Au
début du 20e siècle, l'industrie du bois est en plein essor. Plusieurs
compagnies opèrent à différents endroits. La Canadian Western Lumber
Co. joue alors un rôle prépondérant dans le développement de la francophonie.
Misant sur la stabilité d'une communauté réunie autour d'une église, elle
fait appel aux Canadiens-français, réputés pour leur savoir-faire en matière
de
bois et leur qualité de travailleurs. Ils arrivent par vagues à partir de 1909,
et s'établissent dans un quartier de Coquitlam qu'ils ne tardent pas à nommer
Maillardville. Véritable bastion francophone, la vie s'y organise peu à peu.
Les femmes et les hommes qui ne travaillent pas pour la compagnie répondent
à la demande croissante émanant de la communauté pour des services et commerces
locaux.
Formant
une communauté compacte, partageant les mêmes conditions de travail et de
vie, les francophones de Maillardville ont été à l'origine de mouvements
qui permirent aux communautés de progresser. Jusqu'à la fin de la première
guerre mondiale, l'industrie du bois ne connaît pas de difficultés majeures.
Les affaires fleurissent même pendant la guerre, suite à l'augmentation
de la demande de bois sur le marché mondial.
Après
la guerre arrive une période de ralentissement prévisible de l'industrie du
bois en Colombie-Britannique. La demande provenant des pays, jadis en guerre,
a chuté alors que la concurrence reprend. À cela vient s'ajouter la violente
crise de 1929, plongeant le monde dans la grande dépression des années 30.
Le
niveau de vie qui diminue de façon constante à partir du milieu des années 1920,
les relations de travail qui se détériorent rapidement poussent un grand nombre
de travailleurs à se joindre au Lumber Workers Industrial Union. Le 16
septembre 1931, la grève est votée. Femmes, enfants, tout le monde s'y met à
Maillardville, faisant de la grève l'expression communautaire d'un désir de
changement.
La
solidarité des francophones au cours des trois mois de grève et l'intervention
du ministre du travail amènent la Compagnie à faire des concessions salariales.
Le travail reprend. Malgré la morosité économique qui prévaut jusqu'à la deuxième
guerre mondiale, le calme règne. Celle-ci ramène la prospérité temporaire mais
très importante, de
l'industrie
du bois grâce à l'ouverture de marchés importants en Asie, en Europe en
plus du continent nord-américain.
Ces années de prospérité s'accompagnent de grands mouvements de population vers
les centres urbains de Vancouver et Victoria. La population francophone connut
alors une croissance sans précédent. Un certain dynamisme s'installe dans plusieurs
endroits, notamment Victoria, Vancouver, Port Alberni, New Westminster, qui
restimule l'élan communautaire.
En 1945, la Fédération des Franco-colombiens voit le jour. Le 6 avril 1946,
une caisse populaire est créée à Maillardville. Basée sur le principe solidaire
d'une caisse d'épargne, la caisse populaire permet d'emprunter à des taux plus
bas et sert d'assurance-vie, contribuant ainsi au développement de la communauté
et du sentiment communautaire. Le succès de la première caisse de Maillardville
pousse les francophones de Vancouver à ouvrir la leur en 1949. Grâce aux épargnes
qui pouvaient ensuite être canalisées vers l'habitat sous forme de prêts hypothécaires
aux membres, un nombre imposant de petits propriétaires se sont installés autour
des paroisses de Maillardville et Vancouver. De nombreuses maisons ont été bâties,
réparées, améliorées ou payées grâce au système des caisses.
Assurer une cohésion économique communautaire demande cependant un peu plus
qu'un système de redistribution active de l'épargne. Consciente de ce point,
la Fédération adopte une politique économique en 1969 basée sur la socialisation
et la coopération. La Société coopérative de Maillardville en est le fruit.
L'entreprise privée est alors un résultat et non un moteur de la politique
de développement communautaire.
En 1977, une étude comparative sur le positionnement des francophones par rapport
à la population de la province souligne le dynamisme des Franco-colombiens.
Hors Québec, ils sont les seuls avec les francophones de Terre-Neuve à avoir
une situation économique supérieure à la moyenne de la province et un taux de
chômage relativement bas.
De nombreuses initiatives locales prises par les pionniers ont imprimé le profil
économique des régions jusqu'à nos jours. Si l'on doit le développement agricole
de la vallée de l'Okanagan à un groupe de francophones, si la tradition des
ranchs autour de Kamloops descend de familles françaises, si
de nombreux hôtels et auberges étaient gérés par des francophones, si les
travailleurs de l'industrie du bois étaient principalement Canadiens-français,
il n'est toutefois pas possible d'isoler un secteur d'activité particulier
qui soit typiquement francophone au début du 20e siècle. Comme pour le reste
de la population, les francophones travaillaient là où il y avait des possibilités
: les grandes mines de cuivre et de charbon, le transport de marchandises,
les traversiers et bateaux à palettes, le chemin de fer, les services de
courrier et une foule d'activités locales.