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L'ancienne
chapelle des Récollets de Trois-Rivières
par John R. Porter et Léopold Désy
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Enfin, le tabernacle est remarquable par son développement
iconographique. La présence, sur la deuxième prédelle
(fig. 30), des symboles du pain et du vin, du ciboire sur la porte du tabernacle,
des reliquaires de saint Modeste et de saint Clément, de la croix
au sommet de l'autel et de quatre petits reliefs sculptés à
la hauteur du quatrième étage nous console de la disparition
probable d'un relief au centre supérieur de l'autel et de statuettes
dans ses trois niches. Il y a là toute une hiérarchie spirituelle
depuis le monde céleste du Christ, de la Vierge et des saints jusqu'au
monde terrestre de la communauté des fidèles. Par le pain
et le vin, symbolisés par le blé et le raisin, le prêtre,
représentant du Christ, assure la transition entre les deux mondes
et permet de transmettre le salut apporté par le sacrifice de la
croix.
Les
quatre reliefs dont nous parlions il y a un instant, s'inscrivent parfaitement
dans le microcosme spirituel de l'autel. Sur le côté gauche
du corps central, on retrouve saint Pierre (fig. 31) se tenant sur un culot.
Comme dans les trois autres panneaux, le fond de scène est occupé
par des draperies nouées, difficilement discernables à cause
des repeints successifs. Dans sa main gauche, il tient la grosse clef du
royaume des cieux et dans l'autre, un volume rappelant ses épîtres.
Chauve, barbu, le regard pénétrant, le chef de l'Église
semble vouloir imposer son autorité. La lourdeur de ses vêtements
confirme cette impression.
Saint Paul (fig. 32) lui fait pendant du côté droit.
Dans la main droite, il porte son attribut habituel, c'est-à-dire
une épée, symbole de son enseignement pénétrant
et rappel de son martyre. Son visage alourdi par de longs cheveux et une
barbe prospère, semble moins éveillé que celui de
saint Pierre. Chose certaine, son regard n'a rien de la vivacité
de celui du chef de l'Église.
Sur les ailes latérales de la partie supérieure
de l'autel, s'inscrivent deux reliefs intimement liés l'un à
l'autre. Du côté gauche, il y a la Vierge Marie et du côté
droit un ange tourné vers elle. Il s'agit de la scène de
l'Annonciation. On connaît une dizaine de représentations
de ce thème dans toute la sculpture ancienne du Québec. Celle
de l'autel de Saint-Maurice est unique en son genre. En effet, l'emplacement
précis du thème est exceptionnel, de même que son interprétation iconographique.
La Vierge est agenouillée sur un prie-Dieu (fig. 33); on y voit un livre sur lequel elle pose la main droite; elle paraît
absorbée par un passage précis qu'elle indique du doigt.
Son corps se perd plus ou moins dans les plis de son vêtement. Sa
jambe droite disparaît dans un amas de nuages. Quant à l'ange
(fig. 34), il a la tête de profil, comme la Vierge, et présente
lui aussi une tête jouffiue aux traits à peine soulignés.
Sa tête chevelue apparaît entre ses ailes déployées.
Son corps est soumis à une étrange torsion. Demain gauche
il indique le ciel tandis que son bras droit, obéissant au mouvement
de son corps, s'incline vers le sol. Comme dans le cas de la Vierge, ses
jambes se perdent dans des nuages.
Ici, la Vierge est surprise par le message de l'ange alors qu'elle
médite sur un passage de la Bible ou plus précisément,
selon les Pères de l'Eglise, sur la prédication d'Isaïe, «
Ecce Virgo concipiet », qui la prépare aux paroles de l'ange. Conformément à l'iconographie
occidentale,
l'ange est revêtu d'une robe et porte des ailes. Son attitude agenouillée
relève d'une variante iconographique remontant au XIIe siècle.
Son geste oratoire, destiné à souligner ses paroles, découlerait
de celui des statues de philosophes de l'Antiquité. La tradition
de représenter l'ange sur des nuages s'explique par la réaction
du concile de Trente à l'excessive familiarité dont le
thème avait été empreint jusque-là. Ce qui
est étonnant ici, c'est que la Vierge se situe à gauche de
l'ange (cas relativement moins fréquent que l'inverse) et surtout
qu'elle se trouve elle aussi à reposer sur des nuages, privilège
normalement réservé à l'ange céleste. (59)
Les quatre petits reliefs sculptés ne manquent donc pas de signification
profonde en regard du développement iconographique du tabernacle.
Par surcroît, le style pittoresque de leurs figures ne saurait nous
laisser indifférents. Les mains immenses, les visages floris-sants
et les attitudes un peu gauches s'expliquent à la fois par les petites
dimensions des reliefs et par une certaine naïveté d'exécution
du sculpteur. Cette dernière n'enlève d'ailleurs aucun
charme à la robustesse paysanne de saint Pierre et de saint Paul
et à la candeur théâtrale de la scène de l'Annonciation.
Conclusion
Somme toute, l'étude de l'ancienne chapelle des Récollets
de Trois-Rivières ne manque pas d'intérêt. S'inscrivant
dans le fil de traditions architecturales bien affirmées, elle constitue
également un reflet de la vie des formes et de l'évolution
du goût. Par surcroît, son ancien tabernacle nous apparaît
comme un précieux témoin des préoccupations religieuses
du début du XVIIIe siècle, tout en se présentant comme
une oeuvre essentielle à notre connaissance de l'école tri-fluvienne de sculpture sous le régime français (fig. 35).
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