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RELIGIEUSES

Propagation

Hospice Saint-Joseph, Lac La Biche, 12 avril 1875


Lettre à la sœur Charlebois, Directrice adjointe
Hôpital Général, Montréal


Très chère sœur Directrice adjointe,

J'ai reçu votre courte lettre, datée du 16 décembre, avec le courrier du 2 mars. J'ai lu et relu vos mots réconfortants avec de tels sentiments de gratitude que des larmes coulaient sur mon visage. Mon cœur battait tellement rapidement car pour la première fois de ma vie je me trouve dans une position où nous avons tellement besoin de l'aide pour laquelle vous nous donnez espoir en ce moment.

Chère mère, les mots ne peuvent exprimer les sentiments que votre dévotion maternelle inspire dans nos cœurs. Laissez-moi vous dire, notre affection pour vous ne pourrait être plus grande mais vous avez maintenant accru les raisons de l'immense gratitude que nous vous tenons dans nos cœurs.

Vous m'avez demandé de décrire notre chère mission et ce souhait est un ordre auquel je dois obéir. Je crains, cependant, que vous ne regrettiez de m'avoir demandé ces détails, car ils sont bien sinistres.

Depuis mon arrivée au Lac La Biche, le bon seigneur nous a fait traverser diverses épreuves. Le gel arrivé tôt a détruit nos moissons; la maladie nous a rendu visite à plusieurs occasions et d'autres événements extraordinaires et imprévus ont tous concouru à nous ramener pratiquement à la mendicité. Heureusement que sa Grâce, l'évêque Grandin, soit parvenu à nous aider à temps, car nous aurions souffert terriblement.

Vous connaissez ce vénérable prélat. Nous ne pourrions jamais adéquatement décrire la bonté qu'il nous a montrée. Cet Saint évêque a fait de tels sacrifices afin de nous offrir de l'aide!

Il y a eu beaucoup de changements depuis votre visite au Lac La Biche, comme je vous l'ai déjà mentionné dans les lettres précédentes. C'est l'aube d'une nouvelle ère! De bonnes choses arrivent quoique sur une petite échelle à cause de notre pauvreté extrême. Nous avons actuellement quatorze pauvres petites filles et un orphelin, ainsi que cinq pensionnaires et quelques élèves de temps en temps pendant le jour. Tout l'hiver nous avons accueilli de petites filles afin de les préparer à leur première communion; nous avons été forcées de les mettre dans la cuisine et, cela va de soi, les pauvres cuisiniers se retrouvaient dans une drôle de position. Si seulement nous avions assez d'espace pour loger ces pauvres petits enfants ruraux, nous aurions les moyens de les transformer en de fervents chrétiens.

Après s'être rendu compte de l'environnement dégradant dans lequel de nombreuses petites filles ont été élevées, l'on ne peut que pousser un soupir de soulagement quand on les entend exprimer leur souhait compréhensible de devenir chrétiennes. Ah, comme nous souffrons, ne pouvant pas offrir de l'aide dans de telles situations malheureuses!

L'une des croix les plus lourdes que nos missionnaires doivent porter est celle de regarder tant d'âmes, qui ont été payées par le sang de Jésus Christ notre sauveur, sombrer dans les profondeurs du désespoir alors qu'un peu de charité pourrait nous aider à empêcher que de telles difficultés ne surgissent. Même s'ils dépendent de nous, nous utilisons toutes nos ressources pour soulager les plus négligés. Cet hiver, pour commencer, nous avons recruté les trois femmes les plus âgées et les plus sages des tribus sauvages voisines pour les aider à obtenir la grâce de Dieu par le saint baptême. L'un des Révérends pères leur rendait visite plusieurs fois par jour pour célébrer le catéchisme en cree.

