Sauter les liens de navigation (touche d'accès : Z)Bibliothèque et Archives Canada / Library and Archives Canada
English - English version of this Web siteAccueil - Page principale du site Web institutionnelContactez-nous - Communiquez avec l'institutionAide - Renseignements sur la façon d'utiliser le site Web institutionnelRecherche - Recherche dans le site Web institutionnelecanada.gc.ca - Site Web du gouvernement du Canada

Protecteurs du NordProfils des superhérosBiographies des créateurs
Protecteurs du NordProtecteurs du NordVous plaisantez! : Trois décennies de visions satiriques
Protecteurs du Nord
IntroductionL'écrasement de l'axeÀ la recherche de Captain CanadaLa vision se préciseVous plaisantez!seperateurSites connexesÀ propos du siteSourcesCommentaires


Allez au site Web « Au delà de l'humour »
spacer

 

VOUS PLAISANTEZ! : TROIS DÉCENNIES DE VISIONS SATIRIQUES

Northern Light, Captain Canuck et les autres superhéros nationaux des années 1970 et 1980 avaient été précédés par des personnages qui manquaient vraiment de sérieux. La première de ces créations satiriques, Captain Canada de Gary Dunford, n'était pas un personnage de BD mais la vedette d'une série d'aventures invraisemblables présentées de temps à autre à Gerussi!, émission de Radio-Canada diffusée en 1969 et 1970. Captain Canada (interprété par Allan McFee) et son compagnon ukrainien Groon (Gerussi) caricaturaient plusieurs aspects de la vie canadienne du début de l'époque Trudeau, et leurs aventures étaient suivies par un auditoire vaste et enthousiaste. Le public de Gerussi aimait entendre Captain Canada déclarer, par exemple, aux Canadiens de l'Ouest : « Pensez bilingue. Soyez biculturels dans votre vie quotidienne. Parlez dans les deux langues pour dire blanc quand vous voulez dire noir, et vice versa. Souvenez-vous, le Canada est plus qu'un pays… c'est une succursale. »

UN AUTRE CAPTAIN CANADA

Étant donné le succès du superhéros de Dunford ainsi que le développement du mouvement de la BD « underground » en Amérique du Nord dans les années 1970-1972, la parution d'une parodie d'un superhéros national canadien de BD était inévitable. Ce qui n'avait, par contre, rien d'inévitable, c'était l'excellence de sa présentation, lorsqu'il parut finalement.

Bien que le mouvement « underground » soit né dans des centres comme Vancouver, Montréal, Toronto et Saskatoon, c'est à Ottawa que l'un des titres de l'époque connut le plus de succès : Fuddle Duddle, une revue satirique publiée par Jeffrey R. Darcy (JRD Publishing) et vendue dans les kiosques à journaux. Présentée en un format qui rappelait celui du magazine américain Mad, cette revue se rapprochait plus de l'humour adulte du National Lampoon par son contenu. Comme les autres titres du mouvement « underground », Fuddle Duddle (euphémisme utilisé par l'ancien premier ministre Trudeau à la place d'un explétif fort répandu), respectait peu de tabous. Comme dans d'autres domaines, la fin des années 1960 et le début des années 1970 dans le milieu de la BD ont été une époque où l'autorité était contestée et où la cible favorite des créateurs de BD était le code réactionnaire imposé dans les années 1950. Reconnaissant la créativité et l'énergie du médium, Jeffrey Darcey constitua rapidement une équipe de jeunes créateurs de BD, dont la mission était de s'en prendre aux vaches sacrées du Canada.

Parmi les artistes et auteurs de la région d'Ottawa que Darcey avait engagés pour travailler à Fuddle Duddle, il y avait Mark Lloyd, Dave Morris, Peter Evans et Stanley Berneche. Les deux derniers, qui ont étudié à l'Université Mount Allison ensemble, étaient les principaux créateurs de la revue et ont travaillé ensemble à la conception du premier superhéros national de BD à paraître au Canada depuis la dernière parution de Nelvana en 1947. Pas plus que Dunford, ils ne purent résister au nom de Captain Canada (le leur était le troisième d'au moins cinq Captain Canada parus dans divers médias).

Le personnage de Berneche et d'Evans apparut pour la première fois en 1972 dans Fuddle Duddle (no 4), et pour la seconde et dernière fois dans le no 5 de la même revue qui disparut aussitôt après. En un sens, leur Captain Canada était autant une parodie des héros des BD américaines (sa première aventure était dédiée à Stan Lee, de Marvel Comics) que des attitudes canadiennes. Vêtu d'un collant rouge et blanc, avec un capuchon orné d'un bois d'original, Captain Canada était un personnage né des éléments primordiaux, qui devait son origine à un météore chargé de karma venu percuter le sol fertile du Nord canadien. La tourbe qui entourait le cratère créé par ce météore avait conservé des pouvoirs particuliers, et Captain Canada en mangeait régulièrement (dans le style d'Astérix) pour conserver ses pouvoirs surhumains. Il avait un compagnon, Beaver Boy, qu'il avait sauvé à la suite d'un écrasement d'avion et qui portait aussi un costume pittoresque. Nourri de tourbe magique, Beav devint super-brillant et apporta à l'équipe quelque chose dont le musculeux Captain Canada semblait manifestement être privé : l'intelligence. Une jeune femme nommée Pam s'était aussi jointe à Cap et à Beav.

