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Le berger Paris de Jean-Germain Drouais
par John D. Bandiera
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Nous connaissons maintenant l'existence d'au moins un
sujet qui n'est pas attesté dans les documents contemporains et
que Drouais a exécuté au début de son séjour
à Rome. Serait-il trop hasardé d'envisager la possibilité
qu'il yen ait eu un autre et que cet autre soit Le berger Pâris?
Je ne crois pas, puisque les preuves invoquées par les spécialistes
donnent fortement à penser que cette oeuvre est reliée aux
trois académies authentifiées de Drouais. La ressemblance
la plus manifeste est dans l'attitude. En effet, dans les quatre tableaux,
les personnages sont appuyés sur un bras, alors que l'autre bras
est plié, et des draperies sont étendues sous les personnages. (27)
Les quatre figures ont le torse élégamment courbé
et trois d'entre elles ont les jambes croisées. Est également
comparable l'angle des quatre têtes, qui semble prolonger la courbure
du corps.
On note également une grande similitude dans la composition diagonale des quatre tableaux et dans le rapport entre les
personnages et l'espace environnant: dans chaque cas, l'espace est comprimé
derrière le personnage et dilaté du côté opposé.
Cela permet d'isoler les figures (qui occupent un espace comparable par
rapport à l'ensemble) et de créer autour d'elles un espace
propre à la méditation. On notera également les similitudes
dans l'ambiance: tous les personnages sont pensifs et réservés
et les quatre toiles dégagent une impression de solennité
et de sérieux.
À cette longue liste il convient d'ajouter la similitude de
l'éclairage. En effet, dans les quatres oeuvres, les figures vivement éclairées se découpent sur un arrière-plan
plus sombre. D'autre part, le paysage nuageux et balayé par le vent
du Berger Pâris ressemble au paysage de Philoctète.
On observe également une similitude entre les tons métalliques
des draperies dans Le berger Pâris, l'Athlète mourant et Philoctète.
(Les étoffes rouge vif du Berger Pâris
ressemblent étroitement à celles de l'enfant prodigue
dans Le retour du fils prodigue, ainsi qu'au vêtement de Marius
dans Marius à Minturnes.)
Enfin, la technique picturale est analogue dans les quatre
tableaux. Ainsi, un examen attentif du traitement des pieds dans Le
berger Pâris et dans Philoctète révèle
la prédilection de l'artiste pour les tons rosés et pour
les rehauts blancs translucides sur les orteils. Dans ces deux tableaux,
la peau semble mince et tendue et laisse affleurer les veines bleuâtres.
Les nombreuses ressemblances que l'on décèle
entre Le berger Pâris et les trois académies authentifiées
de Drouais rendent certainement plus plausible la paternité de ce
dernier. Cette hypothèse est également renforcée par
un examen de l'Album Drouais qui renferme plus de 500 dessins inédits
exécutés à Rome par Drouais. (28) L'Album Drouais,
dont la provenance est à peu près certaine, fut acquis
en 1974 par le Musée de Rennes. (29) Il constitue une importante source
de renseignements au sujet des premières années du séjour
de Drouais à Rome, de ce qu'il y vit et de ce qui l'intéressa.
Il nous renseigne également sur les particularités de style
du peintre, ce qui lui confère un intérêt capital dans
l'analyse du Berger Pâris. L'album nous révèle
l'intérêt que Drouais portait au paysage, puisqu'il contient
près d'une centaine d'études de paysage dont un bon nombre
(voir fig. 5) sont très proches par l'inspiration du paysage à
l'arrière-plan du Berger Pâris. D'autres dessins
nous renseignent sur certains aspects de l'art de Drouais tels que son
traitement caractéristique des draperies. Dans le dessin numéro
186 (fig. 6) de la collection, une étude de draperie, l'étoffe
est lourde, raide et d'aspect métallique avec des plis anguleux
et de larges surfaces planes alternant avec des zones d'ombre moyennement
foncées. Encore une fois, ces particularités ressemblent
beaucoup à celles que l'on peut observer dans Le berger Pâris
ainsi que dans d'autres oeuvres de Drouais telles que le Philoctète
et l'Athlète mourant.