Le salon ou l'entrée servait de salle, de dortoir, de réfectoire, de laverie, etc. Elles gardaient toujours leur petit fourneau chaud; quand le bois était enflammé, elles ouvraient grand la porte pour écouter le feu crépiter; cela prenait peu de temps avant que la maison ne soit remplie de fumée et nos chers sauvages étaient choqués quand nous leur demandions de fermer la porte du fourneau ne comprenant pas que quelque chose de si délicieux puisse nous incommoder.

Le 9 mars, celle à qui sa communauté manquait le plus a été baptisée avant de partir. On lui a donné le nom baptismal de Marie; son nom sauvage était Wiyasi Kiepehùsk. Grâce à leur ténacité et à leur tempérament heureux, nos deux autres sauvages, avec la grâce du baptême, participaient à l'eucharistie du dimanche où leur comportement pouvait servir d'exemple à tous les chrétiens. Nous étions simplement éclairées par leur ferveur angélique; un rayon merveilleux a illuminé leurs corps décrépits. Nous étions simplement heureuses de les regarder.

Ah, ceci était notre récompense pour les ennuis qu'ils nous avaient causés sans le savoir! En partageant avec nous certains événements de leurs vies, elles ont expliqué : « nous avons toujours demandé au grand esprit de nous montrer le juste chemin à suivre. Il nous a maintenant entendu et jamais plus nous ne causerons de torts ». Elles nous ont laissés et sont retournés à la maison le 6 avril. Les adieux étaient touchants; il m'était douloureux de les voir quitter la mission et elles aussi se sentaient tristes. Leurs noms étaient Marie-Rose Otenaskamikapiû et Marie-Adèle, descendante de Gladu, nom qu'elle emploie. Nous n'avons jamais su son nom sauvage.

Laissez-moi à nouveau vous parler de nos chers enfants. Tous nos espoirs dans l'avenir résident dans la croissance de ces petites semences. Notre joyeux et intéressant groupe est composé d'une Canadienne, de onze Cree-Canadiens métis, de trois Porter-Canadiens (sauvages des montagnes Rocheuses), de Métis, d'un Porter-Américain métis et de trois petits sauvages crees. Plusieurs de ces bons enfants lisent très bien en français et en anglais, écrivent passablement bien et sont assez bons en arithmétique de base. En particulier, deux petites filles crees se distinguent de par leurs talents remarquables.

Catherine Kakékamic a été avec nous seulement vingt mois; quand nous l'avons accueilli ici, pour la première fois, elle était pitoyable; à sept ans, elle n'était pas plus grande qu'une enfant de trois ans et elle avait souffert un traitement si terrible qu'elle ne pouvait pas comprendre un mot de français. Aujourd'hui, cette petite peut correctement lire le français, elle a commencé à compter et à écrire et elle sait toutes ses prières en français et quelques-unes en latin. Sa petite sœur, Angélique, qui a cinq ans et est avec nous depuis octobre passé, orthographie très bien dans son cahier de travail et récite toute seule la prière du Seigneur, le « je vous salue Marie » et le symbole des apôtres. L'autre jour, le Révérend père Leduc supervisait les examens des enfants et il ne pouvait à peine en croire ses yeux ni ses oreilles. Vraiment, ces pauvres enfants ruraux ne manquent ni de talent, ni d'esprit, ni de cœur, mais plutôt seulement de culture. Ah, si seulement nous avions les ressources, quel bien nous pourrions faire!

Le 4 avril, cinq de nos étudiants ont fait leur première communion. C'était beau et touchante que de les voir. Cette journée-là, il y avait vingt-deux premières communions en tout y compris nos deux chers vieux sauvages et une femme protestante qui avait renoncé à son ancienne foi quelques jours plus tôt. J'ai oublié de vous dire avant que cette pensionnaire protestante est ici depuis dix-huit mois et, après avoir renoncé au protestantisme, elle a été baptisée en ce beau jour de Noël et a eu le bonheur de recevoir sa première communion le jour de l'Ascension. Elle dit qu'elle veut passer le reste de sa vie ici; son frère, quoique protestant, la laissera rester ici aussi longtemps qu'elle le désire.


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