Cyrille Roy est né le 15 juillet 1894 à St-Anselme (Québec). Ses parents, Napoléon Roy et Henriette Girard, virent leur benjamin les quitter pour l'Ouest canadien alors qu'il était âgé d'à peine 17 ans. Cyrille allait ainsi rejoindre son frère Alfred qui l'attendait impatiemment à Grouard.
Cyrille arriva en Alberta le 27 juillet 1912. Responsables du freightage sur le lac des Esclaves, Alfred et Cyrille passèrent l'hiver 1912-1913 à la mission de Grouard. Mais ils n'avaient pas l'intention d'y rester très longtemps, préférant aller plus au nord pour y cultiver une terre. Ils choisirent de s'installer à Falher et partirent de Grouard au printemps 1913. Ayant besoin d'outils et de matériel pour défricher et cultiver leurs terres, les frères Roy durent faire un léger détour par Athabasca Landing où ils achetèrent un team de boeufs, un wagon, une sleigh, des herses, un disque, une charrue et 18 minots de grain de semence. Puis, après une semaine de voyage, ils arrivèrent finalement à Falher.
Au début, Cyrille eut beaucoup de difficulté à s'adapter à son nouvel environnement et souffrit également de l'isolement, de l'ennui et du rare voisinage. À quelques reprises, il se demanda même s'il avait pris la bonne décision en quittant famille, amis et village du Québec pour venir dans l'Ouest canadien. Son désespoir était à son paroxysme lorsqu'il écrivit ceci à sa mère : « J'étais désappointé. Je pensais trouver des gens, mais il y en avait pas. Jamais qu'on va voir un char dans ce pays-icitte. » Les maringouins furent également une source de contrariété. Envahissant régulièrement leur shack, Cyrille et Alfred devaient faire de la boucane pour les y faire sortir. Mais le moral revint au beau fixe lorsque Cyrille commença à travailler sa terre. L'ennui s'envola soudainement, Cyrille étant très occupé à défricher son homestead complètement recouvert d'arbres.
Cyrille avait une façon particulière de travailler. Chaque jour, il se traçait un morceau de grobbage et n'allait se coucher qu'une fois l'ouvrage terminé. Le travail consistait à couper les saules avec une hache, à les ramasser à la main pour en faire des tas auxquels Cyrille mettait ensuite le feu. Son ardeur et son entêtement ne furent pas vains. Il fut vite récompensé puisqu'à l'été 1915, ayant rempli toutes les conditions exigées par le gouvernement, il obtint afin son titre de propriété. Son homestead fut le premier à être patenté. Débrouillard et travaillant, Cyrille se faisait un honneur d'être le premier en tout et partout.
Par contre, Cyrille ne gagnait pas beaucoup d'argent. Pour se nourrir, il allait souvent s'asseoir sur une souche dans un slough pour attendre les canards et d'un seul coup de douze (les cartouches coûtant très cher à l'époque), il en tuait assez pour la journée. Cependant, une fois l'hiver arrivé, Cyrille se trouvait un petit emploi :
- Hiver 1913-14 : Arpentage du chemin de fer;
- Hiver 1914-15 : Sortir des « logues » sur la petite montagne au sud de Donnelly.
- Hiver 1915-16 : Travail sur des fermes en Saskatchewan. Il y demeura pendant près de trois ans.
- Hiver 1918-19 : Travail dans les mines de Rockenby Mines à Grand Fort, en Colombie-Britannique.
Puis après plus de deux ans d'absence, Cyrille revint enfin à Falher pour faire les récoltes. Au printemps 1920, sachant qu'il ne retournerait jamais au Québec, il commença la construction de sa première maison faite de bois équarri à la hache. Il entreprit également l'élevage des animaux. Il se préparait ainsi à accueillir sa bien-aimée Annette Hébert (née le 14 février 1903) qu'il avait rencontrée peu de temps auparavant au presbytère de Falher. Annette y travaillait alors comme servante.
Malheureusement, Annette dut partir pour St-Paul, sa mère ayant besoin d'elle. Pendant deux ans, ils laissèrent mûrir leur amour en se fréquentant et surtout en correspondant. Puis un beau jour de 1922, voyant sa fille se morfondre d'amour, Cécile Hébert leur accorda finalement la permission de se marier. Le mariage eut lieu le 18 avril 1922 et leur union fut bénie par le Révérend Père Alfred Ouellette.
Ensemble, Cyrille et Annette connurent une vie très heureuse, s'encourageant et s'entraidant l'un l'autre. Ils n'hésitaient jamais à se partager le travail. Cyrille s'occupait généralement du train, c'est-à-dire du soin des animaux, et Annette du ménage et de la comptabilité. Cette dernière travaillait également au champ lorsque son époux était épuisé. À son tour, pour la remercier, Cyrille engageait une fille de ménage. Mais Annette avait parfois de la difficulté à aider Cyrille au moment des récoltes, ce dernier travaillant souvent à contre-courant. Il ne prenait jamais la manière la plus facile pour arriver à son but. Par exemple, durant la guerre, Cyrille avait l'habitude de couper les récoltes avec deux binders installés à l'arrière d'un seul tracteur. Et pendant la crise mondiale, même si la twine était de très mauvaise qualité et se cassait souvent, Cyrille continuait à l'utiliser..
Ces désagréments ne l'empêchèrent point de réussir. Il s'acharnait au travail, le succès dans sa vie étant essentiel et assurant, selon lui, la sécurité et le bien-être de sa famille. Cyrille croyait également que le progrès technique amenait inévitablement la prospérité. Pour cette raison, sa ferme fut toujours un exemple parfait de modernité à un point tel que de nombreux agronomes vinrent le consulter afin d'enrichir leurs théories et tirer profit de ses judicieux conseils. En 1951, son travail fut une fois de plus récompensé; il fut nommé candidat au titre de « Maître Fermier ».
Durant toute leur vie active, Cyrille et Annette ont énormément contribué au développement social de leur communauté et ont été membres de plusieurs organisations paroissiales. Cyrille a été directeur de la Coopérative de Falher, de la Chambre de commerce, moniteur du Club 4-H, membre fondateur du Wheat Pool, directeur et président de Falher Livestock Marketing Co-op et un ardent participant de l'Association des fermiers unis ainsi que de l'Action rurale. Quant à Annette, elle fit partie, entre autres, des Femmes d'Autels, des Dames fermières, des Dames de Sainte-Anne, de l'Action rurale, de l'Action catholique et de la Société d'expositions agricoles.
Cyrille et Annette (décédée le 29 novembre 1965 à 62 ans) n'eurent que trois enfants :
- Henriette née le 4 mai 1930;
- Guy né le 3 juillet 1932;
- René né le 18 janvier 1936.
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