Bateau-fantôme du capitaine Craig
Longtemps passé, au début du
19e siècle, il rentrait de gros bateaux
dans la Baie des Chaleurs, qui venaient faire du commerce
avec les Indiens. Puis c'était pas trop du commerce
catholique qu'ils faisaient, ils achetaient par exemple des
fourrures, essayaient d'avoir ça pour rien, pour payer
peu pour ça. Ça fait que quand ils arrivaient
à l'entrée du havre dans la Baie des Chaleurs,
ils avaient un pavillon, ils baissaient ce pavillon. Ça
voulait dire que ça prenait un pilote. Un pilote c'était
un capitaine de côtier qui pouvait aller le diriger,
prendre une charge de bateaux et l'entrer, l'amener au havre
à l'intérieur. Ça fait qu'il y avait
un gars de Miscou qui était pilote. Cette journée-là
c'était un bateau qu'ils aviont vu arriver. «
Tiens », il a dit, « Le bateau du capitaine Craig
» qui dédoublait le bout de Miscou. Toujours
un moment donné, le bateau naviguait, il a baissé
pavillon. « Ah », il a dit, « il demande
un pilote ». Le pilote, lui, a pris son garçon.
C'était un gros homme fort, le pilote, un gros homme
qui n'avait pas peur de rien. Les étrangers, il n'avait
pas peur de ça. Son garçon a pris le petit bateau
et a été l'amener à bord du gros bateau.
Puis là il a embarqué et l'a piloté jusqu'à
la place où ils voulaient ancrer le bateau. Puis là,
bien, les Indiens, les autochtones, ils avaient amené
des fourrures puis toutes sortes de choses qu'ils avaient
faites, de l'artisanat, puis allaient amener ça au
bateau. Puis eux-autres (capitaine Craig et ses membres),
ils achetaient ça. Mais pour commencer, quand que c'est
qu'ils arrivaient là avec quelque chose, il leur donnait
de la boisson pour les saouler puis après ça,
ils essayaient d'avoir le produit pour rien. Ça fait
que ça continuait comme cela. Un moment donné,
cette journée-là, quand ils ont eu fini d'acheter
tous les produits des Indiens, il a appelé le pilote
pour se faire sortir du havre. Fait que le pilote a été
puis il a embarqué à bord puis quand il a été
embarqué, il a navigué une escousse et il a
entendu des gémissements dans la cale du bateau. II
a trouvé ça étrange. II a dit au capitaine
et au second : « Baissez les voiles et jetez l'ancre.
» Ils ne voulaient pas. II a dit « Oui, oui, oui,
baissez les voiles puis jetez l'ancre parce que je vais tous
vous tordre le cou à bord. Écoutez, c'est moi
qui commande. » Ça fait qu'ils ont jeté
l'ancre. II a été dans la cale du bateau puis
il a trouvé deux Indiennes qui étaient ligotées
parmi les ballots de fourrure. Ils avaient fait boire les
parents puis quand les parents étaient saouls, ils
avaient enlevé les deux filles puis les avaient cachées
dans la cale du bateau. Ils s'en allaient avec et un moment
donné, ils les auraient jetées à l'eau.
Ça fait qu'eux-autres étaient aux alarmes. Le
pilote a entendu ces gémissements, ça fait que
là il a dit : « Faut trouver ce qu'il a ».
II a été, il les a trouvées, les a sorties
de là puis après, il a pris par la côte
pour les sauver. II les a amenées à la côte,
les deux filles, puis lui il a retourné au bateau mais
les deux filles voulaient pas. Elles ont dit : « Va
pas, va pas au bateau, il va arriver malheur. » II dit
« Comment ça arriver malheur? » Un bien
beau petit vent léger qu'il faisait, une belle journée
d'été, ça ne peut pas arriver malheur!
Il a retourné au bateau puis ils ont levé l'ancre.
Ils ont parti pour sortir. Ils n'ont pas fait long que la
tempête a tombé, les tourbillons, le vent et
comme qu'on dit, des squales de tout côté, le
gros bateau a chaviré dans la mer. Lui s'a sauvé,
le pilote a plongé à l'eau, puis le capitaine
et le second. Le capitaine l'a accroché par le collet
de la chemise puis le second l'a pogné par un pied
puis lui, il a nagé avec ça jusqu'à temps.
Le second a échappé, s'a noyé, puis le
capitaine, ils l'ont emmené à la côte
mais quand il a arrivé à la côte, il n'a
pas survi à ça. Ça fait lui (le pilote)
a survi avec les deux filles qu'il avait envoyées à
la côte. Toujours, après ça, les deux
filles ont dit: « Comment ça se fait que c'est
arrivé ça? » Il a dit : « Les sauvages,
ça donnait des sorts en ce temps-là, un sort
ça prédisait qu'il allait arriver quelque chose.
» C'est ça qu'ils avaient fait. Ils avaient donné
un sort au bateau. Après ça, ce bateau-là
a été un fantôme qui a toujours hanté
les côtes. Dans les mauvais temps, ils voyont une boule
de feu. « Tiens, le fantôme à Craig arrivé
à la côte... » Depuis tout ce temps-là,
ça toujours existé le bateau-fantôme.
M. Étienne Noël (78)
Shippagan (Gloucester), NB
1998
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Collections Carmen Daneault
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