La
situation de la chaîne de télévision francophone provinciale paraît
encore plus scabreuse. Le démarrage de la station de télévision de Vancouver
connaît des débuts houleux. En février 1976 a lieu la «bataille»
de la télévision francophone; cinq députés fédéraux mènent une violente
opposition au lancement d'une station de télévision de langue française
à Vancouver, le 26 septembre 1976.
La tout premier bulletin de nouvelles régionales, Édition Pacifique,
fit son apparition sur les ondes de CBUFT le 8 novembre 1976 à 22h53. La
majorité de l'équipe de production des nouvelles régionales télévisées venaient
de la salle des nouvelles radio. Trois années plus tard a lieu l'inauguration
des services français de la SRC dans les régions de Kitimat, Terrace et
Prince George. Les dimensions de la province posent cependant certains problèmes
en matière de télévision. Outre l'acheminement du signal, comme c'est le
cas pour la radio, Radio-Canada ne peut pas fréquemment se déplacer en régions
avec des équipes de production pour y faire des reportages.
À
cette époque, la programmation régionale se résume en une émission quotidienne
de nouvelles régionales et le tout nouveau magasine hebdomadaire «À
l'Ouest de l'actualité», plus quelques participations à des émissions
de réseau national.
La crise budgétaire touche la télévision beaucoup plus tôt que la
radio. Les années 80 connaissent déjà une réduction importante des fonds affectés
par la SRC à la production régionale.
Malgré cela, Radio-Canada inaugure la télévision française à Chilliwack
en avril 1981, touchant ainsi près des deux tiers de la population francophone
de Colombie-Britannique. Six municipalités sont encore privées des services
de la SRC : Kitimat, Port Alberni, Comox, Powell River et Victoria, qui,
selon le «plan accéléré» d'installation d'émetteurs, devraient
être desservies dans les trois années qui suivent. Les obstacles essentiels
à ce développement rapide sont les difficultés financières de la SRC, mais
aussi les problèmes techniques de fréquence : il ne faut pas brouiller les
postes anglais !
En 1985, le rapport sur l'avenir de la télévision francophone fait état
des revendications des Canadiens français de l'Ouest. Les récriminations
portées à la radio sont encore plus aiguës dans le cas de la télévision.
On désire une programmation qui ne soit pas québécoise et qui comprenne
un minimum d'information régionale. Les représentants des francophones suggèrent
l'intervention du CRTC pour que celui-ci force les câblodistributeurs à
distribuer aux abonnés les canaux francophones existants, demandent des
fonds pour mettre en place une production régionale, suggèrent la décentralisation
de Radio-Canada de sorte que les stations régionales soient plus indépendantes
dans leurs choix de programmation et réclament qu'une attention particulière
soit portée aux jeunes. Il s'agit de desservir les communautés francophones
qui ont le droit d'être informées et diverties dans leur langue, mais aussi
de lutter contre l'envahissement des produits anglophones et freiner l'assimilation.
Tout au long des années 90, les coupures de budget continuent. En 1991, la SRC
réagit en fermant des stations régionales de télévision. Les franco-colombiens,
ralliés derrière leur fédération porte-parole, descendent dans la rue et manifestent
pour sauver leur station et leurs émissions. Un grand débat sur le rôle régional
de la SRC naît. D'un côté, les minorités francophones, avec le CRTC, sont consternées
du brusque repli des sommes allouées aux régions. Le CRTC conclut que la SRC
devra réallouer des ressources importantes à ses sections provinciales si elle
veut continuer à pouvoir clamer avec justesse qu'elle est enracinée dans ses
régions. D'un autre côté, on crie à l'abandon du mandat régional de la Société,
suggérant qu'elle réalloue ses budgets pour devenir un service national uniquement,
mais de premier ordre. Inutile de le préciser, le service local et régional
est
bien trop nécessaire à chacune des communautés, au reflet de la diversité canadienne
et à l'avenir même de la SRC pour qu'elle y renonce. Il est, à cette époque,
le seul service de télévision en français disponible dans l'Ouest du Canada
et donc l'institution culturelle française la plus importante de leur région.
En
1994 naît la controverse RDI, le Réseau d'information de Radio-Canada,
premier service d'information complet en français, offert 24 heures par jour
et sept jours sur sept aux abonnés du câble. La SRC a en effet demandé au CRTC
une licence de distribution du signal au service de base dans les marchés francophones
et une distribution au service discrétionnaire dans les marchés anglophones,
se basant sur le bon vouloir des câblodistributeurs (Shaw cablesystem
et Rogers cablesystem en C.-B.) de distribuer le service dans les marchés
anglophones.
De
nouvelles secousses budgétaires sont annoncées par la SRC en septembre 1996.
Les franco-colombiens risquent d'y laisser leur seul bulletin de nouvelles quotidien
(Ce Soir) produit localement. De nouveau, ils se rallient et défendent leur
cause pour apprendre avec soulagement,
quatre mois plus
tard, que leur émission est sauvée. En plus des freins techniques et budgétaires
auxquels font continuellement face les francophones des régions pour être
mieux représentés et desservis en programmes francophones, ils dépendent
encore du «bon vouloir» des câblodistributeurs. Souvent trop
minoritaires pour représenter un marché intéressant et la technologie
analogique ne permettant qu'un nombre «limité» de chaînes,
ils ne faisaient pas le poids face à la distribution d'une chaîne américaine
supplémentaire.
En
juin 1997, la SRC passe à la technologie numérique à l'échelle nationale. Nouveau
mode de transmission auquel les câblodistributeurs doivent s'adapter. Afin d'assurer
la retransmission du signal national de la télévision et de la radio française
de la SRC en Colombie-Britannique, Shaw cablesystems devait se munir
d'un appareillage spécial. À défaut de se
procurer ce dispositif
dans les Kootenays, Shaw a tout simplement cessé de diffuser le
signal français de la SRC. La Fédération intervient auprès de Shaw
et de la CRTC. Le signal est à nouveau diffusé dans les Kootenays, mais
pas au nord de la province.
La situation de la télévision française en région n'est pas plus simple que
celle de la radio. En plus de la chaîne de Radio-Canada, deux autres programmes
en français sont maintenant disponibles gratuitement. Depuis le 12 mai 1992,
dans le cadre d'un accord national avec TV5 et suite aux pressions du ministère
des télécommunications sur Rogers, la chaîne francophone internationale
est disponible sans supplément sur le canal 35. Shaw offre déjà le
même service depuis deux années. TV5 Québec-Canada diffuse une sélection d'émissions
des chaînes de télévisions française, suisse, belge, africaine et canadienne.
La plus grande partie de la programmation, environ 60%, est consacrée à l'information.
Mais surtout, Radio-Canada télévision et le CRTC annoncent en février
1999 que la distribution nationale du réseau francophone TVA est rendue
obligatoire à partir du 1er mai. Tous les câblodistributeurs doivent maintenant
offrir la chaîne privée dans leurs services de base, c'est-à-dire sans
frais additionnels. Depuis 1997, TVA demandait au CRTC d'obtenir le statut
de réseau national. Le plus important télédiffuseur privé de langue française
du continent voulait permettre aux francophones et francophiles du Canada
d'avoir accès à une nouvelle source de divertissement et d'information.