PAGE
1/2/3/4
Sur
la presqu'île, la vie était moins influencée par la base américaine
que Stephenville, tout simplement à cause de l'isolement. Mais
les influences de la présence américaine se firent tout de même
sentir. Beaucoup d'hommes et de femmes trouvèrent du travail sur
la base, contribuant ainsi à la rupture de la vie traditionnelle.
Les hommes délaissèrent la pêche et chacun se trouvait soumis
aux pressions d'une culture éclatante à laquelle on ne pouvait
accéder qu'avec une bonne connaissance de la langue anglaise.
Si l'Église ni l'école n'avaient pu imposer l'usage de l'anglais,
la prospérité économique entourant la présence américaine faillit
réussir à le faire. Entre 1940 et les années soixante, de nombreuses
familles se détournèrent de leur langue, croyant que par l'adoption
de la langue et de la culture anglaises elles réussiraient à léguer
à leurs enfants un meilleur avenir. C'est pour cette raison que
certains visiteurs des villages de la presqu'île, vers la fin
des années soixante, purent conclure que dans vingt ans le français
y serait une langue morte.
D'autres
facteurs que la présence américaine contribuèrent, à cette époque,
à accélérer le processus de l'assimilation. Vers la fin de la
guerre, des routes praticables desservaient toutes les communautés
de la presqu'île, et même si la plupart de celles-ci ne furent
pas pavées avant les années soixante-dix, elles servirent à sortir
de l'isolement ceux qui étaient prêts à voyager à la recherche
d'un travail. Par contre, il faut noter que les villages français
de la presqu'île restent mal servis. Au début des années quatre-vingt,
la Grand'Terre, Maisons-d'Hiver et l'Anse-à-Canards attendaient
toujours des routes pavées. Exception faite de Cap-St-Georges,
ces villages restent le noyau de la population française de la
presqu'île, et il n'est pas difficile de deviner, à travers les
excuses d'ordre économique, un certain manque de préoccupation
pour le bien-être des villages français. C'est du moins le sentiment
des Français eux-mêmes, qui ont protesté publiquement contre l'état
des chemins.
|
|