II
LES ORIGINES DE LA RESPONSABILITÉ INDIVIDUELLE
Le pouvoir et la Constitution
Sur le plan constitutionnel, le pouvoir de l’État émane de la
Couronne et, en règle générale, il ne peut être exercé que par la
Couronne ou en son nom. Le gouvernement parlementaire et ministériel a
pour objet de garantir que le pouvoir est exercé de façon responsable
par la Couronne et par ses conseillers.
Les pouvoirs de la Couronne se divisent en deux catégories: ceux qui
émanent de la Couronne au Parlement et ceux qui émanent de ses
prérogatives. Les pouvoirs que la Couronne exerce en vertu des lois
écrites lui sont conférés par l’autorité législative, à savoir la
Couronne au Parlement. Les pouvoirs découlant des prérogatives ont leur
origine dans les anciens pouvoirs coutumiers du roi, qui font maintenant
partie de la common law et (au même titre que les pouvoirs
conférés par les lois) sont soumis à l’interprétation des tribunaux.
1 La Couronne les exerce cependant sans se référer au
Parlement.
À l’époque féodale, tous les pouvoirs de la Couronne provenaient
théoriquement de ses prérogatives. Le roi exerçait non seulement le
pouvoir exécutif, mais encore ce qui est devenu par la suite le pouvoir
législatif (en particulier, le pouvoir de lever des impôts et de
dépenser) de même que le pouvoir judiciaire, par l’intermédiaire de
ses tribunaux.
L’évolution du gouvernement parlementaire a limité l’exercice des
prérogatives, en les soumettant graduellement à la primauté du pouvoir
légal de façon à substituer le pouvoir de la Couronne au Parlement au
pouvoir de la Couronne individuelle. Ce processus a rendu la Couronne
responsable de l’exercice de son pouvoir envers le Parlement. La
Couronne continue d’exercer son pouvoir législatif, mais avec l’approbation
du Parlement. De même, bien qu’elle continue de présider les tribunaux,
elle est tenue d’exercer sa fonction judiciaire par l’intermédiaire d’une
magistrature indépendante. C’est ainsi qu’en rendant la Couronne «constitutionnelle»,
on a progressivement réduit ses prérogatives tout en soumettant les
prérogatives résiduelles à l’interprétation des tribunaux. I1 y a
lieu de noter cependant que, tout au long de ce processus, I’exercice du
pouvoir entrait dans les attributions de la Couronne, et l’exercice du
pouvoir par la Couronne sur les conseils des ministres responsables
constitue la base de la responsabilité constitutionnelle touchant l’exercice
du pouvoir dans le système que nous connaissons aujourd’hui.2
L’exercice responsable du pouvoir
Au Moyen Age, la Couronne se servait des revenus produits par ses biens
domaniaux et ses fiefs pour subvenir aux frais de l’État. I1 n’existait
aucun système fiscal qui l’aurait obligé à consulter la noblesse ou
le peuple. Le gouvernement n’avait qu’une portée limitée mais il
existait néanmoins un concept bien défini de responsabilité, selon
lequel il incombait à la Couronne d’assurer la direction du royaume, et
dès le début, les hommes les plus importants du royaume la conseillaient
sur son administration. La notion de gouvernement assuré par le «roi en
conseil» remonte à la conquête normande.
Les rois ne pouvaient cependant pas financer les guerres avec leurs
biens domaniaux et les dépenses de guerre ont donné lieu à la levée d’impôts
extraordinaires en sus de la taille traditionnelle. L’ impôt a créé
un état de tension entre la Couronne et la noblesse, tension qui a abouti
à ce premier jalon de la responsabilité constitutionnelle, la Magna
Carta, qui assujettit pour la première fois les impôts levés par la
Couronne au consentement préalable de ceux qui doivent les payer. Vers le
XIIIe siècle, la société en est arrivée à un stade d’évolution
tel que les impôts ont commencé à frapper directement une nouvelle
classe d’aristocratie terrienne et de bourgeoisie qui était tout aussi
avisée que la noblesse et qui, selon le principe établi par la Magna
Carta, devait elle aussi consentir à ces impôts. La constitution d’une
assemblée du tiers état, qui devait accorder pareil consentement, a
donné lieu à la structure essentielle du Parlement tel que nous le
connaissons aujourd’hui, à savoir la Couronne, la Chambre haute et la
Chambre des communes.
