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Deux moments dans la vie et
l'oeuvre de James Wilson Morrice
par Lucie Dorais
English Summary
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*Nouvelle pagination de l'auteur.
Les carnets de croquis de James Wilson Morrice (1865-1924) jusqu'ici
n'ont été considérés qu'accessoire à
l'étude de l'oeuvre de cet artiste. D. W. Buchanan et Jean-René
Ostiguy leur ont consacré un article chacun; en plus de commenter
quelques dessins, ils mettent l'accent sur les inscriptions les plus
révélatrices des amitiés et des goûts du peintre. (1)
L'analyse détaillée des vingt-quatre carnets relativement complets qui sont conservés dans des collections
publiques (2)
a permis de les dater avec plus ou moins de précision (les premiers
carnets contiennent très peu d'inscriptions); les tableaux, les
voyages, les amitiés et les influences subies par l'artiste peuvent
maintenant être réexaminés dans une perspective chronologique
plus adéquate. Cette étude reste malheureusement incomplète,
puisque les 24 carnets et les dessins détachés d'au moins
deux autres carnets ne couvrent pas la carrière de Morrice en entier.
A titre d'exemple d'analyse, nous étudierons ici le Carnet 7420 et le
Carnet 7419 qui font partie de la collection de
la Galerie nationale du Canada depuis plus de 40 ans. Ils sont parmi les
plus intéressants des carnets conservés, et serviront de
point de départ pour l'étude de deux moments précis
dans la vie et l'oeuvre de Morrice.
1896-1897: Paris, Québec, Beaupré (Carnet 7420)
Ce carnet, Morrice l'a utilisé lors d'un séjour effectué
à Québec et à Beaupré au cours de l'hiver 1896-1987.
(3)
Quelques scènes de Paris, datant probablement de l'automne 1896 (elles sont au tout début du carnet), le complètent. La plupart
des croquis sont faits au crayon, mais quelques-uns sont rehaussés
d'encre bleue, une technique que Morrice n'a jamais employée dans les
autres carnets.
Deux inscriptions du carnet nous ont permis de le dater avec
précision: au f. 68* , la mention « arrived Sat / Nov 28 »
[1896] et au (65 (fig. I), la mention « Sat Jan 23 Star / Bell Smiths
ad » [1897]. (4) Deux lettres de Morrice, adressées à son
ami le peintre torontois Edmund Morris (1871-1913), attestent de son séjour
à Beaupré en janvier et février 1897. (5) Arrivé
à New York (ou à Montréal) le 28 novembre 1896, Morrice
a sans doute passé les fêtes de fin d'année dans sa famille. Sauf pour une visite à l'été 1894, Morrice
n'était pas revenu au Canada depuis son départ pour l'Europe
en 1890.
Le 12 janvier 1897, il est déjà installé
à Beaupré depuis quelques semaines et se propose d'y rester
encore un bon mois; puis il s'arrêtera quelques jours à New York, à l'invitation de William Glackens
(1870-1938), (6) avant
de rentrer à Paris en mars. (7) Un dimanche de février, il
écrit à Edmund Morris qu'il souhaite prolonger son séjour
à Beaupré parce qu'il travaille à une toile en vue
du Salon et qu'il pense toujours visiter Toronto et New York. (8) On ne
sait quand il retourne à Paris, mais il est encore à Montréal
le 29 avril, alors que William Brymner (1855-1925) lui donne une aquarelle (Jeune
fille à la main en abat jour, coll. Musée
des beaux-arts de Montréal). Il a donc pu assister à l'ouverture
du Salon du printemps de l'Art Association of Montreal (le futur
Musée des beaux-arts), où il expose une scène de
Paris la nuit (cat. no 94) et une toile ayant Sainte-Anne de Beaupré
pour sujet cat. no 93). (9) Les critiques du Salon ne font que citer son nom;
(10) il n'avait pourtant rien exposé à Montréal
depuis 1893.
Dans la seconde lettre à Morris (février 1897),
nous apprenons que Morrice a fait la connaissance, à Beaupré,
de Maurice Cullen (1866-1934) ; il note son adresse postale
sur une page de son carnet (f. 63v, « P. O. Box 1159 »); l'adresse
de William Brymner à Montréal est aussi notée (f. 68v,
« 67 St. James »), mais la correspondance ne mentionne pas leur
rencontre. D'autres adresses nous révèlent qu'il a rencontré
un avocat montréalais « Claxton / 107 St. James », (I)
et un journaliste de l'Examiner de San Francisco (f. 67). D'une écriture
qui n'est pas celle de Morrice, une adresse est inscrite sans nom (« 239
Richmond St. », f. 58v) et qui s'avère être celle d'une
demoiselle M. Brady de Montréal. (11) Au f. 67, il a noté l'adresse
d'un marchand général (« Boisseau Bros ») où
peut-être a-t-il acheté les tubes de couleur emportés
à Beaupré (liste au f. 67), à moins que ce ne soit
chez « Cottingham, Dickson », un marchand de blanc de plomb
du Vieux Montréal (f. 65v). Toujours dans ce quartier, il a rendu
visite aux marchands d'art « Scott & Sons » (f. 68), qu'il
déconseille cependant à Morris: « He [Scott] doesn't
bother himself about Canadian work...». (12) Scott deviendra pourtant
son marchand attitré à Montréal et sera chargé
de liquider l'atelier du peintre après son décès.
Des adresses à Glasgow (f. 68) concernent l'envoi de deux toiles
à l'exposition annuelle de l'Institute of Fine Arts. (13) Quant à
la mention du f. 65 (fig. I) « Ths Lawrin Sons / Vicent Street »,
il nous a été impossible de la déchiffrer avec
certitude.
Sur la même page, mais à Paris, Morrice a noté qu'il
devrait voir les Degas du Docteur Camondo (qui léguera sa collection
d'impressionnistes au Louvre en 1914). Au tout début du carnet (f.
IV) on trouve le nom et l'adresse d'une demoiselle Adrienne Toulmonde, une amie ou
un modèle dont on retrouve très souvent la mention dans les
carnets de cette époque. (14) La note « Collona / 15 rue Nicole »
(f. 68v) s'applique tout probablement à Eugène Colonna, qui
avait redécoré la maison de Sir William van Horne (ami
de la famille Morrice) en 1890. (15) Et c'est également dans le Carnet
7420 qu'on trouve une citation de l'écrivain Israel Zangwill,
dont la seconde partie est souvent citée dans les ouvrages sur Morrice
(f. 63v):
Art is a selection from and a re-combination of nature in
symmetrical forms for the stimulation of the human soul.
Art is a spiritual stimulant administered through sensuous forms.
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