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L’heure des choix

Enjeux et défis de la SRC

Le 19 novem­bre débu­tent les audi­ences du CRTC sur le renou­velle­ment des licences de Radio-Canada. Après 13 ans, date du dernier renou­velle­ment de licence de la SRC, il est cer­tain que nous ne pou­vons faire comme si rien n’avait évolué dans le monde des com­mu­ni­ca­tions: l’écosystème de la radiod­if­fu­sion a été com­plète­ment cham­boulé. « On le sen­tait déjà en l’an 2000 lors du dernier renou­velle­ment de la SRC. Radio-Canada com­mençait à mar­quer sa présence. Mais les deux dernières années ont con­firmé l’ampleur du phénomène, » de dire Pierre Bélanger.

Les grands change­ments depuis 1999

Le numérique

Le con­texte numérique est un des grands change­ments qui a mar­qué la dernière décen­nie. Le CRTC a tenu des audi­ences publiques sur les nou­veaux médias, la valeur du sig­nal, l’intégration des entre­prises. On a vu le nom­bre de ser­vice spé­cial­isés exploser depuis les cinq dernières années. La SRC a fait des investisse­ments majeurs dans les plate­formes numériques, le Web étant main­tenant bien inté­gré à la pro­gram­ma­tion radio et télévi­sion. Ce graphique, tiré du dernier rap­port trimestriel de la SRC dénote bien l’intégration – 82% des dépenses vont à la radio, la télévi­sion et l’Internet. La SRC est résol­u­ment axée sur l’avenir. L’univers numérique a égale­ment fait l’objet de maintes audi­ences du CRTC: nou­veaux médias, valeur du sig­nal, télévi­sion HD, inté­gra­tion des entre­prises de radiodiffusion.

Le mode de gouvernance

Selon Pierre Bélanger, le mode de gou­ver­nance est l’un des change­ments majeurs que nous avons con­statés au sein de l’organisation. L’intégration des ser­vices est main­tenant assumée pleine­ment en ayant des vice-présidents prin­ci­paux dans les deux grands cen­tres de Mon­tréal et Toronto respon­s­ables de la radio, de la télévi­sion et de l’Internet. Loin de n’être qu’une mod­i­fi­ca­tion d’organigramme, c’est un change­ment majeur au plan de la philoso­phie des ser­vices. Un autre des grands change­ments sur­venus au cours des 13 dernières années se situe au chapitre de la trans­parence désor­mais exigée du dif­fuseur pub­lic. Les pres­sions poli­tiques ont fait en sorte que la Société doit main­tenant ren­dre des comptes beau­coup plus sou­vent et de façon beau­coup plus ouverte. Des rap­ports sur l’accès à l’information, les dépenses des hauts dirigeants, des rap­ports trimestriels sur les revenus, les dépenses et les langues offi­cielles sont exigés par plusieurs agences et soumis libre­ment par la SRC. Un désir de rap­proche­ment et de dis­cus­sions con­tin­ues est en marche. Il faut être à prox­im­ité du public.

Le finance­ment

On ne peut par­ler de Radio-Canada sans men­tion­ner le finance­ment. « Je suis con­sterné par les inces­santes com­pres­sions à Radio-Canada, » de dire Pierre Bélanger. « On ne lui donne pas les moyens de son mandat ».

Soulignons qu’à 1,134 mil­liard $ (en valeur nom­i­nale), le total des crédits par­lemen­taires accordés à Radio-Canada en 2010-11 est à peine plus élevé qu’il ne l’était en 1990–91 (1,078 mil­liard $). De façon plus impor­tante, notons que si les crédits de 1990–91 avaient été indexés selon l’indice du coût de la vie, c’est de 1,649 mil­liards $ dont la Société aurait dis­posé l’an dernier pour s’acquitter de son man­dat. Mal­gré une lente pro­gres­sion de 1999 à 2010, les réduc­tions budgé­taires qui l’ont affecté au milieu des années ‘90 n’ont jamais été com­pen­sées et celles à venir ne fer­ont qu’exacerber les prob­lèmes de finance­ment du dif­fuseur public.

Depuis les deux dernières années plus par­ti­c­ulière­ment et jusqu’en 2014, voici le résumé des impacts financiers aux­quels la Société fait face :

  • 115 mil­lions de dol­lars sur 3 ans (inclu­ant 60 mil­lions $ accordé depuis 2001 comme finance­ment ponctuel);
  •  Absorp­tion des coûts de l’inflation jusqu’en 2013 – 41,3 millions $;
  • Change­ments au Fonds cana­dien des médias – perte de 12,6 millions $;
  • Fonds d’aide à la pro­duc­tion locale (FAPL), perte de 47,1 millions $.

