Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 7, 1983-1984

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Le berger Pâris de Jean-Germain Drouais 

par John D. Bandiera*

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*John D. Bandiera est professeur adjoint au département d'histoire de l'art de l'université Emory, à Atlanta (Géorgie).

Au cours des dernières années, on a assisté à un regain d'intérêt pour Jean-Germain Drouais (1763-1788), artiste dont l'attrait est attribuable autant par la haute qualité de son oeuvre et par son importance historique que par sa personnalité séduisante. (1) Malgré l'abrègement radical de sa carrière, Drouais a produit des oeuvres monumentales et a exercé une influence considérable sur ses contemporains. Même avant sa mort prématurée, à l'âge de vingt-quatre ans, Drouais était vénéré par les artistes, les amateurs et les critiques qui voyaient en lui le disciple le plus prometteur de Jacques-Louis David (1748-1825) et, en raison de son dédain de l'affectation et de son engagement intransigeant envers l'art, le modèle parfait de l'idéal « davidien ».

Il est attesté que Drouais était l'élève préféré de David. L'auteur de la nécrologie de Drouais, parue dans le journal de Paris, cite ces propos de David sur son ami et disciple (récemment décédé): « Je pris le parti de l'accompagner autant par attachement pour mon Art que pour la personne. Je ne pouvois plus me passer de lui, je profitois moi-même à lui donner des leçons, et les questions qu'il me faisoit seront des leçons pour ma vie. J'ai perdu mon émulation ». (2) Cela témoigne éloquemment d'un attachement à la fois professionnel et paternel et il n'est pas surprenant que David soit resté inconsolable après la disparition de Drouais, victime d'une fièvre ardente dont on attribue la cause à un excès de travail et à un manque de précautions. (3) Plusieurs années plus tard, David écrivit dans son journal inachevé: « Revenons à Drouais, le premier en date, et peut-être hélas! le premier en tout, mais la mort l'ayant atteint à l'âge de vingt-quatre ans, elle a privé la France de l'homme peut-être destiné à être cité avec Raphaël. » (4) La conviction que la mort du jeune artiste avait privé la France d'un peintre qui aurait pu devenir un second Raphaël ou un nouveau Poussin a constitué l'essence même de la mystique Drouais. De plus, le sentiment d'avoir subi une perte nationale a été rendu plus douloureux par la pathétique histoire de la disparition d'un talent prodigieux qui était sur le point de s'épanouir.

Toutefois, le romantisme de cette tragique histoire et l'attachement sans faille de David n'expliquent pas à eux seuls l'importance de Drouais à son époque et l'intérêt que lui portent actuellement les historiens de l'art. Cet intérêt tient aussi à son importance historique, à ses réalisations en peinture et au sort que lui a réservé la critique. Jean-Germain Drouais, qui était le fils de l'éminent portraitiste François-Hubert Drouais (1727 -1775), étudia brièvement avec le peintre d'histoire Nicolas-Guy Brenet (1728-1792). Toutefois, il commença son ascension fulgurante vers la célébrité comme élève de Jacques-Louis David dans le studio duquel il entra vers 1780. Il avait connu son premier succès public en 1782 avec Le retour du fils prodigue (église Saint-Roch, Paris) et fut le lauréat de facto du Grand Prix de Rome (5) de 1783 pour La résurrection du fils de la veuve de Naïm (Le Mans). En 1784, il remporta le Prix de Rome pour La cananéenne aux pieds du Christ (Louvre) et la même année il alla à Rome avec David et s'y installa comme pensionnaire à l'Académie de France. À Rome, il aida David à peindre Le serment des Horaces (selon une source, il peignit le bras de l'un des Horaces et le vêtement jaune de Sabine). (6) Après le départ de David, Drouais peignit Marius à Minturnes (Louvre), toile présentée à l'exposition annuelle des élèves en août 1786. (7) Par ses dimensions monumentales et son puissant effet dramatique, Marius à Minturnes semblait défier Le serment des Horaces tout en lui rendant hommage. Cette toile suscita auprès du public un très grand intérêt et une vive controverse (certains étaient d'avis que Drouais avait surpassé son maître, d'autres qu'il n'était qu'un imitateur servile) et elle lui apporta la célébrité internationale. À la longue, la composition et l'expression de l'oeuvre furent amplement imitées, à preuve les nombreuses peintures de salon de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècles.

À l'époque de sa mort, Drouais travaillait à un projet très ambitieux, une grande peinture intitulée Le départ de Caïus Gracchus que l'on connaît uniquement par des dessins préparatoires et une gravure de Piroli. (8) La seule oeuvre achevée après l'exposition de Marius à Minturnes est le Philoctète (Chartres). La réputation artistique de Drouais repose donc sur une poignée d'oeuvres qui mettent en relief son rôle clé dans le courant néo-classique sévère des années 1780. On a remarqué qu'avec la mort de Drouais et le fait que Peyron ait cessé d'exposer, « disparaissaient deux espoirs de la nouvelle école, laissant David seul, maître incontesté du néo-classicisme français. » (9) Si Drouais avait vécu assez longtemps pour atteindre la maturité artistique, il ne fait guère de doute qu'il aurait eu une réputation aussi grande que celle de n'importe quel autre élève de David.

L'oeuvre de Drouais n'est pas abondante. Sa carrière est assez bien documentée, mais nous ne savons pas tout sur lui. Il y a plusieurs lacunes à combler si nous voulons reconstituer et évaluer sa carrière. Son influence sur ses contemporains et sur les générations postérieures n'a pas fait l'objet d'études savantes adéquates. De plus, des centaines de dessins de l'artiste n'ont pas été catalogués ni publiés. (10) Enfin, certaines oeuvres ont disparu et l'attribution de plusieurs autres pose de réels problèmes. (11) La présente étude portera surtout sur un problème d'attribution et, concurremment, permettra de mieux apprécier l'envergure artistique de Drouais.

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