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La chapelle de l'évêché de Sherbrooke:
quelques dessins préparatoires d'Ozias Leduc
par Laurier Lacroix
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Leduc accepte le projet avec enthousiasme et, le 8 juin 1921,
se rend à Sherbrooke visiter la chapelle et rencontrer l'architecte. (16)
Les seuls motifs décoratifs qu'il voit
sont ceux des vitraux ornés des Mystères du Rosaire et des
litanies de la Vierge. Il fut probablement décidé de poursuivre
la décoration dans une veine mariale car, dans sa lettre du 13 juin,
Audet, en faisant parvenir
« une esquisse de la chapelle », inscrit
le mot Lourdes dans l'espace réservé à un tableau.
Il complète son projet avec cette inscription:
[. ..] sur les murs 4 grandes manifestations ou apparitions de la Ste-Vierge ou les
4 grandes périodes de sa vie.
Ainsi son entrée au temple L'annonciation Mater Dolorosa l'Assomption.
(17)
Le fait de demander à l'architecte un plan à l'échelle
de l'édifice n'est pas nouveau. Pour plusieurs projets décoratifs
de Leduc, des dessins d'architecte ont été conservés
sur lesquels il esquisse parfois une première idée, telles
les vues des coupes transversale et longitudinale de la chapelle de l'évêché
fournies par Audet (fig. I). Sur les deux surfaces au-dessus de la draperie,
dont la hauteur semble fixée par Audet, Leduc jette quelques traits
de l'un de ses projets pour la décoration de panneaux. A droite,
la scène de l'Annonciation est déchiffrable et les
deux personnages se faisant face sont placés au-dessus d'un prophète
flanqué de deux anges.
Tout au long de ses recherches préparatoires, Leduc reporte
à l'échelle, sur plusieurs feuilles, les dimensions des
surfaces à décorer, de façon à concevoir son
projet dans l'espace physique où il sera placé. Quant au
thème suggéré - quatre scènes de la vie de la Vierge, ou quatre apparitions
- Leduc amalgame ce double thème afin
de dépasser la simple narration des événements. Il
chargera de symboles, tout en les unifiant, les quatre scènes
principales qui orneront les murs de la chapelle. On peut cependant rapprocher
de cette première proposition d'Audet, un dessin préparatoire
de l'Annonciation (fig. 2). Les deux personnages principaux sont
placés l'un au-dessus de l'autre sur un axe, caractéristique
des tableaux de Sherbrooke. Dans la pointe de l'ogive, au lieu de la
colombe traditionnelle, Leduc place un Enfant-Jésus sur un lit d'ailes.
Le sujet occupe tout le tableau et peut laisser
croire à une première esquisse du projet décoratif
avant l'intégration des figures de prophètes. L'ange occupe
toute la partie centrale de la composition et ses larges ailes forment
une sorte de mandorle derrière lui. La forme ovale allongée
et l'axe central qui se retrouvent dans le dessin forment deux des structures
unificatrices qui seront retenues dans le projet final.
Après sa visite, Leduc se met donc immédiatement
au travail et écrit à M. Maurault: « Je travaille à
mon projet de Sherbrooke. Couleur de la Sainte Chapelle ». (18) A la
fin de septembre 1921, Leduc se rend présenter ses premières
maquettes à Mgr LaRocque et à Audet. Il est possible d'imaginer
ce que fut cette première soumission, grâce à la réponse
d'Audet à Leduc, dans sa lettre du 3 octobre 1921:
Au sujet de la chapelle il m'est venu une idée que
je voulais toujours vous soumettre. Ce serait d'accoler à chaque
grand prophète un évangéliste et de mettre les textes
qui se rapportent à chacun. Le petit croquis ci-contre vous dira
ce que je vois. (19)
L'esquisse de Leduc devant donc comporter, en association avec la
scène principale, la figure d'un prophète reliée
à la scène représentée. Un dessin le prouve,
celui du décor (fig. 3) pour le mur gauche. Il représente
deux scènes: l'Annonce de Marie Co-rédemptrice et l'Annonciation.
La partie inférieure du mur est occupée
par une draperie reproduisant des diagonales qui se croisent pour former
des losanges. Quatre croix (devant servir pour le chemin de la croix) (20)
séparent le motif de draperie du tableau proprement dit. Divisé
en deux parties, celui-ci présente, au registre inférieur,
un prophète entouré de deux anges. Au-dessus, la scène
principale se déroule. La partie de droite est rehaussée
d'aquarelle dans les tons que l'on retrouve effectivement dans la Sainte-Chapelle,
à Paris: une prédominance de bleu, mis en valeur par le vert,
l'ocre, le brun et le jaune. La voûte reproduit les constellations.
Marie Immaculée apparaît à Adam et Ève dans
une lumière d'aurore. La scène de droite reproduit l'Annonciation.
L'ange domine Marie agenouillée dans une pose qui rappelle
celle d'Ève. Dans la partie supérieure, l'Enfant-Jésus
est transporté sur un lit d'ailes, ainsi que permet de le lire clairement
le dessin présenté plus haut (voir fig. 2). Cette première
conception avait pour effet de surélever la scène
principale, dans une salle qui offre peu de recul. En réduisant la taille
des prophètes et des évangélistes et en les logeant
dans les angles inférieurs de la composition, Audet abaissait la
scène principale juste au-dessus des croix et lui donnait, ainsi,
une plus grande importance.
Des notes manuscrites indiquent que Leduc a, dès ce moment,
fixé le programme iconographique et intitulé les quatre
scènes: « Marie immaculée écrase la tête
du serpent (Is. 7, 14) »; « l'Annonciation (Jér. 3, 22 »;
« Jésus retrouvé au temple (Dan. [?] » et, enfin, « Marie au pied de la croix (Ez. 34, 23) ». (21) L'unité du
projet est fixé de la façon suivante: « Quatre phases
de la Rédemption / Quatre annonciations ». Ainsi,
les quatre tableaux sont construits sur le double thème du
péché et de l'espérance. La douleur, le mal présents
sur la terre sont conjurés par la promesse d'un Rédempteur
qui, par sa vie publique et sa mort sur la croix, rachète le péché
originel. Les tableaux s'articulent donc autour de l'opposition chute-salut.
Selon Leduc, Marie, déesse et co-rédemptrice, est intimement liée aux quatre scènes annonçant le salut par
le Christ:
Marie en cette cirsconstance solennelle était la Femme, la femme par excellence, la femme parfaite, la femme
réparatrice et rédemptrice du Monde; comme Jésus était le Fils
de l'Homme sans autre adjunction l'homme parfait, l'homme rédempteur et sauveur de l'homme. (22)
Cette double participation à la rédemption, l'opposition
descente-élévation présente dès le début
du projet, va guider Leduc dans ses recherches vers l'équivalent
plastique qui rend de la façon la plus claire ce double mouvement.
Aussi demande-t-il à Mgr LaRocque le temps et la patience nécessaires
à la réalisation de son projet:
Vous pensez bien que la conception et l'exécution avec tant
de multiples détails nécessairement expressifs, d'un ensemble
comme celui dont je vous ai soumis les grandes lignes, demande une certaine
quiétude d'esprit une concentration de pensée [...] (23)
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