Opinion publique, vol. 9, No
40 (3 octobre 1878), p. 473.
Le feu du mauvais temps
Les mystères du golfe
Les lumières mystérieuses dans
le golfe Saint-Laurent et le bas du fleuve, pronostics certains
d'un automne tempétueux et accompagné de sinistres,
ont été extraordinairement brillantes cette
année. La lumière, au large du Cap Marie de
Cascapédiac, a brillé à peu près
chaque soir depuis le 15 mai. Dans la Baie des Chaleurs, des
centaines de gens des villages de New Randon, Grande-Anse,
Caraquet et Salmon Beach, ont vu chaque nuit la lumière
de la Pointe-Mizzenette.
L'habitant dit que ce sont des signes surnaturels
qui présagent des scènes de naufrage et de meurtre
ou avertissent les navigateurs de l'arrivée de grandes
tempêtes, pendant que les colons anglais pensent que
ce sont des farfadets de l'océan.
Quoi qu'il en soit, c'est un fait établi
par l'expérience d'un siècle que, lorsqu'elles
brillent d'un grand éclat pendant les nuits d'été,
l'automne d'ordinaire se signale par de grandes tempêtes.
On croirait, en apercevant du rivage ces lumières mystérieuses,
voir un navire en feu. En arrière, le firmament est
brillant et au-dessus, la lumière, par la réflexion,
argente les nuages. Sur l'espace d'un mille, un nimbe de vapeurs
comme du phosphore enveloppe la mer. Le feu lui-même
se compose de flammes bleues et jaunes, tantôt dansant
bien haut au-dessus de l'eau, tantôt vacillant, pâlissant
et se mourant pour ressusciter de nouveau avec un éclat
plus brillant. À l'approche d'un navire, il s'agite
et s'éloigne, et c'est en vain que l'audacieux visiteur
cherche à l'atteindre. Dès le point du jour,
il s'évanouit comme une vapeur et ne reparaît
qu'avec le crépuscule. Ces lumières brillent
davantage lorsqu'il y a une forte rosée et sont parfaitement
visibles du rivage même depuis minuit jusqu'à
deux heures du matin. Elles disparaissent peu à peu
et finissent par se perdre dans la brume du matin.
Cet automne, si on en croit les lumières,
et les pêcheurs du golfe disent qu'elles ne peuvent
mentir, des tempêtes d'une fureur extraordinaire séviront
depuis l'époque des équinoxes jusqu'après
l'hiver. Si les pronostics se réalisent, il en vaudra
bien la peine que les météorologistes fassent
des recherches sur l'origine et les causes de cet étrange
phénomène.
Roy, Marie-Claude et Trudelle, Mireille, «Vaisseau
Fantôme et bateau de feu», Culture & tradition,
vol.3, 1978, p17 à 35
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