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Décision: Audience à huis clos


Cette décision concerne la demande formulée par Joseph Charles Guité pour qu'il puisse témoigner à huis clos ou, subsidiairement, que son témoignage soit interdit de publication ou, encore subsidiairement, que sa comparution soit reportée après la tenue de son procès pénal. M. Guité craint que la publicité qui entourera sa comparution devant la Commission, prévue dans les deux prochaines semaines, ne lui permette pas d'obtenir un procès équitable sur les accusations pénales dont il fait l'objet. Il dit s'attendre à ce que son procès, devant juge et jury, se tienne à Montréal aux assises de janvier, soit dans les deux à trois prochains mois.

Il y a trois facteurs à prendre en considération pour rendre une décision sur cette demande, facteurs qui n'existent normalement pas quand un témoin demande une ordonnance de non-publication ou une autre mesure similaire.

Premièrement, la Commission mène une enquête publique sur des questions d'intérêt national et il est particulièrement important que la population canadienne puisse suivre ses travaux et lire les rapports de presse concernant les témoignages recueillis, à moins de raisons particulièrement convaincantes de ne pas en autoriser le libre accès. Comme l'enquête est publique, il est plus important de ne pas limiter l'accès des médias à ses travaux que s'il s'agissait d'une enquête menée par un coroner, par exemple.

Deuxièmement, les procureurs de la Commission se sont engagés à ne pas recueillir de preuve sur les contrats qui font l'objet des charges pénales portées contre M. Guité. En conséquence, lorsqu'il comparaîtra devant la Commission, M. Guité ne sera pas tenu de dire quoi que ce soit qui puisse l'incriminer et prédisposer éventuellement un jury à le trouver coupable.

Troisièmement, M. Guité a déjà longuement témoigné devant le Comité des comptes publics de la Chambre des communes. On peut donc penser que l'impact ou la valeur choc de son témoignage devant la Commission seront amoindris. Ses déclarations ont déjà reçu une certaine publicité et, si celle-ci devait affecter la possibilité de constituer un jury impartial pour le juger, le mal est déjà fait et ne saurait être sensiblement aggravé par la répétition de ce témoignage.

Cela dit, on peut s'attendre à ce que la comparution de M. Guité devant la Commission fasse l'objet d'une intense couverture médiatique. Bon nombre de jurés potentiels auront déjà entendu parler de M. Guité et de son rôle dans la gestion du programme des commandites et des activités publicitaires du gouvernement suite à sa comparution devant la Commission. La question qui se pose à cet égard est la suivante : a-t-il démontré que cette publicité nuira tellement à ses chances d'avoir un procès équitable que des mesures devraient être prises pour l'éviter en ordonnant sa comparution à huis clos, une interdiction de publication ou le report de sa comparution à une date ultérieure ?

Selon les représentations de l'avocat du requérant, des procureurs de la Commission et des avocats des autres parties qui sont intervenues à ce sujet, je conclus que l'arrêt de la Cour suprême dans Dagenais et l'opinion exprimée par M. le juge Cory dans l'affaire Westray font jurisprudence en la matière. Je n'entends pas en faire ici l'analyse exhaustive et il serait de toute façon présomptueux de ma part de faire des commentaires à ce sujet étant donné que les règles ont été clairement établies.

Tout d'abord, la règle énoncée par le juge en chef Lamer dans Dagenais est la suivante1 :

Une ordonnance de non-publication ne doit être rendue que si:
a) elle est nécessaire pour écarter le risque réel et important que le procès soit inéquitable, vu l'absence d'autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque; et
b) ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur la libre expression de ceux qui sont touchés par l'ordonnance.


Je considère que la même règle vaut pour une demande de comparution à huis clos.

En ce qui concerne le critère de nécessité, il est établi dans la jurisprudence qu'une interdiction de publication n'est pas nécessaire s'il existe d'autres solutions raisonnables pour assurer un procès équitable à l'accusé. En l'espèce, la seule menace à un procès équitable est la possibilité que l'impartialité des jurés potentiels soit affectée par la publicité entourant le témoignage de M. Guité devant la Commission. En l'absence de preuve du contraire, je peux certainement supposer que le juge de la Cour supérieure du Québec qui sera chargé de superviser la sélection du jury dans le procès de M. Guité prendra les précautions d'usage pour s'assurer que les jurés potentiels n'ont pas de parti pris émanant de la publicité ayant précédé le procès. Tout juré potentiel qui aura pu entendre parler du rôle joué par M. Guité dans le programme des commandites et des activités publicitaires du gouvernement (et je me permets de dire qu'il est probable que certains d'entre eux n'en auront pas entendu parler, malgré la publicité qui en aura été faite) sera attentivement examiné pour déterminer s'il a ou non une opinion défavorable à l'accusé, auquel cas on peut tenir pour acquis qu'il sera interrogé pour savoir si cette opinion est tellement ferme qu'elle n'aura aucune chance d'être infléchie par la preuve que présentera la Couronne.

