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L'histoire de Mosse Lake
par J. E. Dion
Depuis les temps les plus anciens, les Indiens ont vécu
au royaume de Moose Lake (Lac de l'Orignal), au milieu d'une
riche nature, depuis le Grand Poisson Blanc jusqu'au noble
orignal, au chevreuil, au caribou, à l'ours et à
combien d'autres encore. Aux temps où les grandes
activités se résumaient à la fourrure
et à son commerce, on se racontait les heureux moments
de chasse. Les peaux de toutes couleurs, soit du renard
argenté, roux, noir, du vison, de la loutre, du loup
et des autres habitants des forêts, s'étalaient
et faisaient l'orgueil des habiles chasseurs.
Les chevaux dansants |
![Les chevaux dansants](../../images/photos/petitephoto_moose_lake1.gif) |
La Compagnie de la Baie d'Hudson
avait un poste au sud-ouest du lac, tout près du
Dory Creek actuel. Le poste déménagea par
la suite à l'endroit du sentier arrivant de Long
Lake. Plus tard, on reconnaissait l'endroit par le nom de
plage Branigan. Enfin, après d'autres transferts,
on établit le poste au sud ouest du « lac des
Deux Îles » (Jessie Lake). On venait de connaître
une période de prospérité. Au courant
des années 1870, l'histoire des Indiens et des Métis
connut sa plus triste époque: une épidémie
de petite vérole balaya le pays et décima
des villages entiers. Un témoin de ces tristes années,
M. Antoine Gibeault, décédé en 1947,
nous raconta souvent des péripéties lugubres
qui entourèrent son enfance alors que sa famille
demeurait là où se situe maintenant Vézeau
Beach. Antoine avait perdu d'abord son père, sa soeur
cadette, puis sa mère et son jeune frère;
il était le seul survivant de la famille.
Il s'éloigna de la maison paternelle, maintenant
vide, et erra pendant quelque temps dans le froid du début
d'hiver, réchauffé par ses deux chiens et
une couverte de laine. Antoine fut retrouvé par une
tante qui s'occupa de l'envoyer à Saint-Albert où
l'enfant reçut une bonne éducation bilingue.
La grande famine de 1872 ne fut pas si terrible et on échappa
aussi au sort réservé par les enquêteurs
de Frog Lake qui vinrent en 1885.
Quelques années plus tard, un nommé G. G. Mann réussit à convaincre plusieurs Indiens et Métis de faire l'élevage des bêtes à cornes. C'est ainsi que deux ranchs furent établis à Kehewin. On ouvrit un autre ranch près de Long Swamp où on avait groupé environ 200 bêtes. Plus tard, près de ce dernier endroit, on construisit le magasin de Durlingville. On pouvait déjà, avant le tournant du siècle, y découvrir non seulement des wigwams et des feux de camp, mais aussi des cabanes en bois rond et des huttes très confortables. William Ikanes possédait une grande maison au sud de l'actuel hôpital St Louis. Johnny Gadwa vivait là lui aussi. Big Belly occupait le terrain qui devint plus tard un lopin de terre qui sera occupé par la famille Ouimet. Tout autour du lac des Deux Îles, surtout au nord et à l'ouest, on retrouvait Naistus, Michel et Alex Pipe, Joe Ikanes, Simon Gadwa, Pierre Berland, Corbet Piché, Michel Bearskin et bien d'autres.
Un événement regrettable pour la population
du temps vint assombrir la vie des Indiens et des Métis.
Un officier du département fédéral
des Affaires indiennes offrit aux gens une réserve
comprenant le nord, le sud et l'est de Moose Lake jusqu'à
Long Swam. Deux représentants de la population d'alors
refusèrent cette offre du département fédéral
des Affaires indiennes sous prétexte qu'ils ne voulaient
pas de limites à leur territoire. On les prévint
sans succès que très bientôt, les Blancs
allaient peupler ces territoires à l'est de Moose
Lake. Les plus vieux se retirèrent dans un territoire
qui devint la réserve de Kehewin.
Le groupe à Dion |
![Le groupe à Dion](../../images/photos/petitephoto_moose_lake2.gif) |
À l'époque, j'avais été pensionnaire
à l'école résidentielle de Onion Lake
durant neuf années quand mon père décida
d'aller s'installer à Long Lake. Je me sentis tout
à fait perdu dans cette nouvelle contrée,
trop étrange et sans ami ... et surtout sans maison.
