Même
embellie par Arthur de Gobineau, il est clair que la vie n'était
pas rose. Si le capitaine et le docteur - qui disposaient chacun
d'une maison - avaient le temps de fumer la pipe et de jouer aux
cartes, il n'en était pas de même pour les pêcheurs
et, pire encore, pour les graviers.
La vie de ces travailleurs ne peut que s'imaginer
bien imparfaitement aujourd'hui. Le travail commençait très
tôt - alors qu'il faisait encore nuit au début de la
saison - et ne se terminait que la nuit revenue. On mangeait médiocrement,
même si la présence de quelques jardins, de bétail
et d'une boulangerie laisse entendre qu'à l'île Rouge
on ne connaissait pas les conditions désastreuses de la majorité
des établissements de pêche français. La présence
à demeure d'un médecin - qui bien souvent avait le
titre mais pas l'expérience - garantissait également
que les blessures et les maladies communes aux pêcheurs -
accidents de pêche, panaris et autres infections causées
par les couteaux ou les hameçons, pleurésies ou pneumonies
- pouvaient être traitées adéquatement.
Les
cabanes accrochées le long de la falaise n'étaient
que des huttes de bois debout où l'air circulait librement
et où le poudrin des dernières tempêtes
de printemps entrait par tous les interstices. Deux ou trois paillasses
jetées sur des cadres de bois, c'est tout.
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