Ce n’est cependant qu’au moment du conflit constitutionnel du XVIIe
siècle qu’ont été prises les principales mesures visant à consacrer
la responsabilité du «gouvernement» à la Chambre des communes,
principe qui a été clairement énoncé (mais non pas toujours observé)
dans la constitution vers la fin du XVIIIe siècle. La lutte
qui, au XVIIe siècle, a opposé le tiers état à la Couronne
n’était pas qualitativement différente de celle qui avait opposé la
Couronne à la noblesse au XIIIe siècle: l’une comme l’autre
avait pour objet de forcer la Couronne à exercer son pouvoir de façon
responsable.
L’affaiblissement de la noblesse durant la longue période de
discordes civiles qui a précédé l’avènement des Tudor a été suivi
d’une réaffirmation vigoureuse du pouvoir de la Couronne, qui a atteint
son apogée sous le règne de Charles I. Le principe de responsabilité
que la noblesse avait imposé à la Couronne au Moyen Age a perdu du
terrain en même temps que la puissance de la noblesse, et au XVIIe
siècle, il a cédé la place au dogme du «droit divin du souverain»
auquel souscrivaient les Stuart. Vers le milieu du XVIIe siècle, la
nouvelle classe de marchands et l’aristocratie terrienne, l’une et l’autre
appartenant au tiers état, limitaient les pouvoirs de la Couronne tout en
constituant sa principale source de revenus. L’imposition de taxes à ce
groupe sans son consentement et la perception de ces impôts en-dehors des
formes légales ont occasionné la grande lutte entre la Couronne et le
tiers état.3 Cette lutte, qui a vu la suprême punition de l’irresponsabilité
personnelle dans l’exercice du pouvoir, à savoir l’exécution d’un
roi, a établi la tradition de la responsabilité ministérielle devant la
Chambre des communes.
Les origines de la responsabilité ministérielle
Vers la fin du XVIIe siècle, l’obligation pour la
Couronne de consulter la Chambre des communes en matière fiscale a été
consacrée dans la Constitution, notamment par le biais du Bill of
Rights, de la loi dite The Mutiny Act et de The Act of
Settlement.4 Les conseillers du roi continuaient d’être
nommés par la Couronne, mais ils étaient obligés de travailler en
harmonie avec la Chambre des communes qui exerçait un contrôle sur le
pouvoir financier et militaire de la Couronne. Afin d’exercer leurs
fonctions et d’obtenir les fonds dont ils avaient besoin, les ministres
du roi, qui occupaient les principales charges de l’État, devaient s’entendre
avec la majorité des membres de la Chambre des communes. Les ministres,
notamment ceux qui avaient des responsabilités financières, se sont
ainsi rendu compte progressivement de l’importance de la Chambre des
communes et de l’intérêt qu’il y avait à en faire partie.
Grâce au contrôle qu’elle exerçait sur les ressources financières
(impôts) et les crédits (dépenses), la Chambre des communes a pu tenir
les ministres responsables de leurs actes, ce qui revient à dire que les
ministres, nommés par la Couronne, étaient tenus responsables des
mesures qu’ils prenaient au nom de celle-ci. Cette responsabilité
individuelle était assurée non seulement par le fait que les ministres
pouvaient être appelés à rendre compte au Parlement, mais encore par la
procédure de mise en accusation au moyen de laquelle on pouvait forcer la
Couronne à révoquer un ministre qui ne jouissait plus de la confiance du
Parlement. 5 On n’attachait pas trop d’importance au
concept de «gouvernement»: les ministres assumaient leur charge et s’en
démettaient selon que le roi le jugeait à propos (quelquefois à la
demande du Parlement).
La faculté qu’avait le roi de choisir les ministres était
circonscrite par les forces politiques qui se faisaient sentir au
Parlement et parmi les ministres eux-mêmes. La croissance des partis
politiques, en favorisant des groupes particuliers de ministres, a
davantage réduit l’exercice des prérogatives de la Couronne. Le roi
Georges I, qui bénéficiait de la Dévolution hanovrienne et devait son
trône au nouveau parti Whig, a été contraint de choisir ses ministres
parmi ce groupe.6 Georges I était encore défavorisé par le
fait qu’il parlait à peine anglais. Le pouvoir d’accorder des faveurs
royales était de plus en plus exercé sur les conseils du principal Lord
du Trésor, qui est devenu le premier des ministres du roi. En résumé,
la Dévolution hanovrienne marque le début de l’ère où l’autorité
du Premier ministre s’est substituée à l’autorité du roi dans le
choix des ministres.
