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JOHNNY CANUCK

Un des artistes qui a vécu cette « époque formidable » avec Dingle, à Bell Features and Publishing, était un jeune homme du nom de Leo Bachle. Bachle a commencé à travailler pour Bell Features en 1941, à l'époque où, âgé de 16 ans et élève du secondaire, il avait rencontré John Ezrin, le principal bailleur de fonds de Bell. Ezrin aurait remarqué Bachle en train de feuilleter des BD de Bell et lui aurait demandé ce qu'il en pensait. Bachle, qui aspirait à devenir un artiste dans ce domaine et qui dessinait ses propres BD depuis plusieurs années, n'hésita pas à critiquer certains des dessins de Bell. Amusé par l'aplomb de Bachle, Ezrin le mit sur-le-champ au défi de dessiner une scène représentant un combat entre deux hommes. Il fut suffisamment impressionné par son croquis pour lui demander d'inventer un personnage de BD et de venir présenter son idée au bureau de Bell Features le lendemain.

Ce soir-là, chez lui, Bachle inventa le « superhéros du Canada », Johnny Canuck. Le lendemain, Ezrin et Cy Bell, le rédacteur de Bell Features, furent si favorablement impressionnés par la création de Bachle qu'ils l'engagèrent comme pigiste. Bachle créa de nombreux personnages différents dans des genres divers, mais c'est Johnny Canuck, qui fit ses débuts dans la première édition de Dime Comics en février 1942, qui demeura sa création la plus célèbre et la plus populaire.

Bien que le second superhéros national canadien fût probablement inspiré en partie des superhéros américains tels que Captain America, il est manifeste que le personnage avait aussi sa source dans la tradition de la caricature politique canadienne du XIXe siècle, dans laquelle le personnage de Johnny ou de Jack Canuck avait déjà symbolisé le Canada. Au contraire de l'oncle Sam et de John Bull, le symbole britannique, qui étaient des hommes plus âgés, plus mûrs, Canuck était habituellement représenté sous les traits d'un homme vigoureux dans la trentaine. Au début, il ressemblait au personnage de l'habitant que les caricaturistes avaient utilisé pour symboliser le Canada français. Au fur et à mesure que la nation s'entendit vers l'Ouest, Canuck prit de plus en plus l'allure des gens de ces régions, arborant de hautes bottes de cuir et un « stetson ». C'est cette dernière image qui inspira manifestement Bachle. Si le Johnny Canuck des caricatures politiques était traditionnellement dans la trentaine, le Johnny de Bachle était beaucoup plus jeune, probablement au début de la vingtaine. En fait, Johnny paraissait parfois encore plus jeune et n'était pas sans ressembler à son créateur.

Inventé par un élève du secondaire contraint de suivre la guerre en simple témoin, Johnny était devenu le véhicule des rêves d'héroïsme guerrier de l'adolescent qu'était son créateur. En fait, Bachle, qui devint vite célèbre dans son école, reconnut plus tard qu'il avait incorporé dans ses aventures de Johnny Canuck des références à ses amis et à ses ennemis de l'école. C'était là une occasion privilégiée, pour un adolescent, d'exercer un énorme pouvoir, celui de transformer un rival de classe en un supervilain !

Alors que les aventures de la puissante Nelvana étaient confinées au Canada ou à des mondes fantastiques, Johnny, dont les pouvoirs (telle une mâchoire très solide) rappelaient beaucoup plus ceux de Freelance, se lança à fond dans la guerre. De plus, en tant qu'agent secret travaillant avec des partisans et des forces de guérillas, Johnny, qui était capitaine dans l'armée de l'air, se rendait sur pratiquement tous les théâtres d'hostilités. Ce n'est que dans sa dernière aventure, publiée après la guerre dans Dime (no 28), que ses exploits eurent pour cadre le Canada.