Au cours de leur première aventure, Cap, Beav et Pam affrontèrent l'odieux Media Master qui, naturellement, voulait à tout prix conquérir le monde et qui, avant d'être vaincu, menaçait d'utiliser des ondes spéciales pour projeter Cap et Pam (étudiante de McViewin, spécialiste des médias) dans le vide de l'espace. Dans leur aventure suivante, qui portait sur les élections de 1972 (au cours desquelles la société JRD essaya effectivement de présenter Captain Canada comme candidat inscrit par le votant), le trio subit une transformation et devint encore plus le produit d'une époque en pleine évolution. Cap, qui se conduisait comme un mufle dans sa première aventure, devint un véritable Néandertalien de la droite. Beav n'avait plus son costume pittoresque, mais les cheveux longs et les idées subversives, et Pam était devenue une enfant fleur. Dans cette invraisemblable histoire, Cap fonça tête baissée dans la contre-culture d'Ottawa, où il démolit les communards et se fit arrêter. Dupé par un groupe d'anarchistes, il fit presque sauter la Chambre des communes, après quoi il se lança dans la chasse aux hippies, laquelle commença par son immortel cri de bataille « Beavers Up! » (qui figure dans le premier livre de citations canadiennes de John Robert Colombo). L'histoire se terminait par l'intervention du premier ministre Trudeau qui évitait la prison à Cap et félicitait le superhéros, protecteur de son pays, d'être « un Canadien qui a le sens civique ».

La seconde aventure de Captain Canada ainsi que la troisième, inédite (aujourd'hui détenue par les Archives nationales du Canada) étaient de véritables tours de force dans le domaine de la BD. Evans, l'auteur du texte, et l'artiste Berneche ont associé leurs talents pour créer des BD débordantes d'une énergie anarchique et pourtant traitées dans un style très maîtrisé. Berneche, en particulier, bien qu'encore très jeune à l'époque, s'est révélé être un maître de la BD. En fait, après la disparition de Fuddle Duddle, une des questions les plus fréquemment posées par les connaisseurs de BD canadiennes était : « Qu'est-il donc arrivé à Stanley Berneche? » Il s'est lancé dans une carrière d'infographiste et de dessinateur d'animation et il a abandonné le domaine de la BD auquel, presque trente ans plus tard, ceux qui se souviennent de son travail exceptionnel pour Fuddle Duddle espèrent encore qu'il reviendra.

CAPITAINE KÉBEC

Au moment même où Captain Canada disparaissait, de jeunes créateurs de BD montréalais préparaient la réponse du Québec à Captain Canada – Capitaine Kébec. Les quatre artisans clés de ce groupe, baptisé L'Hydrocéphale entêté, étaient Jacques Hurtubise, Pierre Fournier, Gilles Desjardins et Jean Villecourt. Comme leurs homologues canadiens-anglais, entraînés par la vague de la BD « underground » et des premières BD parallèles au début des années 1970, les membres de L'Hydrocéphale participèrent à ce qui devint le printemps de la BD québécoise. En 1972, L'Hydrocéphale se lança dans une ambitieuse série de projets, dont la création de deux magazines, la fondation d'une coopérative d'artistes (Les petits dessins) et la réalisation d'une exposition de BD québécoises. L'Hydrocéphale disparut quelques années plus tard, mais Fournier, Hurtubise et l'un de leurs principaux collaborateurs, Réal Godbout, ont joué un rôle de premier plan dans la BD québécoise au cours des années 1970, 1980 et 1990.

L'une des deux BD publiées par les Éditions de L'Hydrocéphale entêté, Les Aventures du Capitaine Kébec, fut la première à mettre en scène un superhéros national québécois. Elle sortit à l'automne 1973, et les médias canadiens en parlèrent abondamment. Bien que plusieurs artistes et auteurs aient participé à la production de Capitaine Kébec, Pierre Fournier en a été le principal créateur. Comme Evans et Berneche (ce dernier est plus tard devenu un ami de Fournier), Fournier a utilisé son personnage à la fois pour parodier le superhéros américain et caricaturer sa propre société. Contrairement à Captain Canada, Capitaine Kébec n'avait pas été précédé par de nombreux superhéros québécois sérieux. En fait, bien que les Éditions Héritage aient publié pendant plus de vingt ans au Québec des traductions de BD de superhéros américains, le genre n'a jamais beaucoup intéressé les éditeurs et les créateurs de cette province. Il ne faut cependant pas oublier que deux artistes francophones, Jean-Claude St-Aubin et Gabriel Morrissette, ont largement contribué à la création de deux des principaux héros anglophones, Captain Canuck et Northguard, ainsi qu'au développement de leurs deux homologues québécois respectifs, Capitaine Kébec et Fleur de Lys).

