Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 6, 1982-1983

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Portraits de Joseph Brant par William Berczy

par Gloria Lesser


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En 1786, Joseph Brant retourna en Angleterre pour négocier des privilèges fonciers. Il adressa au roi George III une demande d'aide pour reprendre les hostilités contre les Etats-Unis, mais le monarque lui opposa un refus diplomatique. Brant rentra au pays pour consacrer le reste de sa vie aux intérêts de son peuple nouvellement établi. La province du Haut-Canada, créée en 1791 et gouvernée par John Graves Simcoe, connut une augmentation rapide de sa population vers la fin du XVIIIe siècle. Cette croissance démographique était bien accueillie par le gouvernement car elle permettait de dissuader le Haut-Canada de se joindre à l'Union américaine. Les nouveaux immigrants se voyaient octroyer des concessions foncières lorsqu'ils prêtaient le serment d'allégeance. La pratique du favoritisme dans la concession des terres encourageait la spéculation, et Joseph Brant ne tarda pas à recourir lui-même à ce procédé. Par la suite, Brant reçut des Iroquois une procuration l'autorisant à céder et à vendre les terrains de la Grande Rivière et à percevoir la recette, ainsi qu'à réunir un fonds de rente au cas où le gibier deviendrait rare et où le mode de vie traditionnel des Indiens disparaîtrait. En 1797, Brant fut cependant accusé d'avoir abusé de ses pouvoirs de procureur en vendant à des Blancs, Américains pour la plupart, les trois cinquièmes de la superficie totale des terres en faisant un énorme profit. (18) Brant soutint qu'il avait agi dans les intérêts de son peuple, mais le fait est que sa fortune personnelle s'en trouva considérablement accrue. Il allégua que la concession d'origine était trop petite pour permettre aux Indiens de subsister grâce à la chasse et trop étendue pour être cultivée, et que l'argent provenant de la vente de terres à des fermiers expérimentés serait plus utile aux autochtones qui pourraient apprendre des techniques plus avancées. Cependant, les Indiens touchèrent peu d'argent et la superficie de la réserve fut considérablement réduite. Rétrospectivement, l'attitude de Brant paraît naïve, et en profitant de la situation, il fut en partie responsable du préjudice causé aux Indiens.

Joseph Brant passa les dernières années de sa vie dans la plus grande richesse. Il conserva son grade d'officier de l'armée britannique et à ce titre toucha une demie-solde de la part du gouvernement. Il mena une vie raffinée dans sa maison d'un étage construite dans le goût de l'époque, qu'il avait baptisée Wellington Square (le musée Joseph Brant de Brantford, en Ontario, est une réplique de cette maison, érigée à l'emplacement exact de l'original). Les documents historiques (19) décrivent les bijoux et la garde-robe de Brant et de Catherine, sa troisième épouse, une Agnière qu'il épousa en 1780 à Niagara et qui lui donna sept enfants. Le couple possédait un beau mobilier à la toute dernière mode.

Les Indiens des Six Nations méprisaient le sentiment de fidélité qui liait Brant à la Couronne. En accordant au gouvernement britannique le droit de regard sur leurs croyances et sur leurs terres, les Indiens des Six Nations se placèrent sous sa tutelle. Pris au beau milieu d'une lutte destructive entre une puissance impériale et une jeune nation expansionniste, les Indiens étaient considérés comme quantité négligeable par les deux camps. De plus en plus molle, la résistance indienne finit par céder le pas à l'impuissance.

Le héros classique: l'empereur

Après la guerre de l'Indépendance américaine, les portraits de héros nationaux et d'hommes d'État furent de plus en plus recherchés, ce qui favorisa l'apparition d'un très grand nombre de portraits officiels remplissant une fonction analogue à celle de la peinture d'histoire. Au cours des premières années de la République américaine, cette forme d'art « utile » connut donc un grand essor. La république de la Rome antique et ses citoyens aux vertus patriotes et spartiates séduisaient les Américains luttant pour la survie de leur nouveau régime ainsi qu'aux Loyalistes du Haut-Canada de plus en plus nombreux. L'intérêt suscité par le classicisme antique se manifesta dans l'architecture et les beaux-arts. La Grèce et Rome symbolisaient la raison et la justice ancrées non seulement dans le passé, mais également dans la nature profonde de l'homme à qui elles rappelaient ses qualités éternelles de dignité, d'honneur, de bonté et son amour pour la démocratie.

On pourrait étudier rétrospectivement la situation des Indiens dans l'optique du déclin qu'ils ont subi depuis la guerre de l'Indépendance, à la lumière du tableau commémoratif de William Berczy, Portrait de Joseph Brant (Galerie nationale du Canada) (fig. 5). Le biographe de Berczy, John Andre, (20) croit que le tableau a été peint peu après la mort du chef indien à l'âge de soixante-cinq ans. L'artiste présente son modèle en pied, dans une pose théâtrale au bord d'une rivière. L'influence néoclassique se fait sentir dans l'allure pompeuse du personnage, la netteté avec laquelle il se découpe sur le paysage et son attitude figée et statique. Brant manifeste dans sa pose et dans son maintien la foi, la loyauté et l'esprit de conquête, qualités définies en fonction des aspirations des premiers explorateurs et voyageurs, qualités qui magnifiaient les contacts entre Européens et Indiens et symbolisaient les aspects positifs de ces rapprochements. Berczy a peint Joseph Brant comme chef spirituel d'une nouvelle époque pleine d'espoir à la manière d'un personnnage de la Rome antique, auquel on s'identifie et dont on s'inspire. Ce portrait, document historique, social et politique aussi bien qu'oeuvre d'art, a suscité diverses réactions de la part des historiens de l'art. Barry Lord s'exprime en ces termes:

Le chef agnier, complètement assimilé...portant tous ses insignes, se tient devant l'image que se faisait Berczy de la Grande Rivière et montre du doigt la nouvelle patrie de son peuple. Berczy...a traité le chef iroquois à la manière d'un aristocrate britannique présentant son domaine ancestral ou un général anglais devant le champ de sa plus célèbre bataille. (21)
William Berczy, saxon d'origine, passa sa jeunesse à Vienne. Il étudia les beaux-arts en Italie, de 1785 à 1790 et en Angleterre, de 1790 à 1792. Au départ, Berczy était miniaturiste et il exerça son art, après 1785, en Suisse et en Angleterre avant de s'installer en Amérique. Berczy était également écrivain, urbaniste, ingénieur, architecte et exploitant foncier. C'est en cette dernière qualité qu'il fit la connaissance de Joseph Brant en 1794; l'entente passée entre les deux hommes et John Graves Simcoe, premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada leur permit de mener à bien les projets politiques et financiers qu'ils avaient formés.

En 1792, à titre d'agent foncier du marquis de Bath, Berczy avait amené un groupe de colons allemands dans l' état de New York, mais il s'était querellé avec les autorités à propos de la nature des terres concédées; il avait donc dirigé ses colons vers le canton de Markham, près de York (devenue Toronto) dans le Haut-Canada. À partir de 1795, des clients de York et de Québec commandèrent à William Berczy des portraits et des tableaux de genre comparables aux oeuvres néoclassiques produites en Angleterre à la même époque. Berczy avait séjourné quelque temps à londres en 1799 et à son retour au Canada en 1801, il avait commencé à imiter le style néoclassique contemporain. En 1803, Berczy avait entrepris sa carrière de peintre professionnel.

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