Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 5, 1981-1982

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Ugolino di Nerio: Sainte Anne et la Vierge enfant

par Laurence B. Kanter


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À partir de cette époque, les personnages d'Ugolino adoptent une expression plus dramatique, probablement sous l'influence croissante de Pietro Lorenzetti. Ses compositions prennent un caractère tridimensionnel plus prononcé grâce, d'une part, à un mouvement plus ambitieux du dessin des personnages et, d'autre part, à une plus grande sensibilité de nuances dans le modelé des surfaces et dans le sfumato. Il est peut-être paradoxal de remarquer qu'Ugolino fait en même temps preuve d'un sens plus exquis de la composition et d'un grand raffinement des lignes qui viennent supplanter le souci qu'il manifestait dans ses oeuvres antérieures pour les formes et les volumes simples. C'est dans les trois panneaux latéraux qui subsistent aujourd'hui du retable de Santa Croce (fig. 6), à présent conservés dans un musée de Berlin, (18) et dans le polyptyque presque contemporain du retable de la collection Ricasoli (fig. 7) à Brolio dans le Chianti (19) que ces nouvelles caractéristiques apparaissent d'abord. On peut faire valoir que seuls la Vierge et l'Enfant au centre, le saint Jean Baptiste et peut-être le saint Pierre du polyptyque sont véritablement de la main d'Ugolino. Seuls ces panneaux témoignent du raffinement et de la minutie d'Ugolino; saint Jean l'Évangéliste et saint Paul sont par contre d'une facture moins inspirée et plus sèche. Dans le panneau central, l'Enfant Jésus est figuré les jambes croisées, sa robe tombant sur ses cuisses en plis très amples; leur densité et leur fluidité évoquent davantage les spires d'un coquillage que le mouvement d'une étoffe. L'Enfant tire sur le voile de sa mère avec une telle force qu'il semble faire pencher vers lui la tête de la Vierge. Saint Jean Baptiste et saint Pierre ont la même expression sombre et tendue que dans le retable de Santa Croce. Dans les deux retables, l'arc simple a été remplacé par l'arc ogival, plus à la mode à l'époque. En outre, les auréoles y ont acquis une complexité qui était absente du polyptyque 39 de Sienne (fig. 5) réalisé avant ces deux oeuvres. Dans les panneaux appartenant au Staatliche Museum de Berlin (fig. 6), les rosettes poinçonnées en vogue à Sienne, décorent cinq bandes concentriques. Dans l'oeuvre conservée à Brolio (fig. 7), l'artiste est revenu à trois bandes seulement mais les a élargies de motifs plus élégants et plus complexes rappelant les décorations gravées des auréoles, qu'on trouve dans les oeuvres du début de sa carrière.

On reconnaît facilement dans le Saint Jean Baptiste (fig. 8) de Poznan (20) une version légèrement antérieure du même personnage figurant sur le retable de l'église de Santa Croce ou sur celui conservé à Brolio. Le premier a la taille moins élancée et ses vêtements ont un drapé plus simple que les deux autres; en outre son bras gauche est parallèle au plan de la peinture, alors que dans le cas du personnage des deux autres retables, les bras sont peints selon une perspective plus ambitieuse et l'artiste a conféré aux poignets une facture plus précise. La frontalité relative du saint Jean Baptiste de Poznan évoque les personnages du polyptyque 39 de Sienne et les traits du visage, moins accentués, rappellent davantage ceux de saint François, dans le polyptyque 39, que les détails exagérés de tous les personnages des retables de Santa Croce ou de Brolio. L'arc arrondi du panneau de Poznan, bien que légèrement tronqué de nos jours, ainsi que les motifs floraux poinçonnés sur le fond en pointillé de l'auréole ressemblent également à ceux du polyptyque 39.

