Depuis
l'arrivée des pionniers et jusqu'en 1969, la culture est, en alliance avec la
langue, perçue comme un outil capital de la survie de l'identité francophone.
Folklorique, populaire ou plus élitiste, sans subventions si ce n'est une aide
ponctuelle du Québec, elle était avant tout l'expression d'une communauté qui
ne veut ni se dissoudre, ni perdre ses racines.
La réalité des minorités francophones est totalement transformée en 1969
avec l'adoption de la Loi sur les langues officielles. Les francophones
de la Colombie-Britannique en obtiennent deux choses: d'abord, la reconnaissance
et la protection de leur langue au niveau de la société et des institutions;
ensuite, l'apparition de l'Action socioculturelle du Secrétariat d'État
et l'arrivée de subventions substantielles pour la création d'associations
et d'événements culturels.
Une manifestation importante de ce nouveau mandat d'Action socioculturelle
réside dans la mise en place du programme d'animation sociale, lancé en
1972. L'animation sociale est alors perçue comme un moyen d'inciter les
groupes minoritaires de langue officielle à élucider et résoudre leurs problèmes
sociaux et culturels. Pour l'année 1972-1973, la Fédération des Franco-colombiens
reçoit 40 000 dollars de subventions de la part du Secrétariat d'état.
Mais les subventions ne se limitent pas à la Fédération. Tout au long des années
1970, la francophonie de la Colombie-Britannique est en ébullition.
De nombreux centres culturels communautaires, dont la mission est de promouvoir
la langue et la culture françaises, sont fondés au cours de cette période
: Kamloops, Okanagan, Nanaimo, Cambell-River, Powell-River et celui de la vallée
de Comox, permettant ainsi à la francophonie de se régionaliser. Les francophones
habitant hors des grands pôles que sont Victoria et Vancouver sont enfin dotés
d'au moins un organisme qui leur permet de ne plus vivre isolés, mais de se
rassembler pour parler leur langue et organiser des événements culturels.
Le
Centre culturel francophone de Vancouver ouvre ses portes en 1975. Maillardville
se dote d'un Conseil central Franco-Maillardville, ancêtre de l'actuelle
Société Maillardville-Uni, et organise la Franco-Fête à l'occasion de la
Saint-Jean-Baptiste, qui devient très vite un événement culturel populaire.
À la même époque apparaît
la première chaîne de télévision en français en Colombie-Britannique :
Radio-Canada télévision commence à émettre de Vancouver en septembre 1976.
Avec une programmation mixte de Vancouver et Montréal, elle aussi joue
un rôle important dans la diffusion de la culture francophone et même
de la production. La programmation locale sert à faire le lien entre les
différentes communautés francophones de Colombie-Britannique et permet
à différents artistes locaux de faire parler d'eux.
Outre les centres culturels, des associations plus spécifiques voient
le jour. Le Théâtre La Seizième présente sa première pièce en 1974. Il
prend le relais de la troupe Molière pour représenter le théâtre francophone
en Colombie-Britannique. Musique et danses canadiennes-françaises sont,
elles aussi, peu à peu représentées. La chorale «Les Échos du Pacifique»
est fondée en 1973 à Maillardville. Depuis 1980, les Danseurs du Pacifique
proposent des spectacles de danses traditionnelles, faisant par là même
la promotion de la culture canadienne-francaise.
Ces
années d'ébullition voient, de plus, l'organisation des premiers festivals
francophones. La Franco-Fête à Maillardville, déjà mentionnée précédemment,
existe de 1974 à 1981. Plus tard, le Festival Francophone remporte un succès
identique. Enfin, la célébration du 75e anniversaire de Maillardville en
1984, rendue possible grâce à l'aide conjointe de la municipalité de Coquitlam,
du Secrétariat d'État, et du gouvernement provincial, s'inscrit, elle aussi,
dans la lignée des subventions accordées aux francophones pour que vive
leur culture.
Avec l'organisation de festivals, la culture francophone «descend
dans la rue»; elle s'expose et s'ouvre aux autres communautés culturelles
présentes en Colombie-Britannique. Les troupes et artistes individuels qui
s'y produisent étendent leur cercle d'action. Ceci concorde avec la vague
francophile qui touche le Canada entier. Certains événements culturels attirent
finalement plus d'anglophones que de francophones.
Parallèlement, la culture se démocratise et se «professionnalise».
D'une activité sociale et communautaire, elle devient un secteur professionnel
à part entière; le nombre d'artistes professionnels augmente. La culture
en tant que secteur est en pleine expansion. Subventionnée, elle devient
accessible à un public de plus en plus large.
Le cadre procuré par la Loi sur les langues officielles de 1969, en justifiant
les actions des francophones pour la reconnaissance de leurs droits, a donc
marqué un tournant. La reconnaissance officielle du français, les subventions
découlant du mandat de l 'Action socio-culturelle du Secrétariat d'état et du
dynamisme de revendication des associations existantes telle la Fédération des
Franco-colombiens, l'implantation progressive de la Société Radio-Canada
ont permis aux francophones de la province de sortir progressivement de leur
isolement culturel. La culture francophone, finalement reconnue, renforcée et
dotée de moyens, change dans son implémentation et son rayon d'action. Si elle
a toujours comme but initial de réunir les francophones et d'exprimer leur identité,
les événements culturels organisés sont moins folkloriques. Ils représentent
une culture actuelle qui se base sur des créations contemporaines et regarde
vers l'avenir, et accueillent volontiers tous les francophiles de la province.