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Au
début des années soixante, l'installation de l'électricité sur
la presqu'île apporta au peuple français un autre élément de rupture
culturelle, la télévision. L'effet de celle-ci fut de détourner
les uns et les autres des formes traditionnelles de divertissement,
comme la veillée. On aurait tort, bien sûr, de refuser à qui que
ce soit les avantages de la technologie moderne et de regretter
la quasi disparition d'un certain mode de vie. Comme ailleurs,
les Franco-Terreneuviens accueillaient avec plaisir la télévision,
sans toujours se rendre compte qu'indirectement elle représentait
une nouvelle menace à la survivance de leur langue et de leur
culture. Car, jusqu'en 1974, la télévision était: entièrement
de langue anglaise. Je reprendrai cette discussion sur les, effets
de la télévision, dans le chapitre suivant. Il suffit de souligner
ici que certaines émissions exerçaient une influence cruciale
sur les téléspectateurs, influence qui, à Son tour, semblait apporter
le coup grâce au conte merveilleux, comme divertissement par excellence.
Les
années soixante donnèrent aux Français de Terre-Neuve plus que
l'électricité. L'amélioration des routes permettait un accès plus
facile au travail qu'on pouvait trouver à Stephenville et même
plus loin. Mais en 1966, la base américaine ferma définitivement
ses portes, supprimant d'un seul coup la source principale de
prospérité locale. Car, dans cette période, le métier traditionnel,
c'est-à-dire la pêche, laquelle les nouveaux chômeurs auraient
pu retourner, souffrait. effets de la surexploitation. La baie
St-Georges, qui avait fourni pendant des générations abondance
de morues et de homards, semblait être sur le point de l'épuisement.
Subitement, il fallait compter sur l'assistance sociale, là où
la majorité des francophones avaient pu gagner leur vie d'une
manière adéquate, auparavant.