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La Sainte Catherine d'Alexandrie
de Simone Martini: un retable
orviétan
et la théologie mystique de saint Bonaventure
par Joel Brink
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Per mirar Policleto a prova fiso,
congli altri ch'ebber lama di quell'arte,
ill'anni, non vedrian
la minor parte
celle beltà che m'ave il cor conquiso;
ma certo il mio Simon jù in paradiso,
onde questa gentil Donna si parte;
ivi la vide e la ritrasse in carte,
per far fede qua giù del suo bel viso.
L'opra jù ben di quelle che nel cielo
si ponno imaginar; non qui
fra noi,
ove le membra fanno a l'alma velo... (1)
Quand Pétrarque (1304-1374) écrivit ces lignes à propos du portrait de Laure
réalisé par Simone Martini (v. 1284-1344), le poète
et moraliste humaniste attirait l'attention sur le nom du peintre et louait
pour les générations de lettrés à venir les
qualités intrinsèques de ses créations. Tout aussi
importants sont les éloges personnels de Pétrarque à
l'endroit du peintre, inscrits dans la marge de son Pline ou sur le frontispice
enluminé préparé par Simone pour la copie du poète
du Commentaire sur Virgile de Servius Honoratus à la veille de son
couronnement à Rome. Dans son exemplaire du Pline, Pétrarque
compare favorablement son peintre et ami à Apelle (IVe siècle)
qui, d'après Pline, pouvait s'adresser sur un pied d'égalité
à Alexandre le Grand (356-323). (Hec fùit et Symoni
nostro Senensi uper iocundissima). Et sur l'enluminure, Pétrarque
fait l'éloge de Virgile (70-19) et de Simone dans un couplet
rimé où il les désigne comme deux artistes italiens
créateurs faisant le pont entre la Rome antique et le monde contemporain.
(Mantua Virgilium Qui Talia Carmina Finxit / Sena Tulit Symonem Digito
Qui Talia Pinxit). (2)
Pour Pétrarque, la renommée de l'artiste
siennois venait de la beauté enchanteresse de ses créations
que le poète humaniste pouvait si bien percevoir et exprimer en
vers; cependant, le destin en jugea autrement et les biographes postérieurs,
en particulier l'influent Giorgio Vasari (1511-1574), attribuèrent
la renommée de Simone aux écrits de Pétrarque plutôt
qu'aux créations du peintre. Vasari fait observer que les sonnets
de Pétrarque « ont conféré plus de renommée
à la pauvre vie de Maître Simone que toutes ses propres oeuvres
l'ont jamais fait ou le feront jamais, puisqu'elles devront un jour périr...[
trad.] ». (3)
Malheureusement, le portrait de dame Laure a péri et
nous pouvons remercier Pétrarque d'en avoir conservé vivant
le souvenir par quelques vers inspirés. La renommée de Simone
de Sienne se perpétue grâce au grand nombre de ses chefs-d'oeuvre
qui ont survécu, dont certains n'étaient pas connus de Vasari
ou n'ont été retrouvés que récemment. Comme
le septième centenaire de la naissance de Simone approche
(1984), un certain nombre des oeuvres les plus remarquables du peintre
provoquent un renouveau d'intérêt chez les chercheurs. L'un
de ces tableaux, qui est effectivement l'un des exemples vraiment exquis
du génie artistique de Simone, se trouve aujourd'hui à la
Galerie nationale du Canada (fig. 1). La martyre couronnée, probablement
sainte Catherine d'Alexandrie, est également digne d'éloges
poétiques: sa grâce féminine et son charme décoratif
préservent indubitablement sous forme tangible les mêmes qualités
sublimes qui, à l'origine, avaient inspiré les émouvants
sonnets de Pétrarque sur le portrait de Laure. Ce tableau est l'un
des plus chers trésors de la collection européenne de la
Galerie nationale, une des quelques rares oeuvres en Amérique
du Nord à être à coup sûr de la main du grand
maître siennois.
Bien que connu depuis assez longtemps, (4) le tableau n'a malheureusement pas attiré l'attention minutieuse qu'il mérite
chez les chercheurs et, par conséquent, des données physiques,
iconographiques et historiques importantes relatives à sa forme,
à son contexte et à son sens originaux n'ont pas encore
été recueillies de façon satisfaisante. La Sainte
Catherine d'Alexandrie et les panneaux auxquels elle était rattachée
à l'origine formaient un tableau innovateur composite qui reflétait
les préoccupations intellectuelles et spirituelles des mécènes
qui l'avaient commandé. Tout comme les autres grandes oeuvres
d'art de Simone, le tableau composite constitue un document propre à
jeter de la lumière sur l'histoire des idées durant la dernière
partie du Moyen Age italien.
C'est en 1956 que la Galerie nationale a fait l'acquisition
de ce tableau, figurant dans la Collection Liechtenstein à Vienne.
Antérieurement, à la fin du XIXe siècle pour plus
de précision, l'oeuvre se trouvait chez le marchand Stefano Bardini
à Florence où, semble-t-il, elle a été restaurée
sous sa forme actuelle. Une vieille photographie de la Collection Federico
Zeri (fig. 2) montre l'état matériel du tableau au temps
où il appartenait à Bardini, ce qui aide à déterminer
quelles parties de la surface dorée et peinte ont été
renouvelées à cette époque. L'auréole de la
sainte, par exemple, était gravement endommagée et une
bonne partie de la dorure à la feuille a été remplacée,
y compris les motifs en creux qu'on a réussi à faire sur
le modèle des originaux conservés. Outre certaines restaurations
mineures à la pointe gauche de l'arc et à la bordure décorative
du vêtement de dessus, le reste de la dorure se trouve en parfait
état, notamment le fond, la couronne constellée de pierreries,
la broche en forme de croix encerclée et la pointe droite de l'arc
avec son étoile distinctive à six branches. La photographie
prise avant la restauration (voir fig. 2) révèle aussi que
le manteau retombant sur le bras droit de la sainte a été
presque entièrement repeint, et que les doigts de la main droite,
la paume de la martyre et certaines parties du vêtement intérieur
ont été remplacés partiellement. Par contre, la main
gauche du personnage est inchangée et la tête et le cou admirables
de sainte Catherine n'ont pas été touchés par la restauration.
Étant donné les effets désastreux du nettoyage et de la restauration
qui ont gâché d'autres panneaux semblables du XIVe siècle
italien, le tableau de la Galerie nationale du Canada a survécu
en excellent état et demeure une des oeuvres représentatives
du maître Simone Martini.
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