Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 3, 1979-1980

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La Sainte Catherine d'Alexandrie 
de Simone Martini: un retable orviétan
et la théologie mystique de saint Bonaventure

par Joel Brink

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Per mirar Policleto a prova fiso,
congli altri ch'ebber lama di quell'arte,
ill'anni, non vedrian la minor parte
celle beltà che m'ave il cor conquiso;

ma certo il mio Simon jù in paradiso,
onde questa gentil Donna si parte;
ivi la vide e la ritrasse in carte,
per far fede qua giù del suo bel viso.

L'opra jù ben di quelle che nel cielo
si ponno imaginar; non qui fra noi,
ove le membra fanno a l'alma velo...
(1)

Quand Pétrarque (1304-1374) écrivit ces lignes à propos du portrait de Laure réalisé par Simone Martini (v. 1284-1344), le poète et moraliste humaniste attirait l'attention sur le nom du peintre et louait pour les générations de lettrés à venir les qualités intrinsèques de ses créations. Tout aussi importants sont les éloges personnels de Pétrarque à l'endroit du peintre, inscrits dans la marge de son Pline ou sur le frontispice enluminé préparé par Simone pour la copie du poète du Commentaire sur Virgile de Servius Honoratus à la veille de son couronnement à Rome. Dans son exemplaire du Pline, Pétrarque compare favorablement son peintre et ami à Apelle (IVe siècle) qui, d'après Pline, pouvait s'adresser sur un pied d'égalité à Alexandre le Grand (356-323). (Hec fùit et Symoni nostro Senensi uper iocundissima). Et sur l'enluminure, Pétrarque fait l'éloge de Virgile (70-19) et de Simone dans un couplet rimé où il les désigne comme deux artistes italiens créateurs faisant le pont entre la Rome antique et le monde contemporain. (Mantua Virgilium Qui Talia Carmina Finxit / Sena Tulit Symonem Digito Qui Talia Pinxit). (2) Pour Pétrarque, la renommée de l'artiste siennois venait de la beauté enchanteresse de ses créations que le poète humaniste pouvait si bien percevoir et exprimer en vers; cependant, le destin en jugea autrement et les biographes postérieurs, en particulier l'influent Giorgio Vasari (1511-1574), attribuèrent la renommée de Simone aux écrits de Pétrarque plutôt qu'aux créations du peintre. Vasari fait observer que les sonnets de Pétrarque « ont conféré plus de renommée à la pauvre vie de Maître Simone que toutes ses propres oeuvres l'ont jamais fait ou le feront jamais, puisqu'elles devront un jour périr...[ trad.] ». (3)

Malheureusement, le portrait de dame Laure a péri et nous pouvons remercier Pétrarque d'en avoir conservé vivant le souvenir par quelques vers inspirés. La renommée de Simone de Sienne se perpétue grâce au grand nombre de ses chefs-d'oeuvre qui ont survécu, dont certains n'étaient pas connus de Vasari ou n'ont été retrouvés que récemment. Comme le septième centenaire de la naissance de Simone approche (1984), un certain nombre des oeuvres les plus remarquables du peintre provoquent un renouveau d'intérêt chez les chercheurs. L'un de ces tableaux, qui est effectivement l'un des exemples vraiment exquis du génie artistique de Simone, se trouve aujourd'hui à la Galerie nationale du Canada (fig. 1). La martyre couronnée, probablement sainte Catherine d'Alexandrie, est également digne d'éloges poétiques: sa grâce féminine et son charme décoratif préservent indubitablement sous forme tangible les mêmes qualités sublimes qui, à l'origine, avaient inspiré les émouvants sonnets de Pétrarque sur le portrait de Laure. Ce tableau est l'un des plus chers trésors de la collection européenne de la Galerie nationale, une des quelques rares oeuvres en Amérique du Nord à être à coup sûr de la main du grand maître siennois.

Bien que connu depuis assez longtemps, (4) le tableau n'a malheureusement pas attiré l'attention minutieuse qu'il mérite chez les chercheurs et, par conséquent, des données physiques, iconographiques et historiques importantes relatives à sa forme, à son contexte et à son sens originaux n'ont pas encore été recueillies de façon satisfaisante. La Sainte Catherine d'Alexandrie et les panneaux auxquels elle était rattachée à l'origine formaient un tableau innovateur composite qui reflétait les préoccupations intellectuelles et spirituelles des mécènes qui l'avaient commandé. Tout comme les autres grandes oeuvres d'art de Simone, le tableau composite constitue un document propre à jeter de la lumière sur l'histoire des idées durant la dernière partie du Moyen Age italien.

C'est en 1956 que la Galerie nationale a fait l'acquisition de ce tableau, figurant dans la Collection Liechtenstein à Vienne. Antérieurement, à la fin du XIXe siècle pour plus de précision, l'oeuvre se trouvait chez le marchand Stefano Bardini à Florence où, semble-t-il, elle a été restaurée sous sa forme actuelle. Une vieille photographie de la Collection Federico Zeri (fig. 2) montre l'état matériel du tableau au temps où il appartenait à Bardini, ce qui aide à déterminer quelles parties de la surface dorée et peinte ont été renouvelées à cette époque. L'auréole de la sainte, par exemple, était gravement endommagée et une bonne partie de la dorure à la feuille a été remplacée, y compris les motifs en creux qu'on a réussi à faire sur le modèle des originaux conservés. Outre certaines restaurations mineures à la pointe gauche de l'arc et à la bordure décorative du vêtement de dessus, le reste de la dorure se trouve en parfait état, notamment le fond, la couronne constellée de pierreries, la broche en forme de croix encerclée et la pointe droite de l'arc avec son étoile distinctive à six branches. La photographie prise avant la restauration (voir fig. 2) révèle aussi que le manteau retombant sur le bras droit de la sainte a été presque entièrement repeint, et que les doigts de la main droite, la paume de la martyre et certaines parties du vêtement intérieur ont été remplacés partiellement. Par contre, la main gauche du personnage est inchangée et la tête et le cou admirables de sainte Catherine n'ont pas été touchés par la restauration. Étant donné les effets désastreux du nettoyage et de la restauration qui ont gâché d'autres panneaux semblables du XIVe siècle italien, le tableau de la Galerie nationale du Canada a survécu en excellent état et demeure une des oeuvres représentatives du maître Simone Martini.

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