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Si
la France tenait tant à maintenir ses droits à Terre-Neuve, ce
n'était pas uniquement pour des raisons économiques liées à la
pêche. Avant la fin des guerres napoléoniennes, en 1815, une partie
de l'importance de la pêche côtière, comparée à celle du Grand
Banc, résidait dans le fait qu'elle requérait une nombreuse main-d'oeuvre,
ce qui faisait d'elle une pépinière de futurs marins. Je cite
Charles de la Morandière, historien de la pêche française en Amérique
du Nord, qui explique la valeur de la pêche française côtière
....Les
diverses et nombreuses manipulations (de la pêche sédentaire)
obligeaient les armateurs et les capitaines à embarquer un grand
nombre d'hommes soit pour le travail de la grave, soit pour servir
d'aide aux pêcheurs. Pour être gravier, nul besoin d'être un marin
de naissance ou de profession. Un jeune homme de la campagne,
pourvu qu'il fût solide et bien constitué, donnait rapidement
pleine satisfaction... même s'il n'avait jamais vu la mer auparavant.
De même, pour accompagner dans une chaloupe le marin expérimenté
qui dirigeait la pêche, pour l'aider à arrimer la chaloupe et
même à manoeuvrer la faux, il suffisait d'avoir de la bonne volonté
et un peu d'adresse. Avec la faux un novice, soutenait Pléville
Le Pelley, peut prendre autant de morue qu'un pêcheur expérimenté.
En deux ou trois campagnes, un garçon de 16 à 18 ans se mettait
rapidement au courant de la pêche, se familiarisait avec la mer
et le navire et, même s'il ne devenait pas un fin matelot, pouvait
être incorporé dans les équipages de la marine royale... La pêche
de la morue verte était moins intéressante à ce point de vue car,
outre que les navires n'avaient que des équipages réduits à 15
ou 20 hommes - et non pas 80 ou 100 et même 130 et 150 comme sur
les morutiers allant à la pêche de la morue sèche -, il leur fallait
des matelots déjà très au Courant de la pêche.
Nous
reviendrons bientôt à une des conséquences de cette pratique.