Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin 13, 1969

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Commentaires sur l'exposition Jordaens

par Michael Jaffé

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Présentation

Les peintures de grandes dimensions mises à part, la présentation a pu suivre l'ordre du catalogue dans la plupart des cas, de sorte que l'on pouvait soutenir par le témoignage des yeux les arguments en faveur d'une date appropriée pour la grande majorité des oeuvres qui étaient « sans date ». La façon dont les illustrations sont disposées dans le catalogue correspond généralement aux juxtapositions souhaitées; cependant, L'ENFANT TENANT UNE GRENADE (JACQUES JORDAENS LE JEUNE) [no 40] était suspendu juste à côté de L'ADORATION DES BERGERS [no 23] de Mayence, de façon si heureuse qu'on se serait cru justifié de rapprocher leurs dates; L'ADORATION DES MAGES (D'APRÈS RUBENS) de Léningrad portait par erreur le numéro 41, qui a été corrigé dans le texte pour devenir le numéro 25A, étant donné que Jordaens a peint cette oeuvre à l'automne de 1620. Les dimensions disparates des reproductions du catalogue empêchent de constater que suspendre « LE ROI BOIT » à côté de « LES JEUNES PIAILLENT COMME CHANTENT LES VIEUX » [nos 64 et 65] pouvait confirmer qu'ils avaient été peints comme pendants l'un de l'autre, et c'est ce qui s'est produit. LA VISITATION [no 76] de Dayton a été placée avec tact à quelque distance des oeuvres autographes. En effet, on l'avait incluse dans l'exposition en guise d'exemple du niveau de perfection auquel Jordaens pouvait s'attendre de la part d'un assistant au moment précis où l'artiste lui-même était le peintre le plus en vue d'Anvers.

Il y a un grand nombre de cas où l'ordre de présentation a confirmé jusqu'à quel point certaines oeuvres étaient proches l'une de l'autre par le ton et la couleur, de même que par la technique et le traitement adoptés, et pas seulement dans le cas d'un véritable couple de peintures tel que les nos 77 et 78. Les couples les plus remarquables étaient les nos 1 et 2; 26 et 27; 29 et 30; 33 et 34; 36 et 37; 41 [25A] et 43; 70 et 71; 74 et 75 (partie originale); 85 et 87; 106 et l07; 111 et 112; 168 et 169; 235 et 236; 247 et 248. Les copies en couleur d'après Rubens et Véronèse [nos 2523 et 253] sont peut-être les plus éloquents et les plus beaux de tous ces rapprochements. À la lumière des circonstances, ces deux dessins peuvent dater de 1654, c'est-à-dire de l'année du passage de la reine Christine à Anvers, plutôt que de dix ans auparavant; mais cela soulève encore un problème. Lors de l'exposition, ces deux oeuvres étaient confortablement installées l'une au-dessus de l'autre entre deux dessins fort bien finis, du même style, quoique en grisaille, APOLLON ET PAN [no 208] du British Museum et L'ÉDUCATION DE JUPITER [no 209] de l'Ermitage, qui semblent avoir été faits vers 1645; on sait que c'est durant cette année-là que Jordaens était entré en contact pour la première fois avec la reine, par l'intermédiaire de Harald Appelbom.

Jordaens et le calvinisme 

Depuis la fin de l'exposition, l'article du professeur d'Hulst a paru (voir note 2). Il comporte une étude intéressante de la participation de Jordaens et d' Adam van Noort, qui était à la fois son maître et son beau-père, à l'Église réformée. D'Hulst situe la version de Leningrad de PAUL ET BARNABÉ À LYSTRES (A. A., XIV, 8-19) vers 1615, date peut-être plus juste que le « vers 1617 » proposé dans le catalogue d'Ottawa (voir le no 75); cela constituerait une preuve du calvinisme de Jordaens. Quoique d'Hulst utilise cette oeuvre et le « LAISSEZ VENIR À MOI LES PETITS ENFANTS » (MATHIEU XXIX, 13-15; MARC X, 13-16; LUC XVIII, 15-17) de Saint Louis dans son argumentation lorsqu'il veut prouver que Jordaens était attiré par le calvinisme dès sa jeunesse, il existe des interprétations indubitablement catholiques des mêmes sujets dans la même période, par exemple LE CHRIST BÉNISSANT LES ENFANTS de Van Dyck (4), dans la collection de la Galerie nationale du Canada (no 4293). À défaut de preuves plus concluantes que celles que nous fournit d'Hulst, il semble plus sage de ne pas considérer ces deux peintures de l'artiste au début de la vingtaine comme des déclarations évidentes d'une foi calviniste. J'ai traité plus avant de cette question dans le Bulletin of the J. B. Speed Art Museum (Louisville, Kentucky), XXVII, no 2, mai 1970.

L'usage du papier chez Jordaens

Jordaens a beaucoup utilisé le papier en guise de support: dans ses peintures à l'huile, pour des études de têtes ou de bras [voir nos 2, 25 à 27, 42 et 56], et pour des modèles et des petits modèles de compositions [voir nos 42, 43, 59, 82 à 84 et 104]; dans ses oeuvres à la gouache, pour ses cartons de tapisseries [voir nos 265 à 267]. Jordaens a également utilisé le papier à une échelle plus réduite pour d'autres matières; on classe généralement ces oeuvres parmi les dessins. On a souvent remarqué l'usage d'arrangements complexes de rectangles de bandes et quelquefois de formes plus irrégulières dans la composition des supports. Il est certain que la taille maximum d'une feuille de papier fait à la main limitait Jordaens et ne lui offrait d'autre alternative que ces arrangements composites lorsqu'il devait préparer des cartons à tapisserie recouverts de figures plus grandes que nature. Cependant, la complexité qu'on trouve même dans les subjectiles des dessins [voir nos 183 et 225] et des croquis à l'huile [voir nos 59, 82 et 84], que l'on pouvait représenter sur de simples feuilles de dimensions normales pour le XVIIe siècle, a quelquefois été la source d'une certaine confusion en ce qui concerne la méthode de travail de l'artiste. Certaines observations incorrectes ont donné naissance à des interprétations fausses des méthodes de travail de l'artiste et des dates attribuées à ses oeuvres, sans oublier les discussions sur les considérations techniques. Heureusement, bien que les cartons de tapisserie encore intacts de Jordaens soient trop fragiles pour qu'on ait pu les envoyer à Ottawa et que par conséquent cette étape extrêmement importante de la réalisation des oeuvres n'ait pu être représentée que par des fragments [nos 265 à 267], on a tout de même pu exposer une grande variété de ses oeuvres graphiques de plus petites dimensions: ceci a fourni une occasion unique d'étudier les particularités de ses préparations au dessin. On a cessé de croire en ces présomptions un peu faciles qui voulaient que presque chaque morceau de papier soit une « addition » à la feuille originale de Jordaens. On a trop souvent considéré que de telles « additions » avaient été faites beaucoup plus tard au cours de sa carrière, sans doute parce qu'il a manifestement traité un certain nombre de ses peintures de cette façon [voir nos 73, 75, 114 et 115] et même, en de très rares occasions, des dessins [voir no 261].

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