Je fis la chasse aux rats musqués durant ce premier
hiver de 1903-1904. Nous étions à 50 milles
de Moose Lake mais il y avait un poste de traite de la Baie
d'Hudson à Onion Lake et on nous donnait 8¢
pour chaque peau de rat. Un agent des terres fit les arrangements
pour le nouveau site de la réserve et on changea
alors les dimensions de 9 x 4 milles à 6 x 6. C'était
en 1904, la même année où mon père
et moi commencions un moulin à scie sur la réserve.
Je vous fais grâce de la description de nos méthodes
de travail et de nos instruments, mais nous réussissions
quotidiennement à produire 40 à 45 pièces
de bois de 12 pieds par 8 pouces. On ouvrit du terrain à
plusieurs milles de là, à Long Lake. Les boeufs
semblaient les plus aptes au dur travail et on obtint de
l'agence à Saddle Lake l'équipement pour les
récoltes; ce fut un succès. A l'automne de
1905, on reçut la visite d'un commerçant.
Il nous fit une telle description de Beaver Crossing qu'il
m'attira vers son magasin afin de travailler pour la première
fois hors de ma famille. J'apportais avec moi un beau cheval
de selle blanc et j'étais indépendant!
La vie à Beaver Crossing ne fut pas tellement agréable: chicanes, disputes, boisson! Mon premier voyage à Edmonton fut rempli d'aventures, de sacrifices, de bêtes à cornes trop fatiguées pour faire la distance à pieds et qu'on abattait sur le champ! Après plusieurs péripéties, toutes moins intéressantes les unes que les autres, en passant chez les colons Pierrius Cyr, Alex Cyr et d'autres, Edmonton apparut à l'horizon. Nous arrivions dans la capitale en même temps que le Canadian Northern Railway. L'hiver était avancé lorsque je revis Beaver Crossing. Je quittai l'emploi de ce blanc pour rejoindre un M. A. L. N. Martineau, très agréable, plaisant et bon gérant au poste de la Baie d'Hudson de Beaver River. Il faisait crédit aux Indiens qui ne manquaient pas de rencontrer leurs comptes à la période de la chasse.
Durant ces années de travail d'été
chez mon père et d'hiver auprès de la Baie
d'Hudson, Bonnyville vit le jour. Une autre épidémie
de petite vérole risqua de balayer la jeune réserve
de Kehewin. On me pria d'aller aider la GRC à Onion
Lake. Le sergent Hall me confia le soin de deux recrues,
les agents E. Lee et Wollicher de la GRC, qui prirent maison
au poste de traite qu'on venait de fermer. On y arriva après
le jour de l'an de 1908. On occupa la partie du magasin
tandis qu'une autre famille, celle de M. Bibeau, nous avait
précédés aux appartements comme tels.
Toutes les maisons furent confinées par la quarantaine
et on devait pourvoir aux besoins essentiels de chaque habitation.
On rencontra les fermiers blancs qui venaient de s'installer
en région. Nous aimions visiter la famille Dargis
située à l'extrémité est du
lac des Deux Îles. On y parlait un peu anglais. On
y dégustait de bons biscuits et du gâteau ainsi
que de la bonne tarte, résultats de la bonne cuisine
de Mme Dargis. On fréquentait aussi le magasin général
que possédaient les frères Ouellette. L'épidémie
de la petite vérole nous occupa à la journée
longue. On se rendait tantôt à Onion Lake,
tantôt chez la mission du père LeGoff. On devait
désinfecter, exposer à la fumée chaque
maison avant de lever la quarantaine. On y allait à
pleine boucane lorsqu'on désinfectait ainsi les résidences.
Une bonne journée, la maison de Joe Paul fut tellement
boucanée que son habitation fut consumée par
les flammes. Le gouvernement lui fournit plus de 100,00$
en vue d'une reconstruction. Joe Paul ne perdit pas son
humeur cependant et il reconstruisit sa demeure. On finit
par exterminer toute contamination avec la famille de Pascal
Berland et ceci termina la ronde et les voyages de la GRC
dans le district de Moose Lake.
On m'offrit la position d'interprète à Battleford, ma mère cependant s'opposa à ce que je quitte ma vraie patrie et je dus me séparer du Dr. Amos et du sergent Hall que je revis à maintes reprises par la suite. On ferma le poste de traite de Moose Lake et M. Carson, agent à Prederick Durocher, opérait un petit magasin entre la réserve et Goose Lake (Muriel Lake). Je continuais d'aider mon père à pourvoir les gens de vivres et d'autres nécessités, quand un jour j'ai rencontré une vieille femme qu'on avait abandonnée le long des sentiers, trop âgée pour suivre les trappeurs. Il n'avait pas de pensions pour vieillards à l'époque et les vieux ne valaient plus grand chose! Enfin, Nokom Goodknife et moi, nous nous sommes régalés avec du bacon, des biscuits et de la confiture.