Bien que Johnny Canuck ait combattu les forces de l'Axe en Libye, en Russie, en Afrique, en Chine, au Tibet, en Yougoslavie et dans le Pacifique Sud, son aventure la plus mémorable est probablement celle de Berlin. L'on y retrouvait tous les éléments de base de ses aventures : un cadre exotique, des contacts avec les groupes secrets de résistance contre l'Axe, une jolie femme et d'innombrables évasions invraisemblables réussies par Johnny qui personnifiait « la réponse du Canada à l'oppression nazie ». Ce qui distinguait l'histoire de Berlin des autres, c'étaient les rencontres de Johnny avec Hitler lui-même. Au cours de cette tumultueuse saga, le superhéros canadien affrontait le Führer trois fois, et chaque rencontre se terminait par une raclée administrée par Johnny au dictateur nazi. Il est facile d'imaginer le ravissement qu'éprouvaient les jeunes Canadiens en voyant l'archétype de tous les vilains humilié par leur héros national!

Sur le plan du dessin et du texte, un adolescent comme Bachle pouvait difficilement faire concurrence au raffinement d'un vétéran de talent comme Adrian Dingle; Bachle fit cependant des progrès sensibles durant sa carrière à Bell. D'ailleurs, ses dessins soutenaient la comparaison avec ceux de la plupart de ses contemporains de l'Âge d'or, dont beaucoup étaient, comme lui, des adolescents (tel Harold Town). Le manque de métier de Bachle était compensé par l'audace et la puissance de ses histoires époustouflantes. Comme le héros d'un film à épisodes, vainqueur de tous les obstacles, Johnny échappait toujours à ceux qui voulaient le capturer. Bachle avait manifestement foi en son personnage, ce qui prêtait à Johnny un dynamisme et une intégrité qui s'imposent encore aujourd'hui, plus d'un demi-siècle plus tard.

Le talent brut de dessinateur de BD de Bachle fut finalement reconnu par plusieurs éditeurs américains de BD, qui l'attirèrent à New York vers la fin de 1943. Le personnage de Johnny Canuck avait cependant suffisamment de présence pour survivre au départ de Bachle. Ses cinq dernières apparitions dans Dime furent dessinées par André Kulbach, puis par Paul Dak. Cependant, Johnny ne résista pas à l'effondrement de l'industrie de la BD canadienne-anglaise en 1945–1947. Comme Nelvana, il succomba à l'assaut des BD américaines. Quant à son créateur, il a abandonné le monde de la BD américaine dans les années 1950 et est devenu un artiste de cabaret, prenant le nom de Les Barker. Aujourd'hui, Barker n'a pas oublié Johnny Canuck et se rappelle avec affection les années où, encore élève de Danforth Tech à Toronto, il fit vibrer une génération de jeunes Canadiens (et lui-même) aux exploits du second superhéros national du Canada.

CANADA JACK

Johnny Canuck n'était pas le seul superhéros national masculin de l'Âge d'or de la BD au Canada. Educational Projects de Montréal, la cinquième maison d'édition canadienne de BD à naître dans les années 1940, lança un rival, Canada Jack, en mars 1943, dans le no 5 de sa principale publication, Canadian Heroes. Contrairement à ses prédécesseurs, Educational, dirigée par Harry J. Halperin, voyait dans la BD moins un moyen d'évasion qu'une façon d'instruire les jeunes. C'est pourquoi de nombreux numéros de Canadian Heroes contenaient des commentaires élogieux de ministres du Cabinet canadien.

Halperin n'en était pas moins un homme d'affaires, et le succès que valaient à ses concurrents les aventures de superhéros ne lui échappait pas. Lorsque George M. Rae, l'un des artistes indépendants d'Educational, proposa que Canadian Heroes remplace ses histoires vécues d'explorateurs canadiens ou de gouverneurs généraux par des aventures d'un personnage de fiction – un superhéros national appelé Canada Jack – Halperin lui donna le feu vert. Halperin insista cependant pour que le caractère réaliste du personnage soit souligné, de manière à ne pas nuire à leur réputation d'éditeurs d'ouvrages éducatifs. Canada Jack fut un superhéros, mais ses pouvoirs étaient très limités, et ses aventures étaient soumises à des contraintes très réelles. À la différence de ses rivaux de Bell Features, Jack ne combattait pas de petits hommes verts venus d'Etheria ni ne fréquentait régulièrement des beautés au charme exotique dans les milieux de la résistance clandestine contre l'Axe.