Lors de la Guerre de Sept ans, le premier Lord du Trésor portait
déjà le nom de Premier ministre.7 Vers la fin du siècle, le
Premier ministre avait assumé le droit de nommer, sinon de révoquer, les
ministres et certains autres titulaires de charges publiques.8
C’est à ce moment que le Cabinet est devenu un mécanisme qui
permettait de concilier les points de vues des ministres de façon qu’ils
puissent se soutenir les uns les autres à la Chambre des communes. La
tradition très importante de la responsabilité collective s’est ainsi
ajoutée à la responsabilité individuelle des ministres, laquelle était
au XVIIIe siècle une obligation légale les exposant à l’impeachement.
La responsabilité individuelle demeure le fondement juridique du système
actuel. Les ministres ne sont plus passibles d’impeachement; ils
risquent plutôt d’être tenus de démissionner afin de ne pas mettre en
cause la responsabilité collective de leurs collègues, laquelle
entraînerait à son tour la révocation de l’ensemble du Conseil des
ministres.9
Les ressources financières et les crédits
L’imposition de la responsabilité constitutionnelle, d’abord à la
Couronne, puis (en son nom) à ses conseillers, découle des efforts
déployés d’abord par les Lords et ensuite par les Communes en vue de
forcer la Couronne à ne lever les impôts qu’avec leur consentement.
Au cours du siècle qui a suivi l’établissement en 1295 du premier
Parlement digne de ce nom, les sommes allouées à la Couronne étaient
votées par les Communes sur l’avis et avec le consentement des Lords.
Il ne semble pas que cette pratique, tout comme la plupart des pratiques
parlementaires, ait toujours été suivie, ayant d’abord été
négligée au cours des discordes civiles du XVe siècle puis
sacrifiée aux tendances autocratiques des premiers Tudor. Cependant, elle
a été activement réaffirmée vers la fin du XVIe siècle et,
sous le règne de Charles I, elle a provoqué la grande crise
constitutionnelle du XVIIe siècle. Le Bill of Rights
puis l’ Act of Settlement ont établi que la Couronne doit agir
conformément à la loi. Le Bill of Rights prévoit en particulier
qu’«il est illégal de percevoir de l’argent pour le compte ou à l’usage
de la Couronne...sans l’autorisation du Parlement...» [traduction]. Ce
document a également institué les sessions annuelles du Parlement, ce
qui a donné naissance à un système d’autorisation annuelle des fonds
pour la Couronne. 10
Jusqu’au XVIIIe siècle, le Parlement approuvait la levée
d’un impôt spécifique dans un but précis. Le contrôle de la bourse (c’est-à-dire
la permission de dépenser ou l’octroi de crédits) était une
conséquence et non pas la cause du contrôle de l’imposition par le
Parlement. Essentiellement, donc, le pouvoir parlementaire de contrôler
les dépenses publiques est issu de la lutte pour combattre la levée
arbitraire des impôts. Ces circonstances, associées au principe selon
lequel la Couronne seule peut gouverner parce que le pouvoir émane d’elle,
ont établi que la Couronne avait seule le pouvoir de proposer un impôt
ou une dépense. Erskine May, qui fait autorité en la matière, nous
donne cette analyse:
[traduction]
Le souverain, qui incarne le pouvoir exécutif, est chargé d’administrer
tous les revenus de l’État ainsi que de tous les paiements au titre
du service public. Ainsi, la Couronne, agissant sur les conseils de ses
ministres responsables, informe les Communes des besoins pécuniaires du
gouvernement; de leur côté, les Communes accordent les fonds ou
crédits nécessaires pour satisfaire à ces besoins; elles fournissent,
au moyen d’impôts et d’autres sources de revenu public, les
ressources financières nécessaires aux dépenses qu’elles ont
autorisées. Donc la Couronne demande de l’argent, les Communes l’accordent
et les Lords consentent à cet octroi: mais les Communes ne votent pas
les fonds tant que la Couronne n’en fait pas la demande; elles ne
lèvent ni n’augmentent les impôts, à moins que la Couronne ne
déclare, par l’entremise de ses conseillers constitutionnels, qu’une
telle mesure est nécessaire pour le service public.11
Ce dernier principe figurait dans les règles de procédure des
Communes au début du XVIIIe siècle.
À la suite du tournant constitutionnel du XVIIe siècle,
les conseillers constitutionnels de la Couronne ont entretenu des rapports
plus étroits avec le Parlement, à tel point que, vers le milieu du XVIIIe
siècle, ils en sont devenus une partie intégrante. Le gouvernement
ministériel, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a commencé à
prendre corps dans la Constitution au cours de cette période où le
gouvernement grandissait, où les partis politiques s’institutionnalisaient
et où la Couronne était plus disposée à accepter les «conseils»,
même si elle était quelquefois aussi politiquement active qu’avant.
