Père Lafrance
Le Révérend Père Lafrance, né le 26 février 1814 à Québec, était le premier prêtre résident de la paroisse de Tracadie. Il n'avait que 28 ans à son arrivée, mais il était hautement qualifié pour aider les gens dont il avait la charge. Il était né à Québec.
Il avait d'abord voulu être médecin et, avec cette idée en tête, il avait étudié la médecine pendant trois ans avant de décider qu'il serait plus heureux dans la vie religieuse. Il fut ordonné prêtre à l'île du Prince-Édouard où il était allé aider l'évêque Bernard Donald McDonald. C'est là qu'il fit la connaissance de la population acadienne.
Comme plusieurs prêtres de ces années-là, son influence sur ses paroissiens était considérable. Son biographe, Philias Bourgeois, le décrit comme un homme idéaliste, énergique et rempli de l'esprit de sa religion, quoi que trop zélé peut-être dans l'exercice de sa mission.
Même s'il était incapable de diagnostiquer la maladie, il sut en reconnaître les premières manifestation comme très graves, tant grâce à ses connaissances médicales qu'à ses propres observations. Au moins de mars 1844, sept personnes étaient mortes de la lèpre.
Le Révérend Père Lafrance se mit en campagne pour recevoir de l'aide médicale à l'intention des malades et pour contenir la maladie. Il sollicita l'aide de gens influents dans les comtés de Gloucester et Northumberland. Le docteur Alexander Key était l'un d'entre eux. Grâce aux démarches du Père Lafrance, le gouvernement de Fredericton constitua une commission médicale composée des docteurs Key, J. B. Toldervy, A. H. Skene et Robert Gordon. Le mandat de la commission était de mener officiellement une enquête sur la maladie à Tracadie et dans les régions avoisinantes, et de présenter des recommandations.
Par après, la législature provinciale nomma un Bureau de Santé dont membre étaient Joseph Cunard, George Kerr, Charles Peters et Alexander Rankin, des gens d'affaires de la Miramichi, de même que le docteur Alexander Key et le Révérend Père Lafrance. Tous étaient anglophones, à l'exception du Père Lafrance, et tous, hormis le prêtre, était originaires de Northumberland, le comté le moins affecté par la maladie.
Le Bureau de Santé avait reçu le mandat de choisir un emplacement propice pour un éventuel lazaret et on leur avait donné un certain nombre d'option. Tracadie semblait l'emplacement le plus logique puisque c'était là que se trouvait le principal foyer du mal. C'était l'emplacement que favorisait le Révérend Père Lafrance. Cet emplacement ne fut pas retenu : le Bureau aurait eu à engager un médecin résident, ce qui , aux dires des membres, ferait une dépense inutile. D'ailleurs, on n'y trouvait aucun bâtiment convenable et il faudrait en construire un.
Le Bureau opta pour l'île Sheldrake, que les Français appelaient alors l'Île-aux-Becs-Scies. Située dans la Miramichi, à environ huit milles à l'est de Chatham, l'île avait été désignée comme poste de quarantaine quelques années auparavant et les bâtiments s'y trouvaient toujours. L'île appartenait au comté de Northumberland et avait une superficie de trente-deux acres.
Le Révérend Père Lafrance n'approuva pas ce choix. L'île serait entièrement isolée du continent par temps de tempête et durant le dégel du printemps. Le prêtre y voyait un autre désavantage: les lépreux, tous Français et catholiques à ce moment, seraient privés des services d'un prêtre francophone parce que l'île était plus proche des régions surtout anglophones de la Miramichi.
Le Père Lafrance envoya une pétition au gouvernement. Il y exposait ses objections. La pétition était signée par quelque trois cents résidents du comté de Gloucester. Ses objections furent ignorées des autorités provinciales et des rénovations furent faites aux bâtiments de l'île Sheldrake pour accueillir les lépreux. La tâche de convaincre les lépreux, leurs amis et leurs familles d'aller à Sheldrake incomba au Père LaFrance et au médecin.
Le choix de l'île Sheldrake et de ses bâtiments de fortune, se révéla un échec. Enfin le Père Lafrance obtint le déménagement du Lazaret à Tracadie, en 1849. En 1852, le Père Lafrance fut transféré à Memramcook où il mourut en 26 novembre 1866.