Durant l'automne de 1908, un incident amusant mais aussi
pathétique marqua la région. Ma mère
s'était jointe à un groupe de cueilleurs de
bleuets sur la grande île de Moose Lake. Parmi les
membres du groupe, on remarquait un vieux Saulteux du nom
de Atchitum, habillé à l'ancienne, un nouvel
arrivé du Nord de la Saskatchewan. Tout à
coup, on entendit un coup de sifflet provoqué par
le moteur d'un moulin à scie. Le vieux Saulteux prit
ses jambes à son cou, avisant tous les gens de se
cacher avant que le Méchant Esprit ne les avale tous.
Je me souviens de la première fête champêtre
de Bonnyville! Elle eut lieu sur la ferme des Belmare. Ce
fut merveilleux. Les courses de chevaux pour la plupart
furent gagnées par George Ward, fils du propriétaire
Felix Ward. L'un des plus vaillants compétiteurs
pour l'occasion était Joe Mercier. J'ai rarement
vu une souque à la corde aussi puissante que celle
entre les vigoureux pionniers aux bras d'acier. On comptait
huit hommes de chaque côté; on s'ancrait les
pieds aux pièces de bois étendues par terre,
lesquelles étaient consolidées par des piquets
bien enfoncés! On terminait le tout par la danse
et bien entendu, un peu de boisson!
Je retournai à Bonnyville en 1910 alors que les Ouimet
nous avaient hébergé. On chantait et jouait
aux cartes tard dans la nuit. Parmi les participants, on
notait M. Montambeau, chef ingénieur, Lodas Joly
et M. Stebbing, Jos Belzil, Gagnon, Jérôme
Laboucane, Paul Dufresne, J. B. Mostus, Bordeleau, le cuisinier
Boleau et son assistant M. Dupond. Aussi les « freighters
» Pierre Boudreau, Edward Delorme, George Laboucane
aidaient au transport des marchandises. Les chevaux de M.
Boudreau travaillaient sans relâche.
À Noël 1910, nous étions un peu malheureux
malgré les chants et la musique de la nuit de Noël.
L'ennui nous prenait. Nous n'étions pas loin des
nôtres, mais la neige s'était amoncelée
si haute et nous étions tous si fatigués!
L'hiver se passa finalement et nous nous rendîmes
à Cold Lake, à la bouche de la rivière
Martineau, pour arriver au site actuel de la petite ville.
Nous nous rendions de là à la mission de LeGoff
où nous reçumes 40,00$ pour les six mois de
travail!
1912 fut très important pour moi: je me mariai à
St Albert. Nous nous établîmes à Long
Lake. Jamais nous refusions l'hospitalité à
ceux qui frappaient à notre porte.
Au début d'octobre, je partis avec ma femme pour
Bonnyville avec l'idée d'aller à l'église,
ce que nous manquait beaucoup depuis quelque temps. Le temps
devint très mauvais en cours de route de sorte que
nous dûmes chercher refuge à l'abri de Jacknife.
Il y avait beaucoup de foin et de nourriture pour tous,
mais pas de chaleur dans la hutte. On finit par se rendre
chez Théodore Fillion qui nous hébergea avec
grand coeur pour la nuit. Le lendemain, nous arrivions à
la petite église et y rencontions M. Baril et M.
Robitaille. Ce fut un réel réconfort que d'assister
à l'office religieux. Comme chanteur, on pouvait
entendre M. Ostigny, qui avait une très belle voix.
C'est en 1913 que le Dr. Sabourin vint s'établir
à Bonnyville pour prendre soin de nos malades. Ce
valeureux pionnier n'a pas compté son temps et a
usé beaucoup de ses forces auprès de notre
population. Dès 1913, M. Johnny Dusseault permit
également à toute la communauté de
Bonnyville de communiquer avec le reste du monde par TSF.
M. Beaulieu ouvrit une première banque en 1919. Et
enfin le progrès semblait assuré avec l'arrivée
du chemin de fer en 1928. Nous devons beaucoup à
tous ceux qui nous ont précédés dans
notre belle région. Au beau milieu de nos célébrations,
arrêtons nous quelques instants pour remercier chaque
jour Celui qui de là haut mène nos destinées.
J'ai parlé.
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