Le Saint Jean Baptiste de Poznan semble se situer à une date médiane entre le retable du polyptyque 39 et celui de l'église de Santa Croce. Deux autres panneaux qui pourraient faire partie du même retable démembré confirment cette hypothèse. L'un d'eux, une représentation de Saint André (fig. 9) appartenant à la collection du musée J. Paul Getty de Malibu en Californie, a depuis longtemps été associé au panneau de Poznan. (21) L'expression du saint a presque la même intensité dramatique que les saints de Santa Croce et son auréole comprend également cinq anneaux concentriques décorés de motifs géométriques. Un troisième panneau appartenant au même retable, d'abord inédit, (22) représente une sainte tenant un lys; il s'agit probablement de sainte Eustochie (fig. 10). L'état de cette oeuvre qui présente de nombreux repeints visibles même sur les photographies, ne permet de tirer aucune conclusion quant au style; seule l'observation nous révèle que l'esquisse de ce personnage est pratiquement identique à celle d'une représentation antérieure de sainte Catherine, par Ugolino; cette oeuvre se trouve actuellement au Krannert Art Museum, à Urbana dans l'Illinois. (23) La peinture de sainte Eustochie (?) a presque la même taille que les panneaux de Poznan et de la collection Getty et, comme eux, elle se termine en un arc arrondi, légèrement tronqué. L'auréole de la sainte, garnie au centre d'une branche de vigne tortillée, est un peu plus travaillée que les auréoles du polyptyque 39; elle reprend en outre les rosettes et les feuilles trilobées poinçonnées décorant ce même polyptyque, le retable de Santa Croce (fig. 6), la pentaptyque de la collection Ricasoli (fig. 7) et la Sainte Anne de la Galerie nationale. Le motif de la robe de la sainte est une variante de celui ornant le vêtement de la Vierge enfant représentée dans l'oeuvre acquise par la Galerie ou le manteau de l'Enfant Jésus dans les bras de la Madone de la collection Tadini (fig. 3). (24)

Il est vraisemblable que le retable composé des panneaux de la collection Getty et de Poznan ait été réalisé un peu avant ceux de Santa Croce et de Brolio. L'oeuvre qui a probablement été réalisée peu après ces retables se trouve actuellement placée derrière celui du maître-autel de l'église de la Miséricorde à San Casciano (fig. 11). La taille du panneau et sa forme en gâble laissent à penser qu'il s'agit d'une oeuvre autonome; cependant, elle se trouve flanquée de deux panneaux réalisés exactement à la même époque, bustes de saint François et de saint Pierre (fig. 12), également d'Ugolino. (25) Le panneau en gâble représente la Vierge assise sur un trône de marbre incrusté portant l'Enfant sur son bras gauche et le donateur agenouillé aux pieds de la Vierge, à droite. L'esquisse de l'Enfant est identique à celle, antérieure, de la Madone de la collection Tadini, mais les personnages sont beaucoup plus stylisés que ceux du polyptyque de Brolio. Les fins plis du manteau et de la tunique de l'Enfant sont très purs et les deux personnages sont peints avec une rondeur et une exagération calligraphique absentes des précédentes oeuvres, en fait on ne trouve de tels traits que dans une peinture ultérieure: le triptyque de San Giovanni d'Asso (fig. 13), qui fait maintenant partie du legs Contini-Bonacossi conservé au palais Pitti de Florence.(26) Dans cette dernière oeuvre, le talent de caricaturiste d'Ugolino, émoussé en général par sa sensibilité, s'exprime pleinement. L'insistance avec laquelle l'artiste a tracé chaque ligne (drapés, boucles de cheveux, rides de la peau) atténue l'influence de Duccio. De nos jours, au palais Pitti, le triptyque de San Giovanni d'Asso, oeuvre d'Ugolino, est placé en face de la Madone de la collection Tadini, dans la même salle. Les deux compositions de la Vierge à l'Enfant, fondées sur la même esquisse et réalisées par le même artiste, sont pourtant diamétralement opposées. L'une resplendit de la grâce et de la majesté du style de Duccio et l'autre est aussi criarde qu'une oeuvre du Maître d'Ovile, vers le milieu du siècle. (27)

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