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II
existe en effet des preuves qui relèvent de la tradition orale
et familiale et appuient le peu de documentation écrite dont nous
disposons. Rappelons, d'abord, l'état de la pêche côtière française
au dix-neuvième siècle. Comme nous J'avons noté plus haut, on
avait accordé aux armateurs saint-pierrais certains havres entre
le cap Rai et le cap Normand d'où ils partaient pêcher, et dont
les mieux connus étaient à Codroy, à la baie St. Georges, à Port
au Port, et à l'île Rouge. On avait par la même occasion imposé
une condition à ces armateurs: qu'ils se servent d'une main-d'oeuvre
saint-pierraise. Or, cette main-d'oeuvre comprenait non seulement
des Saint-Pierrais de naissance, mais aussi un grand nombre de
pêcheurs ou de graviers (ceux qui faisaient le travail de la grave,
de la côte), qui venaient directement de la France travailler,
ou bien chercher du travail, dans les compagnies installées à
St-Pierre.
Au
cours du dix-neuvième siècle, la plupart de ces pêcheurs de passage
à St-Pierre étaient bretons. La raison en est simple: avant cette
période, les ports de pêche français actifs dans la pêche côtière
de Terre-Neuve étaient dotés d'un arrière-pays pauvre -Granville
en Normandie, St. Malo et St. Brieuc en Bretagne, St-Jean-de-Luz
au Pays basque. Après 1815, de meilleures conditions permirent
aux paysans normands une agriculture plus satisfaisante, ce qui
les détourna de la mer. Les pêcheurs basques, pour d'autres raisons,
délaissèrent également la pêche à Terre-Neuve. Par ailleurs, la
Bretagne ne profitait pas encore d'une technologie agricole améliorée
et, par conséquent, les armateurs furent obligés de recruter de
plus en plus de Bretons pour faire le travail côtier. Tout au
long du dix-neuvième siècle, de jeunes Bretons quittèrent non
seulement les ports bretons, mais aussi ceux de Normandie, surtout
Granville.