Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 5, 1981-1982

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Ugolino di Nerio: Sainte Anne et la Vierge enfant

par Laurence B. Kanter


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Duccio di Buoninsegna (connu de 1278 à 1315) était certainement le peintre le plus influent de Sienne au début de la Renaissance. Parmi ses nombreux disciples, pratiquement toute une génération d'artistes, seulement deux sont identifiés aujourd'hui: Segna di Bonaventura et Ugolino di Nerio. Trois documents datant de 1315, 1325 et 1327 font état de la carrière de peintre d'Ugolino. (1) Aucun d'eux ne fait allusion à une oeuvre d'art donnée, mais Vasari écrit qu'Ugolino est l'auteur du retable du maître-autel de l'église de Santa Croce à Florence; d'ailleurs, la signature de l'artiste, Ugolino da Siena, figurait encore au dos d'un des panneaux de ce retable en 1837. (2) Ces panneaux sont maintenant dispersés dans des musées de Berlin, de Londres, de New York, de Philadelphie et de Los Angeles. Ils fournissent les éléments fondamentaux nécessaires à la compréhension du style d'Ugolino et permettent, par comparaison, d'attribuer au peintre des dizaines de retables, de fragments de retables et d'oeuvres religieuses autonomes.

L'oeuvre que la Galerie nationale du Canada a récemment acquise, (3) Sainte Anne et la Vierge enfant (fig. 1 et couverture), est un superbe exemple de la maturité du style d'Ugolino. Sainte Anne est vêtue d'une mante bleue doublée de fourrure. Elle tient sa fillette sur son bras gauche et son regard, tourné vers la droite (du tableau), dépasse les limites de la peinture. L'enfant vêtue d'une longue jupe vermillon et d'un corsage rose rehaussé de bleu pâle, somptueusement brodés d'or, suit le regard de sa mère. Elle tire le voile entourant le cou de celle-ci et joue nonchalamment avec sa main droite. Une couronne d'or ceint ses longues boucles blondes. La tête des deux personnages est entourée d'une auréole très ouvragée sur le fond d'or du panneau.

En 1953, l'oeuvre, de son support original en peuplier, a été transférée sur masonite. La peinture a fait l'objet d'un nettoyage à cette occasion et, juste avant son acquisition par la Galerie nationale du Canada, le fond doré a été débarrassé des repeints modernes. (4) Dans sa condition actuelle, le fond est quelque peu effacé et découvre le bol rouge du dessous; toutefois, l'or des auréoles est presque intact. Le bord supérieur a été coupé ainsi que, dans une moindre mesure, le bord inférieur et le côté gauche, ce qui tronque la forme trilobée originale du fond de la peinture et rend carré le profil arqué du panneau. Malgré ces modifications, la peinture s'est remarquablement conservée. Les accidents subis par la couche picturale sont minimes et négligeables, si l'on excepte les lacunes au bas de l'oeuvre.

Le sujet du panneau acheté par la Galerie est insolite et mérite quelques commentaires. Au premier abord, on pourrait facilement penser qu'il s'agit d'une représentation traditionnelle de la Vierge à l'Enfant, si ce n'était de la longue chevelure du jeune personnage, de ses vêtements féminins et de l'absence de certains attributs caractérisant toujours les portraits de l'Enfant Jésus et de sa mère. La Sainte Vierge, quand on la représente comme mère du Christ, porte toujours une étoile sur l'épaule ou sur le capuchon. Ce n'est pas le cas du personnage adulte de l'oeuvre qui nous occupe, bien qu'il soit vêtu de bleu, couleur traditionnelle de la Vierge. Dans les premières peintures italiennes, la tête de l'Enfant Jésus est toujours entourée d'un nimbe cruciforme. Encore une fois, il n'en est rien dans la peinture de la Galerie nationale. On ne peut donc identifier aucun des deux personnages de l'oeuvre grâce à un quelconque attribut; d'ailleurs, la plupart des premières représentations de sainte Anne et de la Vierge ne sont pas précises. Ces peintures ont en commun leur composition, qui est celle des représentations traditionnelles de la Vierge à l'Enfant; seul le sexe de l'enfant les différencie.

Le culte à sainte Anne a été introduit en Occident dès le VIIIe siècle, (5) mais son iconographie ne s'est pas fixée avant la fin du XIVe. A partir de cette époque, les représentations de sainte Anne se sont multipliées à travers l'Europe sous la forme d'Anna Selbdritt ou de Sant'Anna Meterza: généalogie simplifiée du Christ dans laquelle sainte Anne vieillissante soutient sur ses genoux sa fille (adulte) qui à son tour tient Jésus, son enfant. Les tableaux de Masaccio et de Léonard de Vinci sont les plus célèbres dans ce genre. Plus tard, et en particulier pendant l'époque baroque, la scène d'intérieur où sainte Anne apprend à lire à sa fillette a supplanté les représentations d'Anna Selbdritt. Mais, en ce début du XIVe siècle, Ugolino ne pouvait se nourrir que de peu d'exemples, ce qui explique peut-être l'absence d'attributs explicites permettant d'identifier les personnages. La statue adossée au trumeau du portail nord de la cathédrale de Chartres (6) et le vitrail au-dessus de celle-ci, ont été l'exemple le plus célèbre de sainte Anne portant la Vierge enfant. En Italie, ce genre de représentations semble d'abord avoir été réservé aux oeuvres de tradition byzantine. (7) Le grand retable, peint à la fin de XIIIe siècle par Rainieri di Ugolino (fig. 2) et actuellement conservé au Museo Nazionale di San Matteo de Pise, constitue en l'occurrence une exception notable. Dans cette peinture, sainte Anne trône devant deux anges en adoration et tient sa fillette sur ses genoux. Dans la peinture de la Galerie nationale, la mère ne porte pas d'étoile et l'enfant, manifestement du sexe féminin, ni couronne ni auréole cruciforme (l'auréole de la mère a été mal repeinte par un amateur). L'inscription SA ANNA, se détachant du fond d'or au-dessus de l'épaule droite du personnage adulte, corrobore enfin l'identité des deux personnages.

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