|
|
|
Dépression des années 1930 – Page 4
Associations et activités communautaires
 |
La Ligue
du Sacré-Coeur
 |
Parallèlement à tout ce débordement relatif aux déboires économiques de la communauté, on est à même de constater une vie sociale interne qui, à l'instar de l'activité politique et administrative du conseil municipal, connaît une période chargée. Ainsi, loin des murs « impénétrables » de la structure décisionnelle, le milieu jouit d'une vie animée par divers organismes qui se feront les porte-parole de la voix populaire, tout en proposant des modèles d'interventions communautaires non sans originalité. À ce titre, deux groupes seront à l'avant-scène de la vie municipale durant cette période. Leur activité s'appliquant surtout à défendre des principes fortement apparentés aux préceptes de l'Église, c'est à la propagation de nobles valeurs que l'existence de ces organismes tirera sa source afin de resserrer davantage les liens entre les individus formant ainsi corps. Il ne s'agit ni plus ni moins, que d'une sorte de cercle, axé sur les bonnes moeurs et les loisirs, où les multiples assemblées générales convoquées régulièrement deviennent autant d'occasions de fraterniser et surtout de s'éloigner un tant soit peu de la dure réalité du travail à la mine.
Premier acteur de cette implication sociale largement teintée par l'idéologie catholique dominante : la Ligue du Sacré-Coeur de Jésus. Son orientation ne fait aucun doute, elle se veut le moyen par excellence de propager et diffuser au sein de la communauté, les valeurs les plus fondamentales transmises par la religion catholique. Les membres de cet organisme seront amenés à se faire les chevaliers de la morale et de la vertu et à adopter un régime de vie reposant sur la santé de l'âme. Leur action se limitera à un rôle de surveillance civique, par l'intermédiaire de résolutions acheminées au conseil municipal, faisant part de leurs appréhensions vis-à-vis la conduite de plusieurs citoyens peu respectueux de l'étiquette et des convictions spirituelles. En même temps, ils seront les pourvoyeurs d'une façon de vivre en harmonie avec la propension toute naturelle à profiter de la vie et des trop rares moments de détente. Les occasions de rassemblements et de manifestations joyeuses ne manqueront pas alors que l'association procédera à l'organisation de divers événements communautaires tout en affichant fièrement l'appartenance par l'adoption et l'achat d'un drapeau (sans compter l'émission d'épinglettes) aux couleurs de la Ligue du Sacré-Coeur de Jésus.
Association plus morale et dévote que strictement axée sur les loisirs communautaires, la Ligue du Sacré-Coeur de Jésus sera vouée à une existence moins flamboyante que les autres associations ayant vu le jour à Asbestos. Bien que nécessaire à la prise de conscience des véritables valeurs collectives, son action est demeurée effacée, mais le niveau politique a prêté une oreille attentive aux doléances d'un groupe qui représentait un credo populaire qu'il ne fallait pas négliger. Faisant office de gardienne de la vertu, la Ligue du Sacré-Coeur de Jésus est cependant demeurée en marge d'une catégorie importante de la population: les jeunes, ne leur donnant pas vraiment d'espoir en regard de la crise qui faisait rage. On fermait ainsi la porte à une jeunesse en pleine ébullition, par définition très militante, qui ne pouvait aucunement se reconnaître dans le cadre d'un tel organisme.
 |
Jeunesse Ouvrière Catholique
 |
C'est exactement cette situation que va redresser l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne (Cercle Saint-Aimé), dès sa fondation le 25 novembre 1931, en procurant à cette couche souvent négligée de la population, un moyen de se faire entendre et de progresser en tant que groupe et en tant qu'individu au sein d'une communauté relativement isolée de par sa situation géographique. Deuxième association de taille à Asbestos (c'est du moins la plus visible à l'époque), l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne, qui deviendra par la suite la Jeunesse Ouvrière Catholique, retient l'attention par son oeuvre communautaire qui sera des plus actives au sein de la ville, mais surtout par l'objectif poursuivi par le mouvement, qui ne diffère pas de celui de la Ligue du Sacré-Coeur de Jésus :
« Le but du mouvement est donc 1- de former des chrétiens convaincus qui pratiquent fièrement leur religion et lui restent fidèles dans tous les actes de leur vie, 2- de former des apôtres éclairés et zélés auprès de leurs compagnons de travail ou de leurs amis, afin de les rapprocher de leur devoir à l'occasion et de les conserver, par leur exemple, à la pratique religieuse, 3- de former des paroissiens dévoués à tous les intérêts de la paroisse, respectueusement attachés à l'autorité, et toujours prêts à rendre service en toute circonstance. »183
Les racines religieuses demeurent le lien évident entre ces deux organisations qui poursuivront cependant des routes totalement différentes.