C'est de cette manière que les jurés potentiels ayant un parti pris sont exclus. Je suis également en droit de supposer que le juge donnera les instructions d'usage au jury, une fois celui-ci constitué, sur le fait qu'il doit juger l'affaire en fonction de la preuve avancée durant le procès et non pas en fonction de ce qu'il aurait pu entendre ailleurs. Finalement, je crois être aussi en droit de penser que les jurés écouteront attentivement et respecteront les instructions du juge. Autrement dit, j'estime que la procédure habituelle concernant le choix d'un jury impartial et la communication d'instructions durant le procès de M. Guité offrent une autre solution raisonnable qu'il réclame, ce qui évite l'entrave à la liberté d'expression que causerait inévitablement une audience à huis clos ou une ordonnance de non-publication.

Ce que je viens d'exposer suffit à mon sens pour rendre une décision sur la requête, mais je souhaite formuler une autre remarque sur cette question, en réponse aux représentations vigoureuses de plusieurs avocats au sujet du fardeau de la preuve qui incombe à toute personne demandant une interdiction de publication et, encore plus, à toute personne demandant la mesure encore plus draconienne que constitue une audience à huis clos. M. le juge Cory a abordé cette question de la manière suivante dans l'affaire Westray2 :

  1. Ceux qui demandent au tribunal d'interdire la publication des témoignages ont la charge de démontrer la nécessité d'une telle ordonnance. C'est-à-dire qu'ils doivent démontrer que la publication de la preuve aura pour effet de porter atteinte de manière irréparable à l'impartialité des futurs jurés ou de miner la présomption d'innocence à un point tel qu'il sera impossible de tenir un procès équitable. Avant d'accorder une réparation pour préserver le droit à un procès équitable, le tribunal doit disposer d'une preuve satisfaisante du lien entre la publicité et son effet préjudiciable.
  2. L'évaluation de l'effet de la publicité sur le droit à un procès équitable doit tenir compte du contexte des garanties existantes que comporte le mode de sélection des jurés. La nature et la portée de la publicité doivent aussi être prises en considération.
  3. Le requérant qui sollicite l'interdiction doit établir qu'il n'existe aucune autre solution permettant de prévenir le préjudice que l'interdiction cherche à prévenir.

En l'espèce, la seule preuve avancée par le requérant est que les questions ayant donné lieu à la création de l'enquête et le rôle joué par M. Guité dans ce contexte ont suscité et continueront probablement de susciter une vaste couverture médiatique. Absolument aucune preuve n'a été fournie sur l'effet que cette publicité a eu ou pourrait avoir sur l'état d'esprit et l'opinion des jurés potentiels, et rien n'indique que leur impartialité a été ou pourrait être atteinte de manière irréparable. M. Auger soutient que cette absence de preuve peut être compensée par le recours au bon sens. Toutefois, je ne saurais dire que mon propre bon sens, aiguisé dans une certaine mesure par mon expérience de magistrat ayant présidé un certain nombre de procès avec jury, m'amène à conclure que l'état d'esprit et l'opinion des jurés peuvent être si facilement influencés par les médias qu'ils en perdent irrémédiablement toute aptitude à juger de la culpabilité ou de l'innocence d'un accusé en fonction de la preuve présentée durant un procès criminel plutôt qu'en fonction de ce qu'ils voient et entendent à la télévision et dans les journaux. Quoi qu'il en soit, et nonobstant mes opinions et mon expérience personnelles, ainsi que ce que j'aime à considérer comme mon simple bon sens, M. Guité ne s'est tout simplement acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait de démontrer la possibilité, et encore moins la probabilité, d'un parti pris résultant de la publicité, quelle que soit son degré.

En ce qui concerne le recours moindre du report à une date ultérieure de la comparution de M. Guité, après la tenue de son procès pénal, les indications disponibles à l'heure actuelle sont que son procès ne débutera pas avant janvier 2005 et durera de quatre à six semaines. Sur le plan pratique, si j'accédais à sa demande de report, cela voudrait dire qu'il ne témoignerait pas avant février 2005, alors que la phase 1A de l'enquête serait totalement terminée ou presque. Cela fausserait complètement la présentation de la preuve telle que l'ont envisagée les procureurs de la Commission et rendrait difficile, voire impossible, l'obtention de manière logique de la preuve des autres témoins qui ont eu des relations de travail avec M. Guité. Certes, M. Guité a des droits à défendre, mais les autres parties aussi possèdent des droits et des intérêts dont la défense exige qu'elles et les procureurs de la Commission sachent à l'avance ce que M. Guité a à dire de ses relations de travail avec elles. Quelles que soient les circonstances, je partage l'argument de M. Finkelstein voulant que tout report de la comparution de M. Guité constituerait une ingérence inacceptable dans la présentation cohérente de la preuve devant la Commission, et une ingérence injustifiée en regard du préjudice que pourrait éventuellement lui causer la publicité précédant son procès. Comme je l'ai déjà dit, je ne suis pas convaincu que ce préjudice éventuel soit irréparable ni ne puisse être évité par d'autres méthodes, comme une sélection attentive du jury.

Pour ces raisons, la requête de M. Guité est rejetée.


John H. Gomery
__________________________________________
John H. Gomery, commissaire


Ottawa, le 28 octobre 2004

1Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835.
2Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97.

Mise à jour: 2005-6-13 Avis importants

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