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La colonisation de Bonnyville (1907 - 1919) (page1)
par H.E. Bourgoin
La famille Alexander Dargis, 1907
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Bonnyville doit son origine
aux efforts concertés et courageux de prêtres
colonisateurs, tels les révérends pères
oblats Joseph Adéodat Thérien et Jean-Baptiste
Ouellette. Ces missionnaires qui connaissaient très
bien notre région se dirigèrent dès
1907 vers le Québec, les provinces maritimes et même
aux États-Unis afin de recruter des colons pour certains
endroits de l'Alberta, entre autres, Saint-Paul, Thérien
et Bonnyville.
En 1910, le père Ouellette publia un pamphlet sur
son travail. L'extrait suivant provient d'un document qui
rappelle des commencements :
« Depuis quatre années, je m'occupe activement de colonisation en faisant connaître à mes compatriotes les avantages réels que possède l'Alberta-Centre au double point de vue du commerce et surtout de l'agriculture. J'ai la sensation de dire que mon travail n'a pas été perdu, car un bon nombre de colons ont répondu à mon appel et ceux là se trouvent dans une situation qui promet beaucoup pour l'avenir.
Je comprends la responsabilité de ma mission et, en mettant à profit l'expérience du passé, je crois utile et même nécessaire de réunir en un petit pamphlet quelques notes recueillies ici et là au cours de mes voyages à travers l'Alberta-Centre qui serviront à guider avec certitude ceux qui désirent venir prendre leur part d'héritage que notre pays met à leur disposition.
La condition du colon dans l'Alberta, comme ailleurs, n'est pas sans difficultés, qu'on ne se fasse pas d'illusions sur ce point; il est vrai que le sol est riche, que le climat est beau, que le pays est avantageux pour le commerçant, pour le fermier ainsi que pour l'ouvrier, mais il faut se fixer, faire de nouvelles connaissances et surmonter l'ennui de sa paroisse natale, se mettre à l'oeuvre pour se faire un nouveau foyer et subir un genre de vie spécial aux provinces de l'Ouest canadien. Cependant, à tout homme sobre, travaillant, économe, nous promettons l'aisance, la prospérité et le bonheur. »
La ferme de Wilfrid Ouimet, 1908
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Se rendre au lac de l'Orignal
(Moose lake) n'était pas chose facile à cette
époque. Si l'on venait du sud, on arrivait à
Strathcona via le chemin de fer du Canadien Pacifique et
puis on traversait la rivière Saskatchewan en bac
jusqu'à Edmonton. Ce bac était un énorme
ponton retenu par des poulies à un câble d'acier
tendu d'une rive à l'autre. Lorsque le ponton était
manoeuvré à l'angle approprié, la force
du courant de la rivière le faisait avancer. Vous
pouvez vous imaginer ce bac traversant la rivière,
rempli de passagers avec leurs biens, leur bétail
et leurs voitures !
D'Edmonton, l'on pouvait voyager par le chemin de fer Canadian Northern jusqu'à Végreville, une distance de 75 milles et de là entreprendre les 65 milles de route qui conduisait à Saint-Paul des Métis (une réserve de 12 milles carrés, pour les Métis, fondée en 1896 par le père Lacombe) via le bac de Duvernay qui traversait la rivière Saskatchewan. Depuis Saint-Paul des Métis, on se rendait à Moose Lake comme on le pouvait, soit à pied, soit par occasion.
D'autres pionniers partaient d'Edmonton en voiture à
cheval et suivaient un sentier battu par les grosses roues
des voitures chargées de provisions. Ce sentier longeait
la berge nord de la rivière Saskatchewan jusqu'à
Brosseau où l'on tournait vers le nord-est pour atteindre
Saint-Paul des Métis et Bonnyville. Ces sentiers
ou « trails » suivaient autant que possible
les clairières et les lignes tracées et défrichées
par les arpenteurs à travers les bois ou encore,
les sentiers des Indiens. Aux temps pluvieux, on peut s'imaginer
l'état boueux et raboteux de ces sentiers; on peut
aussi entendre le grincement des bandes des grosses roues
sur les cailloux. Parfois aussi, en longeant les marais,
on embourbait les voitures. Il fallait alors les décharger
pour parvenir à les extraire du bourbier et puis,
par la suite, les charger à nouveau avant de reprendre
la « trail ». C'est donc au printemps de 1907
que le Révérend Adéodat Thérien
réalisa son rêve de coloniser la région
de Moose Lake (Lac de l'Orignal). Il était allé
visiter des amis à Beaumont, à 15 milles au
sud d'Edmonton. Il rencontra de nouveaux arrivés,
Philorome Ouellette, 25 ans, Wildrid Ouimet, 45 ans, Albert
Dargis, 21 ans, et il réussit à les convaincre
de s'aventurer dans la région du lac de l'Orignal
(Moose Lake). Un quatrième se joint à eux,
Honorius Lamoureux, 24 ans.
Comme le sol était encore couvert de neige, on prépara les traîneaux (sleighs) que l'on chargea de provisions, de couvertures, d'une tente, d'ustensiles de cuisine, de fusils et de munitions, de haches et de sacs d'avoine pour les chevaux. Honorius prit place avec Wilfrid Ouimet et Albert Dargis et Philorome Ouellette voyagèrent dans le même traîneau.
Sentier à Anshaw
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En partant de Beaumont, nos
braves hommes se dirigèrent vers la rivière
Saskatchewan. Ils la traversèrent en bac pour s'acheminer
ensuite sur la « trail du freight » (pour le
transport des marchandises) qui longeait la rive nord. Ils
poussèrent vers Brosseau et de là, vers le
nord-est, pour atteindre Saint-Paul des Métis. Ils
passèrent par Saddle Lake, réserve indienne
où ils s'arrêtèrent à la Mission
du Sacré-Coeur. Ils furent accueillis à bras
ouverts par le père Balter qui leur servit un repas
succulent et les hébergea pour la nuit.
Le lendemain, nos pionniers continuaient un autre 15 milles vers l'est pour arriver à Saint-Paul des Métis l'après midi de Pâques : ils étaient en route depuis sept jours. Ils prirent une nuit de repos, engagèrent un guide nommé Boudreau et entreprirent le dernier 45 milles vers la « sauvagerie ».
Tard le soir, deux jours plus tard, ils virent les eaux du Moose Lake et y passèrent la nuit. Pendant les quelques jours qui suivirent, nos hommes explorèrent ce nouveau paysage et résolurent de s'y établir, excepté Honorius Lamoureux qui trouva le pays trop sauvage et trop lointain.
Bientôt nos voyageurs rebroussent chemin pour rentrer à Beaumont, plier bagage et revenir ensuite avec les parents et d'autres amis. Ainsi, vers la fin de mai 1907, les huit premiers colons étaient arrivés en ce pays : Wilfrid Ouimet, Albert Dargis, Aimé Marcotte, Hormidas Boisvert, Jos Mercier, Philorome Ouellette, Oliva Martel et Come Ouimet.
Ils trouvèrent un pays fort boisé, parsemé de lacs et de marais. En bordure de ces marais, on trouvait généralement un pré où l'on pouvait faire paître les animaux ou bien récolter du foin succulent. Il y avait des terrains pierreux autour des lacs, mais en général on trouvait une couche épaisse de belle et fertile terre noire créée par la tombée des arbres et des fruits de la forêt pendant des siècles innombrables.
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