Après l’adoption du Mutiny Act en 1689, toutes les dépenses
militaires ont été assujetties à un vote annuel d’affectation des
fonds. En théorie, le gouvernement civil était assuré par les fonds de
la Civil List, votée au bénéfice de la Couronne au début de
chaque règne et renouvelée tous les ans, sans l’intervention du
Parlement, jusqu’à la mort du souverain. Dans la pratique cependant,
les fréquents déficits obligeaient les ministres du roi à obtenir de
nouveaux crédits des Communes.12 En effet, tout au long du
XVIIIe siècle, le Parlement a annuellement approuvé les fonds
nécessaires pour financer la plupart des dépenses publiques, bien qu’à
vrai dire, il n’ait exercé ce pouvoir que pour la forme et se soit
attendu, de façon générale, à ce que le Trésor lui garantisse que les
dépenses étaient bien administrées et contrôlées.13 Au
cours de la première moitié du XIXe siècle, le principe des
affectations annuelles du Parlement a été étendu à toutes les
dépenses civiles, après que la Civil List eut été
progressivement réduite pour n’inclure que les dépenses personnelles
du souverain. Le financement de l’administration civile a été ainsi
soumis au vote annuel au même titre que les services militaires.
Conclusion
L’histoire constitutionnelle du gouvernement parlementaire et
ministériel est celle de l’évolution des méthodes visant à garantir
que ceux qui exercent le pouvoir sont constitutionnellement responsables.
Tout d’abord, la Couronne, qui était la source du pouvoir au sein du
système, a été tenue responsable par les grands hommes qui étaient les
principaux responsables du royaume. Ensuite ce fut au tour des Communes de
rechercher ce rôle, qu’elles se sont éventuellement assuré en tenant
la Couronne responsable par le biais de ses ministres qui devaient rendre
compte à la Chambre de leur exercice du pouvoir de la Couronne. C’est
ainsi que le pouvoir personnel du roi a été assujetti au principe de
responsabilité par la Magna Carta au XIIIe siècle et
par le Bill of Rights au XVIIe siècle. Aux XVIIIe
siècle, ce pouvoir a été délégué à des comités, 14 et
les ministres qui l’exerçaient étaient tenus individuellement
responsables envers la Chambres des communes. Notre système de
gouvernement parlementaire et ministériel est donc fondé sur la
responsabilité constitutionnelle des ministres envers une assemblée
élue, la Chambre des communes, le gouvernement monarchique ayant cédé
la place, dans la Constitution fonctionnelle, au gouvernement
ministériel. 15
1
Voir Halsbury’s Laws of England 14e
éd. (London, 1974) vol. viii, p. 583.
2
Voir l’étude de cette question
difficile dans Constitutional and Administrative Law de S.A.
de Smith, 2e éd., (Londres, 1973) p. 114 sq. et The
Law and Custom of the Constitution de Sir William Anson, 4e
éd., (Oxford, 1935) vol. ii, part. 1, p. 17 à 72.
3 Le plus célèbre de ces impôts était
le Shipmoney (impôt de construction navale) levé dans chaque
comté pour la construction des navires au service du roi. L’organisme
chargé de faire respecter cet impôt était la Star Chamber, qui se
dispensait de la procédure judiciaire normale et conférait ainsi
au roi les attributs de la justice pénale.
4 Ces textes de loi ont créé la «monarchie
constitutionnelle». Le Bill of Rights (1689) spécifiait que
le pouvoir législatif était représenté par la Couronne au
Parlement, le Mutiny Act (1689) assujettissait l'existence de
l’armée à l’approbation annuelle du Parlement, et la loi cite The
Act of Settlement (1701) a privé le roi, entre autres, du
pouvoir de contrôler la justice.
5
Voir de Smith, Constitutional and
Administrative Law p. 169: [traduction] «Le Parlement avait l’habitude
d’obliger les ministres à rendre compte au moyen d’une
procédure semi-judiciaire. Le roi (exception faite de Charles I et
de Jacques II) ne pouvait jamais avoir tort aux yeux de la loi. II
était donc plus pratique de rendre ses conseillers comptables de
leurs mauvais conseils en les inculpant de crimes et de délits. La
Chambre des communes était l’accusateur, le rôle des juges
étant assumé par les lords dans cette procédure qu’on appelait impeachement
(mise en accusation). Les ministres n’étaient pas les seuls à
risquer l’impeachement; les fonctionnaires et les juges
pouvaient aussi être accusés de corruption et risquer l’impeachement;
mais le verdict n’était pas connu d’avance. Au cours du XVIIIe
siècle, le mécanisme encombrant de l’impeachement a été
progressivement remplacé par les votes de blâme contre les
ministres et les gouvernements; on se rendait compte que les procès
politiques encombrants ne constituaient pas la meilleure méthode d’atteindre
la responsabilité politique. Le dernier impeachement a eu
lieu en 1805; la procédure n’a jamais été abolie, mais dans la
pratique, on n’y a plus recours.» Cette procédure survit aux
États-Unis.
