L'Évangéline
8 août 1966
Le bateau-fantôme :
existe-t-il ou non?
CARAQUET - Parlant de Caraquet
et de la vie du pêcheur, les folkloristes ne peuvent
oublier ce que plusieurs vieux pêcheurs racontent avoir
vu au large, la nuit durant leur randonnées-le feu-du-mauvais-temps.
On lui donne même plusieurs
noms tels que vaisseau-fantôme, bateau-en-feu, bâtiment-forban,
feu des Roussi (surtout du côté de Paspébiac),
quelques autres l'appellent aussi feu de St-Elme ou feu de
Saint-Arbe. Que pourrait donc être ce phénomène?
Est-il imaginaire ou réel?
Une des explications les plus plausibles que nous avons rencontrées
est celle-ci : Anciennement, surtout à bord des bâtiments
à voiles, le soir après la rude besogne accomplie,
on allumait un gros feu dans un grand pot de fer placé
sur le pont du navire. Dans ce pot qu'on appelait le «
Cambuse », on suspendait un plus petit pot dans lequel
on avait préparé du poisson frais pour la cuisson
morue fraîche ou aiglefin, maquereau, quelques fois
du flétan, même du homard. En attendant que le
tout bouille bien, les pêcheurs se promenaient sur le
pont en fumant leur pipe. Il serait facile à comprendre
qu'à distance ce vaisseau, assombri par la brunante,
surtout sur la mer, que cette lueur produite par la flamme
et la mince fumée se dégageant de la «
Cambuse » et se reflétant contre les grandes
voiles blanches, avec ces hommes se promenant sur le pont
fumant leur pipe, supplémentée par un peu d'imagination,
puisse laisser croire aux distants spectateurs que le bateau
était en feu, que des hommes en feu dansaient sur le
pont.
Quand on n'a pas vu la terre
depuis quelques jours, au grand large, tout sur l'eau devient
bleu-le ciel bleu reflétant la mer-le soir les étoiles
scintillant dans une claire atmosphère, un coin de
lune sortant à travers un mince nuage, peuvent tromper
l'oeil facilement, en y faisant voir sur l'écran bleu
toutes sortes de couleurs que l'oeil aime à revoir,
à contempler de nouveau. C'est ici que l'imagination
voulant dissiper dont le pêcheur sur l'eau est assailli,
en face de ce qui ne change que rarement : l'eau, toujours
l'eau, toujours les mêmes vagues, toujours la même
immensité; du bleu partout se laisse aller à
des rêveries fantasmagoriques.
Les pêcheurs nous disent
que le « feu-du-mauvais-temps » apparaît
juste avant une tempête, de là son nom, une espèce
d'avertissement peut-être meilleur que la météo
moderne. Les pêcheurs doivent retourner aux ports se
mettre à l'abri au plus vite. Mais y a-t-il vraiment
eu un « feu-du-mauvais-temps »? Nous avons bien
essayé de le voir nous-mêmes sans jamais de succès
: quoique beaucoup de nos vieux loups-de-mer de la région
de Caraquet vous assurent avec grandes effusions de l'avoir
rencontré plusieurs fois et refuser d'y croire serait
pour eux une espèce de sacrilège.
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