Une autre différence très importante entre Capitaine Kébec et Captain Canada résidait dans leur attitude à l'égard de la contre-culture à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Alors que Captain Canada se voyait comme faisant partie de l'« establishment », n'ayant que mépris pour les hippies, Capitaine Kébec était un « marginal ». Barbu, la chevelure flottante, il avait une tenue hétéroclite : grosses lunettes de soudeur, casque d'aviateur, chandail de la Saint-Jean-Baptiste, espadrilles, montre sans aiguilles et cape faite d'une serviette de bain. Quant à ses pouvoirs – force et vitesse surhumaines ainsi que capacité de voler – ils lui étaient venus mystérieusement après avoir un peu tâté de la méditation et d'autres activités de la contre-culture.

Bien que Capitaine Kébec soit probablement apparu dans un plus grand nombre de BD que n'importe quel autre superhéros national au Canada (de nombreux artistes ont rendu hommage à Fournier en faisant apparaître le Capitaine dans leurs bandes), il n'a eu que deux aventures complètes, séparées par plus de dix ans. Au cours de la première, dans Les aventures, le superhéros de la contre-culture affronte un supervilain de l'« establishment », un policier de Montréal qui a pris l'identité de Frogueman. Consterné par la disparition du respect de l'autorité au Québec d'alors, Frogueman attaque le jeune Capitaine avec une puissante arme qui l'inonde de soupe aux pois. Avant que Frogueman ne réussisse à se débarrasser de lui, le superhéros national est sauvé par son jeune admirateur anglophone qui le confie, inconscient, à un mystérieux étranger.

Malheureusement, Fournier n'a jamais pu terminer la première histoire de Capitaine Kébec, mais il est revenu au personnage onze ans plus tard dans les numéros 5 à 7 de Titanic, une revue de BD québécoise. À l'époque, Fournier collaborait déjà avec Réal Godbout à la réalisation de l'une des BD les plus populaires de la province, Red Ketchup, qui tirait ses origines de Michel Risque, une de leurs créations antérieures; il ne pouvait manquer l'occasion de reprendre le personnage en le raffinant et en l'adaptant aux années 80.

Bien que l'aventure publiée dans Titanic comporte également un supervilain – en l'occurrence, le Dr Bébitte – le personnage central n'est pas Capitaine Kébec, mais une journaliste de la télévision appelée Josée, qui entreprend la préparation d'une interview du Capitaine pour l'émission Profil. Bien que Josée ait de la difficulté à contacter le Capitaine, les recherches qu'elle effectue pour l'émission indiquent qu'il est presque l'incarnation d'une force naturelle et que le Capitaine Kébec actuel n'est qu'un des maillons d'une longue succession de superhéros nationaux remontant aux années 1920. Josée finit par rencontrer le Capitaine, mais il est blessé au cours d'un affrontement avec l'affreux Bébitte, si bien que Josée se voit obligée d'enfiler l'uniforme du Capitaine et de poursuivre le combat. L'épisode se termine par la victoire de Josée sur Bébitte; et Josée découvre qu'elle porte maintenant le flambeau, elle est devenue « la » Capitaine Kébec, superhéroïne protectrice de la province.

Bien que Fournier n'ait pas signé de nouvelLes Aventures du Capitaine Kébec depuis 1984, il est très probable qu'il reviendra à son superhéros. Il a maintenu le contact avec le sous-genre du superhéros national. En 1988-1989, il a aidé Mark Shainblum et Gabriel Morrissette à produire les trois numéros de Northguard. Aujourd'hui, il travaille principalement dans le milieu québécois de la télévision et de l'animation.

Si Captain Canada et Capitaine Kébec représentent les interprétations satiriques les plus importantes des superhéros nationaux dans la BD canadienne, quelques personnages semblables avaient également été créés, notamment le Captain Canada de Owen McCarron, le Capitaine Québec et Langlais de Robert Schoolcraft, et le Captain Canduck de John Bell et Owen Oulton (7). En outre, au cours des trente dernières années, plusieurs caricaturistes politiques canadiens ont utilisé des superhéros nationaux pour représenter des personnages politiques. Ne pouvant pasticher un superhéros canadien existant, que la plupart des lecteurs de journaux auraient reconnu instantanément, ils se sont inspirés de notre iconographie nationale pour inventer leurs propres Captain Canada ou d'autres personnages du même genre; ainsi, une forme d'art de la BD qui était, en partie, un produit de notre tradition nationale de la caricature politique a, à son tour, influencé cette tradition. Il est intéressant de constater que, pendant les années 1990, les créateurs de Northguard, Mark Shainblum et Gabriel Morrissette, ont collaboré à Angloman, une BD qui faisait une satire de la politique québécoise et canadienne par l'entremise des superhéros.

Bien que nos caricaturistes politiques parodient de plus en plus les superhéros nationaux, depuis le début des années 1980, les dessinateurs de BD canadiennes qui veulent faire une satire du superhéros concentrent généralement leurs efforts sur des personnages non nationaux. Les plus importants de ces héros satiriques sont Wolveroach de Dave Sim, Dishman de John MacLeod, The Jam de Bernie Mireault, et Ticoune, Ze Whiz Tornado de Luc Giard.

PrécédentSuivant

Divulgation proactive