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- Les requérants Malcom Média Inc. et Luc Lemay demandent que j'ordonne que certains documents que les procureurs de la commission proposent de déposer en preuve soient gardés confidentiels et qu'ils ne soient communiqués à personne sans la signature d'un engagement de confidentialité.
- Effectivement, la requête vise une sorte d'ordonnance de non publication à l'égard de ces documents, qui sont des états financiers d'une fiducie et des corporations dont M. Lemay fut l'âme dirigeante et actionnaire principal. M. Lemay allègue que la divulgation de ces états financiers lui causera un préjudice vis-à-vis ses compétiteurs, ses clients, ses fournisseurs et des acquéreurs potentiels de ses entreprises.
- Je n'ai aucun doute que la divulgation de cette information financière irait à l'encontre de la volonté et de l'intérêt commercial des requérants, et constituerait une violation de leur vie privée. Cependant, il s'agit ici d'une enquête publique, d'un grand intérêt pour les citoyens du Canada. La non divulgation de la situation financière des requérants dans tous ses détails priverait la population d'une source d'informations qui peut l'aider, tout comme la Commission elle-même, à mieux comprendre où sont allées les sommes d'argent déboursées par le gouvernement du Canada en forme de commandites.
- Dans Sierra Club du Canada c. Le Ministre des Finances (2002) 2RCS 522 le juge Iacobucci au paragraphe 53 de ses motifs, résume les règles à suivre lorsqu'un justiciable demande une ordonnance de confidentialité, de la façon suivante :
- Une ordonnance de confidentialité... ne doit être rendue que si :
- elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d'un litige, en l'absence d'autres options raisonnables pour écarter ce risque;
- ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l'emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d'expression qui, dans ce contexte, comprend l'intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.
- Dans les paragraphes suivants il ajoute que, pour constituer un risque sérieux pour un intérêt important, le risque doit être réel et important, en ce qu'il est bien étayé par la preuve et menace gravement l'intérêt commercial en question.
- Selon le juge Iacobucci, il ne suffit pas que l'intérêt commercial soit seulement l'intérêt de la partie qui demande l'ordonnance, mais plutôt l'intérêt public à la confidentialité.
- Cette exigence n'est pas satisfaite en l'espèce. L'intérêt public requiert une divulgation complète des états financiers en question. En plus, dans le contexte de cette commission d'enquête, il faut que la liberté d'expression, un droit fondamental, soit respectée et protégée, même aux dépens des intérêts privés, surtout des intérêts strictement commerciaux.
- Par ces motifs je rejette la requête.
__________________________________________ John H. Gomery, commissaire
Montréal, le 13 avril 2005
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