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L'ancienne
chapelle des Récollets de Trois-Rivières
par John R. Porter et Léopold Désy
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Au mois d'août de l'année suivante, le voyageur Isaac Weld
est de passage à Trois-Rivières. Dans ses chroniques, il
nous renseigne sur l'état des bâtiments des Récollets à cette date:
« La ville des Trois-Rivières, écrit-il, a deux églises,
l'une pour les Anglais épiscopaux et l'autre pour les catholiques
romains. Celle-ci était autrefois desservie par les Récollets
ou frères Franciscains, mais leur ordre est éteint. Leur
monastère, qui est un grand bâtiment en pierre, est entièrement
abandonné, ainsi que les maisons qui l'avoisinent, ce qui répand
sur tout le quartier un air de tristesse et d'ennui. » (24)
En 1807, les protestants continuaient de ne disposer que de la moitié
de l'église pour leurs offices. Peu après, de nouvelles modifications
apportées au couvent permirent à la cour de justice d'y
siéger et aux protestants d'occuper toute la chapelle. En 1820,
à cause de la construction d'un nouveau palais de justice,
le couvent se trouva inoccupé. Dans ces conditions, les protestants
de Trois-Rivières se groupèrent en paroisse le 30 mai 1822
et essayèrent de se faire adjuger l'entière propriété
des
bâtiments conventuels. Le 15 août 1823, leurs démarches
étaient couronnées de succès. En effet, à
cette date, des lettres patentes du roi Georges IV attribuaient à
la paroisse anglicane la chapelle comme temple et le couvent comme résidence
du recteur, et ce en toute propriété. (25)
Entretemps, les anglicans n'étaient pas demeurés inactifs.
Insatisfaits des transformations qu'on avait fait subir à la chapelle
depuis 1776, ils songèrent dès 1822 à la remplacer
par une nouvelle. Heureusement, le projet n'aboutit pas et l'on se
mit d'accord pour réparer la vieille chapelle. Ces réparations
furent menées très rondement de sorte que, dès
le 26 octobre 1823, les travaux étaient terminés. (26)
C'est le 28 mai de la même année que le contrat de rénovation (27)
avait été passé entre l'honorable L. Gugy, Hugh
Fraser, Henry Francis Hugues et James Hastings Kerr, représentants
de la congrégation, et Joseph Clark et Terrel Appleton, architectes
de Montréal.
On peut dégager de ce contrat les principaux changements que l'on
fait subir à la chapelle. À l'intérieur, on effectue
des transformations majeures concernant non seulement les subdivisions
mais aussi le plafond, le mobilier et le décor. À l'extérieur,
les murs de l'édifice ne sont pas touchés si l'on excepte
le mortier foncé que l'on y applique. Toutefois, le toit et le clocher
subissent des changements radicaux.
On remplace le toit de 1754 en suivant les explications du
« plan no I », plan demeuré introuvable jusqu'à
ce jour. Toutefois, le passage « Take off the present roof as far
as is laid down in Plan No. I » montre clairement que l'on a
convenu de réduire l'inclinaison du toit et de le rendre plus obtus.
On décide également de couvrir celui-ci de bardeaux et
de le laisser déborder les murs d'au moins dix-huit pouces. Depuis,
on a couvert le toit de l'église d'abord en fer blanc, en 1891 (28)
puis en tôle de cuivre, en 1946. (29) En façade (fig. I ), la
nouvelle inclinaison du toit assure la présence d'un fronton qui
s'intègre parfaitement dans le vocabulaire classique de l'ensemble.
Quant à l'ancienne tour, on convient de l'enlever et
de la remplacer par une autre que l'on installe sur le pignon de la chapelle
et qui comporte un dôme couvert de fer blanc et coiffé d'une
girouette. En 1853, on y ajoutera une cloche (30) et en 1891 on la couvrira
à nouveau de fer blanc. (31) En fin, en 1937, le clocheton (fig. 7)
est paré d'un revêtement en tôle de cuivre. (32)
En tant que tel, le nouveau clocheton ne manque pas d'intérêt. Il se dresse sur un socle de forme carrée; peu accusé,
celui-ci s'inscrit partiellement à l'intérieur du pignon
du toit qu'il coupe à angle droit. Le clocheton proprement dit est
de forme assez élancée. Il présente un dessin octogonal
habilement rattaché à sa base carrée par un double
passage linéaire octogonal. Il respire grâce à huit
baies de forme allongée et dont le dessin curieusement cintré
n'est pas sans rappeler le motif inhérent à certaines fenêtres
palladiennes. La couverture est une demi-sphère composée
de huit pans concentriques; elle manque de dynamisme à cause de
l'assez forte corniche sur laquelle elle repose. Néanmoins, elle
est intimement liée aux lignes de force de la partie centrale
du clocheton grâce à des nervures très bien affirmées.
Les origines de ce motif architectural remontent à la Renaissance italienne.
On en voit de multiples applications notamment dans le couronnement de
coupoles monumentales (ex.: Santa Maria della Consolazione à Todi,
vers 1520). Plus tard, on utilisera ce modèle un peu partout à
travers l'Europe où on le soumettra à de nombreuses variantes.
En France, par exemple, on le retrouve comme lanternon au château
de Vaux-le-Vicomte construit par l'architecte Le Vau au milieu du XVIIe
siècle. En Angleterre, il coiffe la tour centrale d'Hatfield House
(1608-1612). Dans l'architecture ancienne du Québec, le même
motif trouva très tôt plusieurs applications dérivées
de modèles européens. Que l'on songe seulement au couvent
des Récollets de Montréal construit en 1712 par Pierre Janson
dit La Palme ou encore à l'ancien palais de l'Intendant à
Québec (1718).
Après la Conquête, le lanternon ou clocheton octogonal connaîtra une vogue renouvelée. En effet,
plusieurs
architectes militaires véhiculent alors avec eux un goût évident
pour ce motif fréquemment utilisé en Angleterre dans l'architecture
georgienne. Il est d'ailleurs intéressant de constater que
l'architecte-théoricien Jérôme Demers, qui était très au fait des
traités d'architecture de Vignole, Blondel et Gibbs, employera
le motif du lanternon octogonal au séminaire de Nicolet vers 1830,
soit moins de dix ans après la construction de celui de Trois-Rivières.
Ceci étant dit, nous pouvons maintenant revenir à
la chapelle des Récollets de 1754. Nous savons que sa partie basse
ne fut pas modifiée, qu'on affaiblit substantiellement le fruit
du toit et que l'on procéda au remplacement de sa tour. Grâce
à un document ancien nous pouvons nous faire une idée de
la nature de cette dernière. Si l'on se fie à une gravure
de John Lambert (fig. 8) réalisée lors de son passage à
Trois-Rivières vers 1807 et où la tour de la chapelle des
Récollets apparaît à l'extrême gauche, nous pouvons
en conclure qu'elle était coiffée d'une flèche élancée
reposant sur un socle carré bien accusé. (33) Les Ursulines
de Trois-Rivières ont conservé la croix métallique
qui surmontait autrefois cette flèche. D'un travail remarquable,
ses bras se terminent par des fleurs de lys finement ouvragées.
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