaux et de le laisser déborder les murs d'au moins dix-huit pouces. Depuis, on a couvert le toit de l'église d'abord en fer blanc, en 1891 (28) puis en tôle de cuivre, en 1946. (29) En façade (fig. I ), la nouvelle inclinaison du toit assure la présence d'un fronton qui s'intègre parfaitement dans le vocabulaire classique de l'ensemble.

Quant à l'ancienne tour, on convient de l'enlever et de la remplacer par une autre que l'on installe sur le pignon de la chapelle et qui comporte un dôme couvert de fer blanc et coiffé d'une girouette. En 1853, on y ajoutera une cloche (30) et en 1891 on la couvrira à nouveau de fer blanc. (31) En fin, en 1937, le clocheton (fig. 7) est paré d'un revêtement en tôle de cuivre. (32)

En tant que tel, le nouveau clocheton ne manque pas d'intérêt. Il se dresse sur un socle de forme carrée; peu accusé, celui-ci s'inscrit partiellement à l'intérieur du pignon du toit qu'il coupe à angle droit. Le clocheton proprement dit est de forme assez élancée. Il présente un dessin octogonal habilement rattaché à sa base carrée par un double passage linéaire octogonal. Il respire grâce à huit baies de forme allongée et dont le dessin curieusement cintré n'est pas sans rappeler le motif inhérent à certaines fenêtres palladiennes. La couverture est une demi-sphère composée de huit pans concentriques; elle manque de dynamisme à cause de l'assez forte corniche sur laquelle elle repose. Néanmoins, elle est intimement liée aux lignes de force de la partie centrale du clocheton grâce à des nervures très bien affirmées. 

Les origines de ce motif architectural remontent à la Renaissance italienne. On en voit de multiples applications notamment dans le couronnement de coupoles monumentales (ex.: Santa Maria della Consolazione à Todi, vers 1520). Plus tard, on utilisera ce modèle un peu partout à travers l'Europe où on le soumettra à de nombreuses variantes. En France, par exemple, on le retrouve comme lanternon au château de Vaux-le-Vicomte construit par l'architecte Le Vau au milieu du XVIIe siècle. En Angleterre, il coiffe la tour centrale d'Hatfield House (1608-1612). Dans l'architecture ancienne du Québec, le même motif trouva très tôt plusieurs applications dérivées de modèles européens. Que l'on songe seulement au couvent des Récollets de Montréal construit en 1712 par Pierre Janson dit La Palme ou encore à l'ancien palais de l'Intendant à Québec (1718).

Après la Conquête, le lanternon ou clocheton octogonal connaîtra une vogue renouvelée. En effet, plusieurs architectes militaires véhiculent alors avec eux un goût évident pour ce motif fréquemment utilisé en Angleterre dans l'architecture georgienne. Il est d'ailleurs intéressant de constater que l'architecte-théoricien Jérôme Demers, qui était très au fait des traités d'architecture de Vignole, Blondel et Gibbs, employera le motif du lanternon octogonal au séminaire de Nicolet vers 1830, soit moins de dix ans après la construction de celui de Trois-Rivières.

Ceci étant dit, nous pouvons maintenant revenir à la chapelle des Récollets de 1754. Nous savons que sa partie basse ne fut pas modifiée, qu'on affaiblit substantiellement le fruit du toit et que l'on procéda au remplacement de sa tour. Grâce à un document ancien nous pouvons nous faire une idée de la nature de cette dernière. Si l'on se fie à une gravure de John Lambert (fig. 8) réalisée lors de son passage à Trois-Rivières vers 1807 et où la tour de la chapelle des Récollets apparaît à l'extrême gauche, nous pouvons en conclure qu'elle était coiffée d'une flèche élancée reposant sur un socle carré bien accusé. (33) Les Ursulines de Trois-Rivières ont conservé la croix métallique qui surmontait autrefois cette flèche. D'un travail remarquable, ses bras se terminent par des fleurs de lys finement ouvragées.

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