6
La Couronne a été dévolue à la maison
de Hanovre aux termes de l’ Act of Settlement de 1701. À
la mort en 1714 de la reine Anne, les Tories hésitaient entre
Georges et le prétendant des Stuart (le fils de Jacques II) alors
que les Whigs prenaient carrément parti pour Georges, Électeur de
Hanovre.
7
Ce terme a d’abord été employé par
dérision par les adversaires de Walpole, qui a longtemps été
premier Lord du Trésor, soit de 1721 à 1742.
8
On n’a vu que très rarement un Premier
ministre exercer son droit d’exiger la démission de ses
collègues. Le précédent a été établi en 1792 lorsque le Second
Pitt a obtenu le renvoi du Grand Chancelier, en demandant au roi de
choisir entre celui-ci et lui-même. Ce n’est que vers la fin du
XIXe siècle que le précédent est devenu tradition. De
nos jours, la nature «confédérale» des rapports entre les
ministres d’une part, et entre les ministres et le Premier
ministre d’autre part, est confirmée par le fait que celui-ci n’exerce
guère son droit de renvoyer des ministres ainsi que par les
conséquences malencontreuses qui font généralement suite à la
révocation d’un groupe de ministres. Voir Robert, Lord Blake, The
Office of Prime Minister (Oxford, 1975) p. 30 à 39.
9
Voir Anson, Law and Custom of the
Constitution, vol. ii, part. i, p. 118.
10
Voir Parliament de Sir Ivor
Jennings, 2e éd., (Cambridge, 1969) p. 283.
11
Sir Erskine May, The Law, Privileges,
Proceedings and Usage of Parliament, 18e éd. revue
et annotée par Sir Barnett Cocks, (London, 1971) p. 676. (Ce livre
fut publié la première fois en 1844. Depuis, Erskine May et ses
successeurs l’ont tenu à jour). II y a lieu de noter que n’importe
quel député peut proposer une réduction des dépenses.
12
II est intéressant de noter qu’au
XVIIIe siècle, la charge de l’administration civile ne
représentait, pour la bourse publique, tout au plus qu’un
dixième (et souvent moins) de la charge des services navels et
militaires.
13
On peut lire dans l’ouvrage The Treasury
de Henry Roseveare (London, 1969) p. 88 à l 32, un excellent compte
rendu des rapports entre le Trésor et les Communes au XVIIIe
siècle et au XIXe siècle. À la p. 91, Roseveare cite l’opinion,
apparemment typique, d’un député sur la question de la
responsabilité en 1775: [traduction] «Les ministres peuvent-ils s’occuper
des affaires publiques si n’importe quel membre de cette
Assemblée a le droit d’exiger un compte rendu? Ce serait
impossible...; le service public ne peut être assuré si l’on
demande de tels comptes rendus qui détruisent la confiance que vous
avez dans ces ministres». L’auteur de cette déclaration voulait
simplement souligner que dans le contexte de débats partisans,
il est peu probable que les questions administratives puissent être
discutées de façon objective.
14
Voir l’explication de ce terme ci-après
à la page 23
15
Selon Bagehot, il y a dans la
Constitution deux classes d’institutions: [traduction] «...en
premier lieu, celles qui impressionnent et suscitent le respect du
peuple - les éléments prestigieux, si je puis me permettre
cette expression ; et en second lieu, les éléments fonctionnels,
c’est-à-dire les éléments grâce auxquels le gouvernement
fonctionne et gouverne...Les éléments prestigieux du gouvernement
sont ceux qui lui donnent sa force, qui constituent son moteur. Les
éléments fonctionnels ne sont que l’exercice de ce pouvoir.»
Walter Bagehot, The English Constitution, 2e éd.
(London, 1896) p. 4 et 5. On pourrait ajouter que les éléments
prestigieux sont essentiels à l’action de la loi
constitutionnelle, alors que les éléments fonctionnels reflètent
la pratique et la coutume dans l’application de la loi et de la
tradition.
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