Le Vaisseau Fantôme
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Le Droit, 7 juillet 1962

Quand le vaisseau-fantôme hantait nos rivages...
Par Jacques Coulon

Face à Chester, la ville aux trois églises, aux trois petites églises plantées au bord de la mer, la Baie Mahone déploie l'immensité de ses eaux vertes piquées d'un chapelet d'îles verdoyantes. Chester, c'est le coeur d'un pays de légendes, de légendes de la mer bien sûr, de ces légendes qui jalonnent le littoral de la Nouvelle-Écosse. À deux pas de Chester se trouve Oak Island, l'île aux trésors où rôde depuis deux siècles l'ombre de pirates et d'aventuriers plus ou moins imaginaires.

Dans la rade de Chester, on prétend que d'étranges lueurs s'allument parfois et qu'un navire de flammes apparaît à l'horizon. C'est de cette manière que se manifeste le souvenir des marins naufragés du « Teaser » qui sombra au large de la baie, voilà près de 150 ans. Pendant longtemps, racontent les folkloristes et les écrivains locaux, un puissant voilier apparaissait les soirs de pleine lune un peu à l'ouest de Chester. Ce vaisseau, qui semblait voguer avec grande rapidité même quand le vent était calme, avait ceci de particulier; il n'avait aucune voile, du moins n'en apercevait-on pas. Sa silhouette demeurait d'ailleurs assez floue, mais les gens de la région prétendirent longtemps qu'il s'agissait du « Sir Georges Sherbrooke », un navire canadien qui avait été coulé par les Américains à l'époque de la guerre d'indépendance...

Bien sûr, il y a la « Marie-Celeste », ce navire-mystère qui avait été construit aux chantiers de Spencer Island et qu'on retrouva au large des Açores, en 1872, flottant à la dérive sans âme qui vive à bord. La « Marie-Celeste » reste encore aujourd'hui un mystère de la mer qui n'a jamais été éclairci, mais ce n'est pas un vaisseau-fantôme comme ceux dont on raconte l'histoire ici et là.

Pendant longtemps, à l'époque de la navigation à voiles, des épaves de navires démantelés, d'embarcations chavirées erraient dans les parages des côtes de Nouvelle-Écosse. Les jours de tempête, l'ouragan et les vagues furieuses arrachaient aux rivages de vieux bateaux à moitié pourris ou hors d'usage et les rejetaient en pleine mer. Ces épaves pouvaient ensuite flotter pendant des mois avant de couler définitivement ou de s'échouer à nouveau sur quelques grèves. À une époque où la surveillance maritime organisée était à peu près inexistante, elles constituaient d'ailleurs de graves dangers pour les autres bateaux. Sans doute contribuèrent-elles à faire naître des récits de toutes sortes et bien souvent purement imaginaires de vaisseaux-fantômes et de voiliers engloutis réapparaissant régulièrement.

Les rivages de la Baie de Fundy, près des côtes de la Nouvelle-Écosse, sont également fertiles en légendes de ce genre. De génération en génération, on a toujours conté d'étranges histoires à propos de navires dont personne ne connaissait la provenance et qui se livraient, à la nuit tombante, à de mystérieuses besognes autour des îles parsemant la baie. Ce qui donna du crédit à ces contes qui ont peut-être une parcelle de vérité, c'est que l'on retrouva des pièces de monnaie et de menus objets sur une ou deux d'entre elles.

Mais l'une des plus étranges histoires de vaisseau-fantôme, et qui repose sur un événement historique réel, est assurément celle du « Baltimore », sorte de navire errant que l'on découvrit en 1795, à Chebogue Harbour. À bord se trouvait une femme et le pont du voilier était maculé de sang. La femme raconta que des Indiens avaient envahi le navire à l'ancre et massacré l'équipage. La femme fut ensuite transférée à Annapolis Royal afin d'être interrogée et le « Baltimore » resta dans la rade de cette dernière ville pendant sept ans, personne, par superstition, n'acceptant de monter à bord et encore moins de naviguer à nouveau sur un bâtiment qui avait le mauvais sort... Au bout de ces sept années, le navire fut remorqué en haute mer et incendié. Quand à la femme, on s'aperçut par la suite qu'elle avait donné une fausse version de l'incident. Le « Baltimore » avait quitté Dublin avec des prisonniers de droit commun qu'on transportait en Nouvelle-Écosse. En mer, ils s'étaient mutinés, avaient tué le capitaine et une partie de l'équipage et conduit le navire dans la baie déserte de Chebogue Harbour. Là, les mutins avaient été surpris par un groupe d'Indiens qui les massacrèrent jusqu'au dernier, la femme échappant de justesse en se barricadant dans une cabine. Mais l'incendie du « Baltimore » et sa disparition à jamais n'avaient pas, semble-t-il, mis un terme à sa carrière. Quelques mois après, le vaisseau maudit reparut, au grand affolement des pêcheurs de Chebogue Harbour, qui commencèrent à déserter le rivage. Certains d'entre eux entendaient même des cris stridents, des appels à l'aide... Le fantôme du «Baltimore» devint un sujet d'hallucination collective. Puis un jour, il disparut pour la seconde fois. Pendant des mois, des années, seule sa légende subsista. La côte, aujourd'hui, près du Chebogue Harbour, est loin d'être déserte et pas un pêcheur ne s'est encore plaint d'avoir aperçu, un soir de tempête, la silhouette du « Baltimore ».

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