Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 3, 1979-1980

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La Sainte Catherine d'Alexandrie 
de Simone Martini: un retable orviétan
et la théologie mystique de saint Bonaventure

par Joel Brink

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Passant de la surface peinte et dorée à la superstructure en bois, il y a lieu de faire quelques observations concernant le rognage et la restauration du support menuisé du tableau. L'examen de l'arrière et des côtés du panneau a révélé que le cadre basal de même que les deux cadres latéraux, du bas jusqu'à la naissance de l'arc, sont des adjonctions tardives. Dans des assemblages comparables, le menuisier de Simone rattachait toujours le cadre basal à la surface picturale du support et, par conséquent, l'enlèvement du cadre exposait une langue de bois nu qu'il fallait également retirer.

Il est également évident qu'au moment où le cadre basal et son support ont été coupés, une partie du champ peint, notamment le bout des doigts de la sainte, a été amputée. (Comparez le personnage de ce tableau à celui du tableau du Isabella Stewart Gardner Museum de Boston illustré à la figure 3.) Les nouveaux cadres latéraux de largeur conforme à celle du cadre en arc original ont été fixés à la surface du panneau à l'endroit où se trouvaient autrefois d'étroites colonnettes, coupant ainsi une partie de la paume de la martyre et réduisant de ce fait la largeur de la surface peintes. En outre, une mince tranche de bois encore insérée dans le rebord supérieur du cadre en arc, allant du départ au sommet sans interruption révèle que le panneau avait à l'origine été couronné d'un pinacle et peut-être d'un écoinçon interposé. Les menuiseries de Simone comportaient souvent trois couches et, dans certains cas, lorsqu'un pinacle devait être placé au-dessus d'un champ arcadé, une couche distincte de bois de même forme que le pinacle était coupée et fixée à la surface du support. Pour rendre harmonieuse la transition entre le support et le rebord de la couche du pinacle, le cadre en arc était conçu de façon à ce que la bordure inférieure du pinacle puisse être dissimulée en l'insérant dans sa moulure supérieure. Plus tard, quand le panneau fut coupé le long du sommet de l'arc, la partie de la couche du pinacle qui s'insérait dans le cadre d'arc fut préservée.

La forme du pinacle perdu peut avoir ressemblé à celle, triangulaire, des panneaux de style similaire du polyptique Gardner (fig. 3). Cependant, d'après d'autres indices, le panneau du pinacle au-dessus du tableau d'Ottawa aurait été d'une conception encore plus complexe. On peut le conclure en comparant le panneau à l'un des autres panneaux originaux du retable, puisque la Sainte Catherine d'Alexandrie avait été prévue à l'origine comme partie intégrante d'un plan micro-architectural plus complexe. L'ensemble complet appelé retable ou tabernacle aurait ressemblé en miniature à une façade d'église gothique de l'époque avec ses volets, ses pinacles et ses puits de maçonnerie tous façonnés et proportionnés avec soin. Et généralement, le retable aurait constitué pour l'observateur un objet de contemplation, la macro-architecture de l'intérieur de l'église ou de la chapelle servant d'arrière-plan.

Avec son atelier, Simone Martini a produit à Orvieto, peu après 1320, au moins quatre retables à volets: un pour les Dominicains, un autre peut-être pour les Augustins et deux tableaux qu'on a rattachés aux Franciscains. (6) L'un des tableaux franciscains ressemble de façon frappante à la Sainte Catherine d'Alexandrie. Autrefois le volet central d'un retable, il représente une Madone et Enfant avec le Rédempteur et des Anges (fig. 4) et fait partie de la collection du Musée de l'oeuvre du Dôme, à Orvieto. On soupçonne en fait qu'il aurait pu être le volet central d'un retable dont le tableau d'Ottawa aurait été l'un des panneaux latéraux. (7) Mis à part le cadre serpentin plus tardif qui entoure actuellement le tableau et quelques lacunes et restaurations mineures, la Madone d'Orvieto est en bon état physique. Comme pour le tableau d'Ottawa, elle a perdu son cadre basal et son support et la mince couche d'écoinçon (qui la retient au support et s'allonge vers le haut pour créer le champ du pinacle) a été coupée à l'endroit où elle se rattachait à la corniche horizontale d'origine; aujourd'hui, le cadre moderne remplit cette échancrure. (8) La forme menuisée du panneau, notamment ses écoinçons décorés et son pinacle ouvragé à trois pignons, distingue cette oeuvre des autres retables de l'époque.

Des données techniques probantes renforcent la communauté d'origine et de cadre physique des panneaux d'Ottawa et d'Orvieto. Les motifs en creux dans les pointes de l'arc, qui consistent en étoiles à six branches à expansion géométrique, sont à peu près identiques dans les deux oeuvres d'art (fig. 5). Les motifs en creux et la technique pointilliste utilisés pour la bordure décorative du manteau de la Vierge sont également identiques à ceux de sainte Catherine. En outre, les deux personnages, la Madone et sainte Catherine, se ressemblent étroitement, tant par le style que par l'exécution (fig. 6 et 7): le gracieux mouvement des têtes, le traitement subtil de la physionomie et la chevelure légèrement flottante, subtilement révélée sous le voile de la Vierge dans le tableau d'Orvieto - chacun de ces détails est étroitement apparenté dans les deux tableaux. Enfin, les proportions géométriquement similaires, suivant la formule employée dans les autres retables de Simone, (9) permettent également de confirmer que les tableaux faisaient à l'origine partie intégrante du même retable. La pose et le regard de sainte Catherine indiquent que le panneau d'Ottawa se trouvait à la gauche de celui d'Orvieto et, à en juger d'après l'évolution générale du retable siennois au début du XIVe siècle italien, il est probable que les volets latéraux reproduisaient le dessin du panneau central avec des médaillons dans les écoinçons, une corniche horizontale et un pinacle à trois pignons au-dessus. (10)

Ceci nous amène à nous demander de quoi aurait eu l'air le retable orviétan complet. Il est peu probable (comme l'affirme C. de Benedictis) (11) que les deux tableaux de la Collection Berenson représentant sainte Lucie et sainte Catherine aient fait partie de l'ensemble original. Sans compter le problème de placer deux images de sainte Catherine dans la partie latérale du même retable, on peut difficilement faire s'harmoniser les motifs en creux et l'exécution technique de la dorure. De même, on peut difficilement reconnaître la main de Maître Simone dans l'un ou l'autre des deux tableaux endommagés. Alors que, dans les panneaux d'Orvieto et d'Ottawa, la physionomie et l'articulation gracieuse des personnages ont les mêmes qualités raffinées que les personnages féminins du polyptyque de Pise ou dù retable Gardner (voir fig. 3) récemment nettoyé, les deux tableaux de la Collection Berenson sont beaucoup moins réussis au point de vue stylistique, et l'on ne devrait pas les considérer comme ayant fait partie du retable orviétan original. En outre, la conception innovatrice à trois pignons et l'importance spéciale accordée au pinacle du panneau d'Orvieto semble indiquer que le retable original n'aurait pas été plus qu'un triptyque.

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