« Radio-Canada est un faiseur de ten­dance, un inno­va­teur. Un lab­o­ra­toire, ça ne fonc­tionne pas à tous les coups, il y a des erreurs, des choses qui ne fonc­tion­nement pas. Si Radio-Canada ne prend pas de risques, qui le fera? Or, on met Radio-Canada dans une posi­tion très incon­fort­able en lui don­nant un man­dat et des respon­s­abil­ités énormes, mais en ne lui don­nant les moyens que de payer les fac­tures et en la forçant à généré une part impor­tance de son finance­ment par le biais de la pub­lic­ité », de con­tin­uer Bélanger. Les com­pres­sions for­cent Radio-Canada à envis­ager de com­met­tre « le péché mor­tel, » celui de ven­dre de la pub­lic­ité sur ses ser­vices de Radio 2 et d’Espace Musique. L’oasis créé par l’absence de pub­lic­ité sur les ser­vices radio­phoniques, qui était sa force en quelque sorte et dis­tin­guait la radio publique de la radio privée, est aban­don­née. Selon la demande déposée au CRTC, le ser­vice français irait chercher 2,2 mil­lions de dol­lars alors que le ser­vice anglais pour­rait éventuelle­ment générer 31 mil­lions de dol­lars en publicité.

Mais pour sur­vivre à toutes ces coupes et pertes de revenu, Radio-Canada devra faire plus et mieux que de présen­ter de la pub­lic­ité sur ses deux chaînes radio. Elle devra se propulser dans l’avenir, non pas seule­ment réin­ter­préter les con­tenu radio et télé, mais réin­ven­ter la gram­maire du numérique. Radio-Canada doit regarder en avant et admet­tre que ce qui était n’est plus. Encore là, les moyens doivent suivre les respon­s­abil­ités, et on ne sait trop d’où les moyens req­uis pour­ront venir.

Que fera le CRTC?

Selon Pierre Bélanger, « le CRTC a un peu les mains liées, il va regarder la Loi sur la radiod­if­fu­sion et se servir de celle-ci comme cadre. Cela étant dit, le nou­veau prési­dent du Con­seil, que l’on a vu à l’œuvre lors des audi­ences de Bell-Astral, con­naît très bien le dossier et la machine gou­verne­men­tale. Je crois qu’il sait jusqu’où le Con­seil peut aller, sans faire ren­verser sa déci­sion par le gouvernement. »

La stratégie de Radio-Canada dans ce con­texte, c’est d’éviter de se faire enfer­mer dans les anci­ennes façons de faire et les dis­cours tra­di­tion­nels. CBC-Radio-Canada est un ser­vice de radiod­if­fu­sion pub­lic, mais il est du XXIe siè­cle. Pierre Bélanger est d’avis qu’avec son plan quin­quen­nal, Radio-Canada est sur la bonne voie. « Le plan est prospec­tif et tient compte des change­ments d’habitudes de con­som­ma­tion des médias et de tous ceux qui sont de la généra­tion des nat­ifs du numérique. Radio-Canada doit être en mesure de prou­ver qu’elle a l’intelligence et la créa­tiv­ité pour inven­ter le numérique à la façon cana­di­enne. Je crois que la survie et la per­ti­nence des ser­vices de Radio-Canada sont intime­ment liés à sa capac­ité de déployer le mul­ti­plate­formes (inclu­ant la radio). C’est pour ça que le CRTC doit laisser Radio-Canada inve­stir libre­ment dans le numérique. » Cela ne sig­ni­fie pas qu’il faille délaisser le reste des ser­vices, cela sig­ni­fie surtout qu’on ne doit pas empêcher la Société d’innover et d’inventer l’univers du multi-écrans.

Mais la Loi sur la radiod­if­fu­sion permet-elle ce change­ment tech­nologique? Certes, ouvrir la Loi afin qu’elle tienne compte des nou­velles réal­ités, y inclus celles de Radio-Canada, sig­ni­fierait ouvrir la boîte de Pan­dore. «Ceci étant dit, mod­erniser la loi à tous les 25 ans, ce n’est pas vrai­ment abusif. » Bélanger sug­gère qu’on pour­rait ne mod­erniser que cer­tains arti­cles de la Loi qui ont trait aux modes de dis­tri­b­u­tion et de productions.

One Comment

  1. Pascale Cormier says:

    Le gou­verne­ment Harper est en train d’étouffer la cul­ture dans ce pays. Le ser­vice pub­lic est absol­u­ment indis­pens­able, car il est seul à pou­voir offrir des con­tenus de qual­ité qui ne sont pas sub­or­don­nés à des impérat­ifs com­mer­ci­aux. Des pans entiers de notre cul­ture, comme la musique clas­sique et d’avant-garde, les arts visuels, le théâtre, la poésie, la danse, la lit­téra­ture — mais aussi la muséolo­gie, l’histoire, les sci­ences humaines, les débats de fond sur des sujets d’actualité, la recherche sci­en­tifique — dis­paraîtront presque totale­ment de l’espace médi­a­tique si la télévi­sion et la radio publiques sont privées des moyens néces­saires pour rem­plir leur mis­sion. Ce n’est pas seule­ment une atteinte à la lib­erté de presse et d’expression : c’est un crime con­tre tout ce qui fait l’essence même de ce pays, con­tre l’intelligence, con­tre la mémoire col­lec­tive, con­tre notre capac­ité de réfléchir au présent et de penser l’avenir.

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