Le grand éventail de sujets traités
dans l'Album Drouais (copies d'oeuvres antiques, copies de tableaux
de maîtres de la Renaissance et du Baroque, paysages, etc.) révèle
que les spécialistes contemporains se font une idée beaucoup
trop étroite du tempérament artistique de Drouais. Outre
les études de sculptures antiques (par exemple, le groupe de Pergame)
qui se rapprochent par le style et l'expression de l'Athlète mourant et de
Marius à
Minturnes, il y a en d'autres
comparables par le style et l'esprit au Berger Pâris, qui
trahissent le goût de Drouais pour un classicisme plus serein et
idéalisé. Le dessin numéro 48 (fig. 7) de l'Album
Drouais représente une figure d'Apollon dont l'attitude est
très semblable à celle de Pâris: bras gauche rejeté
en arrière, bras droit étendu et jambes croisées.
Le profil, de même que la position de la tête, présentent
également une ressemblance marquée. Encore plus frappant est le traitement
du torse et des jambes, comme le manifestent la musculature soulignée
par des ombres délicates et les longues cuisses douces et lisses.
Les mêmes qualités sont en évidence dans le dessin
numéro 34 (fig. 8) qui montre également une figure d'Apollon.
Cette figure se rapproche singulièrement du Berger Pâris
par le traitement des jambes: cuisses lisses et arrondies, genou de
la jambe postérieure dessiné en forme de losange et mollet
de la même jambe qui prolonge la courbe lisse du tibia en une large
saillie angulaire. (30) Autres traits communs au Berger Pâris,
la grande économie qui caractérise l'exécution
des muscles pectoraux abdominaux, ainsi que la courbe gracieuse du torse
qui termine la crête bien définie du bassin.
Ces dessins de Drouais n'ont rien en commun avec le néo-classicisme sévère de l'art davidien des années 1780.
À la lumière de ces dessins, il n'est pas inconcevable que
Drouais se soit exercé à peindre un type de nu académique
aux contours plus harmonieux et moins dramatiques, et bon nombre des dessins
nous montrent l'intérêt qu'il portait au personnage d'Apollon
et à d'autres figures similaires. Au surplus, il n'est pas improbable
qu'il ait fait appel à ses études de figures comme celles
d'Apollon et d'autres de ce genre dans l'exécution de son académie.
Il n'empêche que Le berger Pâris ne semble pas cadrer
avec ce que Régis Michel appelait « l'univers dramatique
que révèlent les académies certifiées de Drouais », (31) car cette oeuvre n'exprime rien de l'esprit provocant et héroïque
qui se manifeste si nettement dans l'Athlète mourant et Marius à
Minturnes. (32) On peut cependant trouver une explication
à ce problème dans l'Album Drouais qui éclaire
d'un jour nouveau la chronologie des premières oeuvres de la période
romaine de l'artiste.
Deux dessins sont particulièrement utiles à
cet égard, puisqu'ils permettent d'établir un lien concret
entre Le berger Pâris et le Gladiateur assis de Rouen; ces deux dessins présentent des caractéristiques communes aux deux tableaux. Le dessin
numéro 446 (fig. 9) figure un personnage assis, la tête renversée,
qui rappelle directement le Gladiateur de Rouen (en particulier
dans la position des jambes). La présence du chien suggère
toutefois un lien avec Le berger Pâris. Le dessin numéro
147 (fig. l0) représente également une figure assise la
tête renversée, mais ici le personnage tient un bâton
de berger et tend la main (pour recevoir la pomme d'or?). Il est par conséquent
probable que Drouais s'inspira de la même série d'études
pour l'exécution de ses deux académies.
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