En un sens, les carrières de Canada Jack et de Johnny Canuck étaient complémentaires. Comme Johnny, le nom même de Jack en faisait un symbole du Canada. En outre, bien que les deux héros fussent des athlètes exceptionnels (qui, selon certains, avaient une chance insolente), aucun des deux n'avait le genre de pouvoirs dont jouissaient Superman ou Nelvana. Si Johnny n'a vécu qu'une seule aventure au Canada, Canada Jack n'en a connu qu'une seule à l'étranger. Et alors que Johnny attaquait de front les puissances de l'Axe, Jack concentrait ses efforts sur la situation à l'arrière : il poursuivait les saboteurs et les agents de l'Axe qui menaçaient l'effort de guerre au Canada.

Spécialiste du jiu-jitsu et excellent cavalier, Jack était également un gymnaste accompli. Il portait d'ailleurs une tenue de gymnaste avec un gilet sans manches orné d'un blason portant son nom. Dans ses aventures, il était aidé par les membres du Canada Jack Club (CJC), groupe de jeunes créé pour appuyer l'effort de guerre canadien. Beaucoup de héros de cette époque s'étaient adjoint de jeunes compagnons, mais le CJC existait à la fois dans Canadian Heroes et dans la réalité. Organisé par l'éditeur d'Educational, qui travailla avec les jeunes avant et après la guerre, le CJC recruta comme membres des centaines de lecteurs de Canadian Heroes à travers le Canada. Chaque numéro contenait des nouvelles du CJC, des concours et le profil d'un de ses membres ayant contribué de façon remarquable à l'effort de guerre.

Dessinées et écrites par George Menendez Rae, qui signait indifféremment ses œuvres du nom de Rae, Geo ou Dez, les aventures de Canada Jack étaient en général dépourvues de l'exotisme qui caractérisait celles des autres superhéros canadiens des années 1940. Cependant, Rae, un graphiste montréalais, réussit à créer des aventures bien structurées et pleines d'animation pour le seul superhéros d'Educational. Au cours de sa carrière, de mars 1943 à octobre 1945, Canada Jack déjoua une foule de dupes et d'agents nazis : pyromanes, colporteurs de rumeurs, spécialistes du marché noir, saboteurs de chantiers navals, kidnappeurs, prisonniers de guerre évadés et saboteurs de voies ferrées. Et, même si Rae n'était pas aussi passionné pour l'art de la BD que l'était Bachle, son travail, qu'il s'agisse de Canada Jack ou de la bande sur la GRC, qu'il avait créée pour Canadian Heroes, était celui d'un véritable professionnel. En fait, le seul autre artiste d'Educational à manifester plus d'aptitudes pour cet art était Sid Barron, qui se distingua plus tard comme caricaturiste canadien.

Pas plus que Nelvana et Johnny Canuck, Canada Jack ne survécut à la reprise de la distribution des BD américaines au Canada. En fait, Educational se retira du marché en octobre 1945, au moment où Bell et d'autres maisons d'édition étaient encore déterminées à poursuivre leurs activités et entreprenaient la diffusion de leurs publications aux États-Unis. La disparition d'Educational fut peut-être un bien, car, une fois la menace de l'Axe éliminée, les aventures de Canada Jack devinrent de plus en plus ordinaires – si ordinaires que le vilain dans sa dernière aventure était incarné par un geai bleu. Comme Adrian Dingle, Rae abandonna la BD pour revenir au dessin publicitaire. Comme Dingle aussi, il poursuivit plus tard une carrière dans le domaine des beaux-arts. En fait, après la guerre, les deux créateurs de superhéros canadiens se lièrent d'amitié.

La disparition des BD canadiennes originales au cours de la période 1945–1947 marqua la fin de l'Âge d'or. L'aventure de Nelvana of the Northern Lights, l'héroïne de Dingle, dans Super Duper (no 7) de la F. E. Howard Company, en mai 1947, fut la dernière histoire de l'âge d'or mettant en scène un superhéros national canadien. Curieusement, c'était également la première à paraître en couleurs, ce qui semblait promettre Nelvana et les autres protecteurs du Nord à un brillant avenir. Pourtant, la génération suivante de jeunes Canadiens vibra au récit des aventures de héros étrangers.

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