Pour
pouvoir étudier l'histoire et la position actuelle de la radio et de la télévision
en français en Colombie-Britannique, il faut se pencher sur l'histoire des médias
au Canada, plus particulièrement sur celle de la Société Radio-Canada.
Radiodiffuseur public national, la SRC est créée le 2 novembre 1936 par une
loi du Parlement du Canada. Elle a la mission de tisser des liens entre les
Canadiens d'un océan à l'autre, malgré les distances, les réalités géographiques,
les différences entre générations et les barrières linguistiques. Responsable
de sa gestion devant le Parlement par l'entremise du Patrimoine canadien auquel
elle remet un rapport annuel sur ses activités, elle est actuellement régie
par la Loi sur la radiodiffusion de 1991 et soumise aux règlements du
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, en abrégé
le CRTC.
À l'origine, la SRC avait la responsabilité de fournir un service de radiodiffusion
national au Canada. Elle produisait et diffusait, mais réglementait également.
En 1957, la Commission Fowler recommande que la réglementation ne relève
plus de la SRC, mais plutôt d'un organisme indépendant. II faut attendre
11 années et plusieurs rapports de Commissions pour qu'une Loi sur la
radiodiffusion soit adoptée en 1968. Celle-ci, entre autres, confirme
le mandat de Radio-Canada comme diffuseur national, réitère une vision du
système de radiodiffusion comme un moyen de renforcer la structure culturelle,
sociale et économique du Canada et crée le Conseil de la Radio-télévision
canadienne (CRC), nouvel organisme chargé de la réglementation et de l'attribution
des permis (couvrant la câblodistribution) qui deviendra le CRTC, en 1976.
En 1991, le Parlement actualise la Loi sur la radiodiffusion : «la
programmation de la SRC doit rendre compte de la diversité régionale du
pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux
besoins particuliers des régions.»
La présence de la SRC en Colombie-Britannique remonte au 1er décembre 1967,
jour où la station française de la SRC est inaugurée à Vancouver. Disons
le tout de suite, en plus d'être dans la région située la plus à l'ouest
du Canada et donc une des moins accessibles pour la SRC, les francophones
de Colombie-Britannique sont largement minoritaires et dispersés. Ils devront
donc, dans leurs actes de revendication, faire face au double défi de l'éloignement
régional et de la position de minorité linguistique. L'avènement de Radio-Canada
à Vancouver n'est d'ailleurs pas le fruit du hasard mais bien le résultat
d'un travail acharné de la Fédération, des associations locales et autres
citoyens qui n'ont cessé de harceler Radio-Canada et le gouvernement par
leurs pétitions, revendications et réclamations. Le simple fait de devoir
recourir à de tels moyens pour qu'un droit acquis soit respecté met en lumière,
dès le départ, le contexte ardu dans lequel les franco-colombiens devront
évoluer pour qu'ils soient, progressivement eux aussi, reliés entre eux
par les services de radio et de télévision publiques dans leur langue.
Dès les premières années, CBUF-FM 97.7 rencontre un succès important. La programmation
est un mélange d'émissions en provenance de Montréal et
d'émissions
produites à Vancouver. Petit à petit, le réseau de réémetteur est installé
pour que les communautés francophones des régions de la Colombie-Britannique
soient rejointes. Très vite cependant, un vent de protestation se lève.
La programmation est remise en question. Le Soleil du 14 août 1970
demande : Radio-Canada ou Radio-Québec ? Le journaliste Jean Brat précise
: «de vraies émissions internationales et nationales et plus d'émissions
locales, correspondant à des besoins précis, répondraient bien mieux à la
vocation de Radio-Canada, chargée de promouvoir le fait français de la côte
de l'Atlantique à celle du Pacifique et non pas seulement sur les bords
du Saint-Laurent.»
La
couverture en régions laisse, elle aussi, de nombreux insatisfaits. Elle se
construit très lentement. En 1973, la station de Chilliwack est inaugurée, suivie
de celles de Kitimat, Terrace et Prince George, Kamloops et Kelowna en 1979.
C'est seulement en 1984 que Port Alberni reçoit son propre émetteur alors que
Victoria ne dispose toujours pas du sien ! Les francophones de ces régions avaient
déjà accès aux services de la SRC,
mais
sur le câble. Certaines communautés francophones ont une très mauvaise réception
du signal alors que les francophones de l'est de la province captent le
signal de Montréal et non de Vancouver, posant des problèmes de pertinence
des grilles horaires.
En
1988, la Fédération remet un mémoire au Comité d'étude de la SRC, prônant une
plus grande autonomie et des moyens financiers plus importants pour les postes
régionaux, de sorte que ceux-ci soient à-même d'établir une programmation qui
corresponde aux besoins des franco-colombiens. Radio-Canada invoque les problèmes
liés aux dimensions de la province.
En février 1990, l'étude des besoins des francophones hors Québec en
matière
de radio publique et de langue française est publiée. Elle met en lumière le
défi technologique de faire rayonner la radio francophone sur un si vaste continent
et ré-énonce le rôle des stations régionales. Celles-ci ont la double mission
de refléter leur environnement immédiat et celui des sous-régions qu'elles desservent
par l'entremise des antennes de Radio-Canada, ainsi que de participer, au niveau
régional, à la mission globale de la radio nationale qui est de créer un lien
d'un bout à l'autre du continent canadien. Selon la consultation, le premier
rôle de la radio francophone hors Québec serait de freiner l'assimilation.
Dans la lignée du
débat sur le mandat de la SRC, le Parlement amende la Loi sur la radiodiffusion
en 1991, confirmant l'importance du rôle régional de la Société : «La
programmation de la Société Radio-Canada doit tenir compte de la diversité
régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en
répondant aux besoins particuliers des régions.»
Pour
les franco-colombiens, la régionalisation de la SRC est encore d'actualité en
1995 quand le ministre des finances annonce que le gouvernement procèdera à
un examen fondamental de
l'aide qu'il accorde à la SRC. La FFCB soulève les mêmes points que précédemment.
Les nouvelles restrictions budgétaires annoncées en 1996 suscitent une opposition
violente au sein de la communauté de la Colombie-Britannique. Les coupures prévues
pour la radio atteignent 40% du budget et les quelques émissions régionales
sont en danger. Heureusement, l'injection de ressources financières permet à
la radio locale de conserver sa programmation régionale.
Seule
radio de langue française en Colombie-Britannique, la SRC joue un rôle primordial
pour le développement et la vitalité de la communauté francophone. Conscientes
de ce rôle, faisant face à d'importantes difficultés techniques et des moyens
financiers restreints, les équipes de
CBUF-FM
97.7 font leur possible pour répondre aux demandes des communautés francophones
de la province. Les émissions locales sont programmées aux heures de grande
écoute. Le reste du temps, l'antenne est occupée par des émissions envoyées
de Montréal et stockées pour être diffusées à une heure pertinente.