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La
Sainte Catherine d'Alexandrie
de Simone Martini: un retable orviétan
et la théologie mystique de saint Bonaventure
par Joel Brink
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La répétition du champ de pinacle
innovateur deux ou trois fois de chaque côté du panneau central
produirait un retable gauche par rapport au degré d'excellence visé
par Simone en matière de conception. Il est également vrai
que la majorité des tableaux d'autel de la dernière partie
du XIXe siècle qui imitent la nouvelle disposition de pinacle
de Simone, comme celui de Bartolo di Fredi à la Galerie nationale
de l'Ombrie à Pérouse (fig. 8), sont en forme de triptyque. (12)
Il est donc raisonnable d'avancer (et l'iconographie du tableau soutient
cette hypothèse) que le retable produit par Simone Martini pour
les Franciscains d'Orvieto avait été conçu à
l'origine comme un triptyque comportant un pinacle à trois pignons
au-dessus de chaque volet (fig. 9). À l'heure actuelle, on ne connaît
pas de panneau qui aurait pu servir de volet de tiroite, de sorte qu'on
ignore l'identité du saint ou de la sainte faisant pendant à
sainte Catherine.
À en juger d'après la menuiserie du retable bien
préservé de Simone à Pise (fig. 10), on peut admettre
que les volets du triptyque orviétan aient été unifiés
structurellement par quatre puits de maçonnerie continus partant
du dessus du cadre basal et rejoignant les bordures du support entre chacun
des volets. Les puits latéraux auraient constitué les cadres
latéraux du retable, et les colonnettes auraient été
insérées à côté de ces éléments
verticaux suivant une conception voisine de celle du polyptyque de Pise
et du trône de la Maestà du Palais Public (fig. 11).
Par sa structure, ce magnifique trône doré proclame le style
gothique dans sa plénitude et la lucidité introduits par
Simone Martini dans la conception du retable toscan au début du
XIVe siècle italien. L'élégante architecture du trône
céleste de la Vierge se trouve reproduite dans la menuiserie du
polyptyque de Pise et, à n'en pas douter, doit avoir caractérisé
la présentation générale des retables du maître
à Orvieto. Cela vaut certainement pour le polyptyque démonté
de Boston, (13) lequel a été dépouillé de son
cadre d'origine, de même que pour le retable des Dominicains au musée
de la cathédrale d'Orvieto.
La caractéristique du triptyque reconstitué
qui le distingue des autres retables de l'époque est la nouvelle
forme du pinacle, sa taille et son importance plus considérables
par rapport au champ arcadé au-dessous. On peut admettre que cette
disposition avait été dictée par les exigences du
programme des mécènes franciscains, de sorte qu'il faut considérer
maintenant les problèmes iconographiques posés par le tableau.
Passant de la menuiserie à l'iconographie du retable,
on est d'emblée frappé par l'imagerie aussi riche qu'à peine explorée
du volet central à Orvieto. Simone Martini n'a présenté
dans aucun autre tableau d'autel un tel type didactique et dogmatique du
Christ-Enfant (fig. 12). Installé dans les bras de sa mère
comme sur un trône, le Christ-Enfant fixe intensément l'observateur,
montrant du doigt avec autorité un rouleau portant une inscription.
Le Christ, comme s'il voulait dire « Ecoute ces paroles »,
semble vouloir entreprendre un enseignement qui s'étend à
partir du texte jusque dans les niveaux supérieurs du tableau. La
citation de la Bible inscrite sur le rouleau provient de l'Évangile
selon saint Jean (XIV; 6) qui rapporte la réponse célèbre
du Christ à la question de l'apôtre Thomas pendant son dernier
discours: « Seigneur, nous ne savons même pas où tu
vas. Comment pourrions-nous en connaître le chemin? » Et le
Christ de répondre: « Ego sum via, veritas et vita » (Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie). Avec son expression
grave et son index pointé, l'Enfant-Jésus semble insister
sur la nature de sa mission envers l'humanité: Il est la seule voie
de salut et, par conséquent, la seule voie vers le Père aux cieux.
(14)
L'iconographie est tout aussi intéressante dans les panneaux
supérieurs (voir fig. 4). Au-dessus de la corniche dans le pinacle
apparaît le Rédempteur, une main levée dans un geste de bénédiction
et l'autre tenant un livre fermé. Dans les champs à pignon
plus petits se trouvent deux anges portant chacun des attributs particuliers.
L'ange de gauche, tourné vers le Rédempteur, tient deux chandelles
allumées (fig. 13), alors que l'ange de droite est représenté
de face, couronné de laurier et montre un livre ouvert (fig. 14).
Les deux zones picturales, supérieure et inférieure, sont
réunies par deux médaillons portant des anges identiques
(fig. 15 et 16): l'un et l'autre tiennent le sceptre et l'orbe d'or et
un trône vide, drapé, est placé devant eux. Alors que
chacun de ces anges est représenté avec deux paires d'ailes,
ceux qui se trouvent au-dessus, dans le pinacle, semblent en avoir trois
paires, lumineuses et à peine visibles du côté gauche
et clairement accusées contre le fond or avec du gris-bleuâtre
du côté droit. De même, l'ange de droite dans le pinacle
porte un type de vêtement liturgique de couleur bleu froid, tandis
que l'ange de gauche est représenté couvert d'un drapé
flottant d'un rose chaud. Les anges sont identifiés par des inscriptions
peintes en lettres noires partiellement masquées: sous les deux
anges dans les deux médaillons, le mot TRONE (trône)
et, juste sous la corniche de gauche, - RAP - YM (séraphin),
le mot CERUB-M (chérubin) étant placé sous
l'ange porteur du livre ouvert. Entre ces identifications, juste sous le
Rédempteur se trouve l'inscription ALPH- & O (Alpha et
Oméga) de l'Apocalypse. (15)
Cette disposition des anges a ceci de particulier et d'unique
que les trônes, chérubins et séraphins, qui forment
le plus élevé des trois ordres de la hiérarchie céleste,
ne sont pour ainsi dire jamais présentés ensemble de cette
façon dans un retable du centre de l'Italie à cette époque.
Le fait que le peintre les a si méticuleusement distingués
l'un de l'autre par la pose, la couleur et les attributs, et les a même
identifiés par des inscriptions mène inéluctablement
à la conclusion qu'un programme précis de dogme religieux
comprenant probablement les trois ordres de la hiérarchie angélique
au complet faisait partie de l'oeuvre d'art originelle. Dans cette disposition
iconographique (fig. 17), les deux ordres inférieurs d'anges auraient
été placés dans les médaillons et pinacles
perdus des volets latéraux. On peut admettre
que le premier ordre, notamment les anges, archanges et principautés
se trouvait au-dessus de la Sainte Catherine d'Alexandrie d'Ottawa, (16)
et que l'ordre intermédiaire, celui des puissances, des vertus et
des dominations se trouvait placé au-dessus du saint ou de la sainte
inconnu(e) du panneau droit du Aretable.
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