Bateau-fantôme
Il y a une légende avec laquelle je
suis plus familière, la légende du bateau-fantôme.
La légende est toujours basée sur quelque chose
de vrai, mais quand elle se transmet, ça devient moins
vrai. Le point de départ de la légende c'est
un feu sur la mer, un feu réel que la science n'a pas
encore expliqué, mais la légende, elle, s'en
est chargée. C'est pour satisfaire un besoin psychologique,
celui d'expliquer.
Quand on voit une chose qu'on ne comprend
pas, souvent ça nous fait peur. Si la science l'explique,
on a moins peur. C'est comme le tonnerre et les éclairs
autrefois. Les gens d'avant l'ère scientifique s'imaginaient
que c'était la voix d'un dieu en colère et,
pour l'apaiser, ils lui offraient des sacrifices. Et, au bout
de quelque temps, le dieu s'apaisait et le beau temps revenait.
Ce mythe rassurait les gens. Ils voulaient toujours offrir
ce qui, pensaient-ils, ferait le plus plaisir au dieu. C'est
pourquoi ils en sont venus à offrir des sacrifices
humains, surtout des enfants. Ils pensaient qu'en offrant
ce qu'ils aimaient le mieux, le dieu s'apaiserait plus vite.
Le bateau-fantôme, lui, s'explique par
une multitude de légendes. Ce feu sur la mer prend
différentes formes, surtout celle d'un bateau. On l'appelle
de noms divers : bateau-fantôme, vaisseau-fantôme,
bateau-de-feu, etc. Les gens de Caraquet le voient souvent.
Je suis allée pour le voir mais il était apparu
la semaine précédente et, la semaine qui a suivi
mon départ, il s'est montré de nouveau. Quand
les gens voyaient ce feu-là, ils croyaient que c'était
un vrai bateau en feu et ils allaient à son secours.
Quand ils arrivaient là, le bateau était plus
loin ou bien en arrière d'eux et ils ne pouvaient jamais
l'atteindre. C'est pourquoi ils l'appelaient le bateau-fantôme.
Mais c'est un feu réel et la science ne l'a pas encore
expliqué. Et puis, j'ai recueilli au-delà de
mille versions de la légende. C'est donc dire qu'il
y a plusieurs personnes qui l'ont vu et qui en ont parlé.
Une des versions les plus intéressantes
est celle du bateau-fantôme de la Baie des Chaleurs.
C'était un bateau de pirates qui tuaient et pillaient.
Ils avaient rencontré un vaisseau espagnol et avaient
tué tous les hommes à bord, volé leur
or et brûlé. Une jeune femme, otage du capitaine,
a été la seule survivante. Quand elle a vu le
sort qui lui était réservé, elle est
allée à la proue du navire et, selon le langage
savoureux d'un informateur, elle a rollé ses hardes
et leur a dit : «Vous nous faisez pèrir, vous
pèrirez vous autres même!» Un peu plus
tard, un violent orage s'élève; la foudre pétrifie
le vaisseau et un éclair le fend à sa base.
Et c'est l'origine du rocher Percé. Si vous l'examinez
attentivement, vous conviendrez qu'il a la forme vague d'un
bateau. A Caraquet, on appelle ce phénomène
le feu-du-mauvais-temps parce qu'il apparaît toujours
à la veille d'un mauvais temps.
Catherine Jolicoeur
Université de Moncton, Centre d'études
acadiennes, Fonds Catherine-Jolicoeur, 63.---
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