Parcours désordonné Propos d'artistes sur la collection

L'exposition itinérante Parcours désordonné

Précisons d'entrée de jeu que le centre d'artistes Les Ateliers convertibles se consacre principalement à la recherche et à la production ; il n'est pas un lieu de diffusion.

La publication collective Parcours désordonné et l'exposition itinérante qui résulte de ce laboratoire-collection représentent l'aboutissement d'au moins trois années d'une réflexion nourrie par des conférences, des discussions et des ateliers sur le thème de la collection.

Les oeuvres de l'exposition itinérante, fruit de cette réflexion, sont maintenant disponibles pour circuler dans les différents réseaux de diffusion artistiques. Cette exposition sur le thème de la collection comporte des séries d'objets de diverses natures, des citations et des emprunts à l'histoire de l'art, des classements qui viennent interroger d'autres formes d'organisation, autrement dit un ensemble critique qui interroge la notion même de collection et l'idée que le public peut s'en faire. L'aspect affectif d'une collection, qui peut être relié à l'enfance ou à des aspects souterrains de la personnalité, y est exploité de manière à susciter l'identification du spectateur, de la spectatrice.

Conçue pour s'adapter à divers types de lieux, cette exposition peut prendre de multiples formes. Autant les oeuvres que les parcours peuvent s'adapter au contexte de leur diffusion. Il est d'ailleurs souhaité qu'un dialogue s'établisse entre les oeuvres proposées et les collections des endroits visités.

Cette exposition est pensée comme une entité particulière plutôt que comme un rassemblement d'oeuvres. Le collectif, animé par un esprit interdisciplinaire, considère son travail comme un «laboratoire», un approfondissement en commun sur un thème. Enfin, un échange avec le public est aussi souhaité, sous forme de table ronde, de conférence ou de discussion libre.

Déstabiliser certaines habitudes de lecture, créer de nouvelles combinatoires, des sens inédits, telle est la volonté des huit artistes des Ateliers convertibles faisant partie de cette exposition.

Michèle BERGERON explore l'espace vide, le manquant dans des oeuvres matérialisées où la voix humaine prend une importance particulière. Une collection se constitue aussi en négatif, c'est-à-dire par les objets qui y sont absents ; ce sera le message que livre le répondeur téléphonique que les spectateurs-spectatrices pourront manipuler. Des références à d'autres cultures mettront en perspective cette notion fondamentale pour l'artiste qu'est le vide.

Danielle BINET examine la notion d'identité au travers du phénomène d'accumulation de traces photographiques. Elle a préparé une oeuvre en tryptique dont la troisième composante variera selon le lieu de l'exposition. Les deux premières photographies sont tirées des collections personnelles de l'artiste. L'ensemble de l'oeuvre se compose de trois photographies où le passage du temps est manifeste.

Ginette DÉZIEL a formé un répertoire de reliques humaines en codant et en numérotant des mèches de cheveux et en les accompagnant de la photo de leur propriétaire, le tout étant placé dans un coffret de bois composé de 25 tiroirs. Depuis peu de temps, on sait comment reconstituer toute la chaîne chromosomique d'un individu à partir d'une seule cellule. Cette oeuvre intitulée Prélèvements interroge le clonage et ses répercussions éthiques et métaphysiques.

Le projet de Normand FORGET, intitulé Collection-souvenir-non-réclamé, repose sur des objets trouvés : une collection de lettres d'amour. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, un Québecois et une Haïtienne correspondent ; ils ne se rencontreront jamais. L'homme a gardé les lettres, pas la femme. Ces lettres, des coupures de journaux, des photographies, des partitions musicales sont au nombre des éléments que l'artiste transforme, notamment par l'intermédiaire de l'ordinateur.

Suzanne JOLY proposeValises en dix versions, «un itinéraire dans le temps». Deux ou trois valises contiennent des objets variés, selon que l'artiste aura ou non accompli le voyage vers le lieu de l'exposition. La «matière première» utilisée sera la lentille de lunette. Quelques versions des valises : À vue de nez, Courbettes et petites lunettes, Pour un plat de lentilles, Faire de l'oeil, La valise se porte bien. Suzanne Joly propose aussi une performance de quinze minutes dans les lieux d'exposition, au gré de l'itinérance de ce projet sur la collection.

Francis LAPAN intitule son oeuvre L'esprit de notre temps, d'après une oeuvre dadaïste de Raoul Haussman de 1919. Il nous propose une collection d'objets divers, de récupération, un assemblage de bois, un masque-heaume qui forment, par la mise en ordre sur le sol, un espace sculptural où les jeux d'associations foisonnent.

Sylvie TOURANGEAU propose une performance originale dans chacun des lieux d'exposition. Elle remet en cause l'objet utilitaire (public) et l'objet à connotation intimiste (privé) tout en utilisant des oeuvres tirées des collections des endroits visités.

L'idée de la mobilité, du transformable est à l'oeuvre chez Jocelyne TREMBLAY, qui a réalisé trois oeuvres différentes, choisies en fonction du lieu de l'exposition. Deux oeuvres jouent sur les notions d'identification, de codage et d'étiquetage, et une troisième sur le thème du détachement, constituée de trois tableaux autonomes. Le bois y figure comme signifié de l'enfance, matériau présent dans l'identité personnelle et collective.

Cette exposition sur la collection, les artistes des Ateliers convertibles en sont convaincus, entraîneront des échanges extrêmement fructueux autant avec le public qu'avec les artistes qui fréquentent les lieux visités. Quant au transport des oeuvres, les artistes disposent déjà des caisses nécessaires pour que leur exposition itinérante prenne la route dès le mois de janvier 1997.

[PB]

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