D'une nature tout à fait particulière, la Jeunesse Ouvrière Catholique est, dans sa structure comme dans son fonctionnement, une association qui ne manque pas d'originalité. L'implication dans le milieu s'apparente, au niveau de la visibilité et du recrutement, à un militantisme socio-catholique qui donne toute sa couleur au mouvement :
« Pour faire partie du Cercle il faut remplir certaines conditions dont voici les principales : 1- Être catholique et paroissien de Saint-Aimé. 2- Avoir accompli à la satisfaction des chefs un stage dont la longueur est par eux déterminée. Nous croyons utile d'exiger un stage avant l'admission dans le Cercle non pas pour transformer le futur acéjiste en une sorte de petit saint, mais pour lui permettre d'essayer ses forces, et lui faire comprendre le sérieux de notre association. 3- Pouvoir assister à toutes les réunions. C'est un point des plus importants, auquel il faut particulièrement tenir. 4- Signer sa lettre d'admission. 5- Payer sa contribution parce que chaque acéjiste sait que le mouvement est le sien et qu'il doit le soutenir, parce qu'en payant il travaille déjà réellement au relèvement et au bonheur des jeunes. De plus, parce que sans la contribution on n'arrive à rien. 6- Être présenté à l'aumônier après avoir été accepté par le Conseil. 7- Savoir par coeur la prière spéciale du cercle. »184
Citons ici au passage quelques caractéristiques de la Jeunesse Ouvrière Catholique, concernant ses préoccupations et son organisation. Tout d'abord la contribution obligatoire de départ, ajustée périodiquement selon les besoins, est d'un dollar par année, répartie en quatre versements de 25 sous (aux trois mois). Les réunions sont hebdomadaires et consacrent leurs propos à différents thèmes chers aux jocistes185, elles s'ouvrent très solennellement par une prière, pour se conclure par l'hymne du mouvement, traduisant ainsi la discipline à laquelle voulait s'astreindre l'association, question de refléter cette crédibilité tant désirée. Le comité constitué d'un président186, d'un vice-président, d'un secrétaire correspondant187 et d'un secrétaire trésorier (tous élus à raison d'un mandat d'une année)188, la Jeunesse Ouvrière Catholique se dote dès le départ d'une base ferme, afin de mettre en branle un mouvement solide et conséquent qui ne s'avérera pas un simple fétu de paille. Le pari sera relevé avec brio car cette organisation vivra au-delà de la crise, pour s'éteindre finalement quelque part dans les années 1960.
Les sujets de l'heure chez les jocistes étaient d'une diversité pratiquement infinie. Ainsi, chacune des sphères de la vie politique et sociale de la communauté prêtait à l'émission d'une opinion très ferme afin de sensibiliser les membres à la convenance usuelle, c'est-à-dire à faire le bien et à en pratiquer les vertus. Depuis le communisme, la crise économique mondiale189, les préjugés sur la jeunesse190, le sort des petits salariés191, en passant par la cigarette192, les lieux de perdition morale193 et le cinéma194, tout porte à exprimer un mécontentement face à ce qui se passe au sein de la communauté. Bref, on tente d'intervenir pour changer à sa manière les mauvaises habitudes de vie des concitoyens d'Asbestos.
 |
La Saint-Jean-Baptiste
|
Au niveau plus concret de l'action communautaire, les jocistes se révéleront d'une implication quotidienne indéfectible, mettant en place plusieurs projets visant au bénéfice de toute la population. Le tout placé sous le signe de l'amusement (établissement d'une patinoire, organisation de pique-niques, défilés, etc.) ou de l'entraide (support aux ouvriers, assistance au curé pour l'église, etc.), l'oeuvre de la Jeunesse Ouvrière Catholique est donc une sorte d'exutoire aux malaises de la population, en ces temps de crise. Ainsi, donnant une voix, une existence à la jeunesse qui montrait des signes de plus en plus évidents de lassitude, la Jeunesse Ouvrière Catholique s'est posée comme une véritable bouffée d'air frais, sauvant littéralement de la dérive bon nombre de jeunes dont les portes de l'avenir semblaient closes. En leur donnant l'estime de soi nécessaire, on s'assurait de les motiver pour qu'ils aillent au-delà de leurs limites et faciliter leur intégration sociale, une fois la tempête passée.
 |
|
|
|
______________________
|
| 183 |
|
Statuts du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Ouvrière, p. 3. |
| 184 |
|
Statuts du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Ouvrière, p. 4-5. |
| 185 |
|
Acéjistes : nom donné aux membres de l'Association Catholique de la Jeunesse Ouvrière. Cette dernière deviendra par la suite la Jeunesse Ouvrière Catholique et ses membres seront des « jocistes ». |
| 186 |
|
Statuts du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Ouvrière, p. 6. |
| 187 |
|
Statuts du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Ouvrière, p. 7. |
| 188 |
|
Statuts du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Ouvrière, p. 6-7. |
| 189 |
|
Procès-verbal du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne du 8 juin 1932. |
| 190 |
|
Procès-verbal du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne du 8 juin 1932. |
| 191 |
|
Procès-verbal du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne du 8 juin 1932. |
| 192 |
|
Procès-verbal du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne du 17 août 1932. |
| 193 |
|
Procès-verbal du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne du 2 novembre 1932. |
| 194 |
|
Procès-verbal du Cercle Saint-Aimé de l'Association Catholique de la Jeunesse Canadienne du 28 septembre 1932. |
|
